Non Applicable - 5

4.4K 529 37
                                    

Quelque chose de très bizarre semble se passer dans les entrailles de Harry.

— Est-ce que vous venez juste d'avouer nous avoir jeté un sort de magie noire extrêmement illégal ? dit-il en essayant de se concentrer sur la partie importante. 

Il ne croit pas aux âmes sœurs. Il n'y croit pas du tout. 

Il essaie de ne pas écouter la petite voix dans sa tête qui lui dit qu'il ne croyait pas non plus à la magie, avant. 

— Regardez donc votre propre marque sœur, dites-moi le nom, et nous pourrons nous séparer bons amis, suggère Woodbead.

— Et si vous jetiez plutôt le contre-sort et en échange peut-être qu'on ne vous livrera pas au Ministère ? rétorque Harry en essayant de combattre tant bien que mal la panique qui monte en lui. 

Une marque sœur ? C'est quoi ce bordel ?

— Un sortilège d'âme sœur ! répète Ron, pour lui-même. 

Il a pris une teinte légèrement verdâtre qui est du plus bel effet avec l'orange de son pyjama et le roux de ses cheveux. 

— Je vais vous dire, donnez-moi l'autorisation d'écrire l'article, dites-moi ce que révèle la marque sœur, et je lancerai le contre-sort, dit Woodbead. 

Il sourit toujours, mais ça a l'air un peu forcé. 

— Vous ne voulez quand même pas embêter le Ministère avec ça, Mr Potter – je peux vous appeler Harry ? Ça fera tout un tas d'histoires et vous n'en retirerez pas une bonne publicité. Vous feriez aussi bien de vous y prêter de bonne grâce. J'écrirai un super article, vous pouvez me faire confiance, et on ne vous embêtera plus avec toutes ces fausses rumeurs sur votre vie amoureuse, l'encourage-t-il. Je vous fais une faveur, pour être franc. 

L'insolence de ce type coupe complètement le sifflet à Harry. Entre autres. Il parvient à peine à respirer. Il essaie de ne pas hyperventiler ; s'évanouir n'améliorera pas les choses. Il faut qu'il garde le contrôle – si on peut parler de contrôle, à ce stade – de la situation. 

— Et votre jeune ami de Serpentard ne sera pas mentionné, ajoute Woodbead en étrécissant les yeux. Je remarque que vous-même, Harry, vous portez une robe aux couleurs de Serpentard. Vous voulez bien me dire pourquoi ? Je n'ai pas besoin de plume, j'ai une excellente mémoire. 

— Marque sœur, déclare Ron d'une voix blanche. 

Il contemple toujours son poignet ; ses taches de rousseur ressortent comme des phares dans la nuit sur sa peau pâle. 

— Par les couilles de Merlin. 

Hermione lui jette un coup d'œil avant de reporter son regard sur Woodbead, un regard si venimeux qu'il doit dissoudre la peau comme de l'acide. 

— Vous avez du culot, dit-elle à Woodbead la voix tremblante de rage contenue. À vous mêler de choses qui ne vous regardent pas ! Défaites le sort immédiatement, ou je ne réponds pas des conséquences. Comme si nous allions passer un marché avec un cancrelat comme vous.

Woodbead lève le menton. 

— Le nom d'abord, et ensuite je ferai ce que vous voulez. Rien d'autre ne pourra me décider ! 

— Je suis désolé, Harry, je sais que tu détestes la presse, et je sais ce que tu as dit à Zabini, mais je crois vraiment que nous allons devoir le ramener à la Directrice pour qu'elle appelle l'Auror en Chef Robards, dit Hermione en lui serrant le bras. Je ne vois pas comment nous sortir de ce bourbier autrement. 

Elle pousse un gros soupir. 

— On aurait dû lui en parler dès le début. 

Harry grimace mais il hoche la tête. Il sait qu'il devrait faire quelque chose, agir, mais il n'arrive pas à se concentrer sur autre chose que le fait que quelque part sur son corps se trouve un tatouage magique avec un nom dessus. Un nom qui révèle... 

Son cœur manque un battement. Est-ce qu'il veut seulement savoir ? Est-ce qu'il n'est pas sur le point de spoiler sa propre vie ? 

