Harry passe presque toute la pause déjeuner à chercher Malefoy, il prend à peine le temps de passer ramasser un sandwich au buffet dans la Grande Salle. Ce qui ne fait que rendre plus rageant, quand il revient dans la salle de Potions en courant à moitié – il ne veut pas être en retard – d'apercevoir l'arrière de la tête de Malefoy. Il est assis tout seul, entouré de bureaux vides, à l'avant de la salle de classe.
Harry s'arrête de marcher et se rappelle les raisons variées pour lesquelles il n'a pas envie de parler à Malefoy, en fin de compte. C'est bizarrement déprimant de savoir que Malefoy a fait exprès de l'éviter, même s'il suppose que c'est un juste retour des choses : il a passé la journée de la veille à éviter Malefoy, trop terrifié de lui révéler par accident ce que veut dire le sort de marque sœur.
Il se rend soudain compte que Malefoy ne lui a pas rendu la cape d'invisibilité qu'il est allé chaparder dans sa malle. Son agacement cède le pas à la colère ; Malefoy est bien du genre à avoir passé toute la matinée assis à côté de lui, à lui faire des doigts d'honneur sous la cape.
Goyle – qui est assis derrière Hermione et Ron – se retourne sur son siège.
— Eh, Potter, viens t'asseoir, l'appelle-t-il. Cette potion ne va pas se préparer toute seule. C'est bien dommage, ajoute-t-il sombrement.
Le professeur Slughorn lève la tête du Potions en Pratique qu'il est en train de feuilleter et adresse un sourire rayonnant à Harry.
— Oui, entrez, mon garçon, entrez. Vous pouvez vous asseoir avec vos amis si vous voulez. Ce cours n'est pas censé être aussi formel que les autres. Je veux que vous voyiez ça comme un petit atelier : vous pouvez y essayer tout ce qui se trouve dans votre manuel, tester les ingrédients, découvrir la différence que ça fait de faire lentement chauffer une potion à feu doux ou rapidement sur une flamme vive. Je serai là pour vous conseiller, une sorte de mentor, si vous voulez. Faites appel à moi quand vous pensez que cela vous sera utile.
Il agite une main paresseuse et retourne à sa revue après avoir pris une grande gorgée de chocolat chaud.
Ron lui fait signe et tapote le bureau à côté du sien. Goyle se retourne en haussant les épaules, il est clair qu'il s'attend à ce que Harry s'asseye ailleurs.
Harry prend une décision. Il va jusqu'à Goyle.
— Goyle, heu, je veux dire, Greg, est-ce qu'on ne devrait pas travailler avec Malefoy ? demande-t-il. Comme il n'était pas là ce matin.
Goyle le regarde comme s'il était dingue.
— Tu es suicidaire ?
Harry suppose que ça veut dire non. Malefoy ne s'est pas retourné, ce qui est tout sauf encourageant. Mais... il n'a jamais été lâche, et il ne compte pas commencer aujourd'hui. Alors il marche jusqu'à Malefoy, laisse tomber son sac sur la table à côté du sien, et il s'assied.
C'est moins spectaculaire que ce à quoi il s'attendait. Malefoy ne se jette pas sur lui pour lui balancer un maléfice, il ne se barre pas en courant non plus, rien de tout ça. Il reste juste assis là, en regardant droit devant lui, même s'il fronce le nez comme si une odeur dégoûtante venait de s'élever.
Harry remarque que la chemise sous sa robe est boutonnée si haut et si serré qu'on dirait qu'il est sur le point de s'étrangler.
— Alors, on prépare une potion, du coup ? demande-t-il en essayant de ne pas fixer son cou.
Ça ne ferait que le mettre davantage en rage, pense Harry en fixant son cou.
Malefoy semble y réfléchir. Il finit par hausser les épaules.
— Je suppose, dit-il avec autant d'enthousiasme que si Harry venait juste de lui offrir une limace morte en guise d'en-cas.
Il ne bouge pas.
— Alors, quelle potion on fait ? demande Harry après un petit moment de silence glacial.
Malefoy tapote pensivement son exemplaire jauni par de nombreuses lectures du Manuel avancé de préparation des potions.
— La Goutte du Mort-vivant ? suggère-t-il avec un sourire déplaisant.
Harry fait la grimace ; il pense qu'il vaudrait peut-être mieux passer le tour de cette potion avec Malefoy de cette humeur. Mais ça le rassure un peu : s'il était vraiment l'âme sœur de Malefoy, ce serait peu probable que celui-ci veuille l'assassiner... non ?
— Oh, peu importe, Potter, dit Malefoy en haussant à nouveau les épaules.
Il reprend le manuel et fait défiler les pages au hasard. Finalement, il en pointe une d'un de ses longs doigts osseux.
— Celle-là conviendra.
Il se lève en faisant grincer son tabouret et casse sans y prêter attention la tranche du livre ; Harry sent presque le frisson d'horreur d'Hermione à travers la pièce.
— Je vais chercher les ingrédients – installe le matériel. Si tu sais le faire, ajoute-t-il d'une voix venimeuse.
Ce n'est que plus tard, quand la potion frémissante tourne au vert vif, que Malefoy plonge une louche dedans, examine le liquide brillant d'un air blasé, souffle dessus pour le refroidir, et le balance au visage d'Harry qu'il comprend que son choix de potion n'était pas si désintéressé que ça au final.
Ce n'est pas une potion dangereuse, en soi. Mais c'est difficile de raisonner ainsi quand vous rétrécissez jusqu'à atteindre la taille d'un crayon – une sensation extrêmement bizarre – et que Malefoy, avec ses yeux énormes qui brillent bizarrement dans son énorme visage anguleux, lève le pied pour...
Harry ferme les yeux et se prépare à se faire écrabouiller. Le fait qu'à ce moment-là, il entend la voix de Goyle tonner : « Je te l'avais dit, tête de pioche », est la cerise sur le gâteau mal cuit.

VOUS LISEZ
Tatoué sur mon cœur - Drarry
Fanfiction\TERMINÉ/ Harry a un problème : il n'a pas d'âme sœur. Drago a un problème : il en a une. Et si ces deux problèmes avaient la même solution ? Au programme : Serpentards machiavéliques, cours de coiffure sur chat, restaurants gastronomiques moldu...