Si c'est vrai. Un vieux conseil lui revient à l'esprit : n'accorde pas ta confiance à quelque chose qui semble réfléchir par lui-même si tu ne vois pas où est son cerveau. Qui est-ce qui décide de qui est son âme sœur, au juste ? Logiquement, ça devrait être à lui de le faire, et pas à un sortilège douteux lancé par un abruti avec une coiffure ridicule. 

Harry et Hermione avancent pour encadrer Woodbead et le traîner jusqu'au château. Harry a l'impression de se déplacer dans de la colle chaude. Ron ne semble plus prêter attention à quoi que ce soit en-dehors du tatouage. 

— Attendez ! s'écrie Woodbead, le visage défait. Ayez pitié, mes amis. Mon rédacteur en chef... il n'est pas commode. Il m'a laissé m'en tirer hier alors que j'ai laissé cette pétasse de la Gazette avoir le scoop – je veux dire, votre petit moment de tendresse avec Zabini. Est-ce que la robe aux couleurs de Serpentard veut dire que tous les deux vous... ? 

Il s'interrompt de lui-même. 

— Hum. À moins de lui ramener un article complètement fou, je vais perdre mon travail ! Je serai à la rue, indigent ! Hélas, Mr Misslethorpe se lasse de mes éditos sur le bébé Mangemort, Malefoy, en dépit de ma prose lyrique. Il me dit que je suis bon pour le dépotoir, à moins que... 

Il tourne ses moustaches frémissantes vers Harry. 

— Je vous en prie, mon garçon, je vous en supplie. Je suis un vieil homme, et sans le travail auquel j'ai dédié ma vie, je ne suis rien... 

— Répandre des rumeurs et des calomnies, c'est un travail ? demande Hermione d'une voix acide. 

— Mes articles font l'objet de recherches approfondies, répond Woodbead en retrouvant un peu de combativité. Quelques fois, mes sources se trompent, mais ce n'est quand même pas ma faute, si ? J'accorde trop facilement ma confiance. 

Harry se dit, devant ces pleurnicheries pathétiques, qu'il aurait presque préféré que l'inconnu soit un Mangemort venu pour essayer de les tuer. Il essaie de se reprendre et y arrive presque. 

— Alors vous n'aviez aucune information sur Ginny ? demande-t-il en se rappelant pourquoi ils ont accepté de venir à ce rendez-vous à la base. 

Il suppose qu'il est complètement idiot de demander, mais il préfère être sûr. 

— Oh, des tonnes, répond Woodbead d'une voix sinistre. Mais, heu, je lui ai parlé de quelques-unes de ces, heu, rumeurs il y a quelques temps et nous avons décidé d'un commun accord que je n'écrirai rien à ce sujet. 

Ce n'est pas une consolation. S'il avait eu la simple présence d'esprit de passer un coup de Cheminette à Ginny, ils n'auraient pas eu besoin de se lever à cinq heures du matin pour aller jouer les crétins dehors, et ils n'auraient pas été touchés par un sortilège qui... qui quoi ? 

Harry frissonne, frappé d'une prémonition d'ennuis à venir qu'il ne peut expliquer. Son âme sœur... Soi-disant, se morigène-t-il. Sa soi-disant âme sœur. Ce qui est complètement différent d'une véritable âme sœur et de toute façon, se répète-t-il fermement, il ne croit pas non plus dans les véritables âme sœur. 

— Vous n'écrirez rien du tout sur nous, dit soudain Hermione en croisant les bras. La seule inconnue, c'est de savoir si vous allez juste perdre votre emploi, ou bien si vous allez aussi perdre votre liberté parce que nous vous aurons dénoncé au Ministère. Quand vous aurez annulé le sort, nous déciderons quoi faire de vous. 

— Ah bon ? demande Harry. 

Hermione lui jette un regard impénétrable. 

Le soulagement se lit nettement sur le visage de Woodbead. Du soulagement et quelque chose de... louche. Il se lèche les lèvres. 

— Il va falloir que vous veniez avec moi.

— Où ça ? demande Harry, soupçonneux. 

La réponse n'a rien de rassurant :

— L'allée des Embrumes, je le crains.  

Tatoué sur mon cœur  - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant