Peut-être était-ce la douceur avec laquelle il avait posé la question, mais Deirane sentit qu'elle pouvait se confier à lui. À proprement parler, ce n'était pas un allié. Il commandait la garde qui l'empêchait de quitter les lieux. Mais elle sentait une sorte de compassion en lui. Plus exactement, elle voulait sentir cette compassion. Depuis qu'elle était séparée d'Ard, elle n'avait plus personne avec qui parler. Elle n'avait que celui-là sous la main, elle s'en contenterait.
— Je l'ai caché dans la forêt pour le mettre à l'abri.
— Et après ? Tes ravisseurs ne l'ont pas trouvé, je suppose.
— Non. Et il est resté là où je l'ai déposé. Sans personne pour le nourrir, il est mort de faim.
Chenlow retourna les paroles de Deirane dans sa tête.
— Et as-tu pensé à la possibilité que tes amis l'aient découvert ?
— Pourquoi auraient-ils fouillé la forêt ? Ils n'avaient aucune raison de chercher mon fils.
— Ton fils non, mais toi oui.
— Pourquoi ?
— Tu n'étais pas dans la maison. Il était envisageable que tu te caches à proximité. Ils ont certainement fouillé la forêt.
Les paroles du gardien amenèrent un espoir insensé dans le cœur de Deirane. Hester était peut-être vivant. Elle le croyait mort, mais elle ignorait ce qui s'était passé après son enlèvement. La sœur de Dresil l'avait rejetée, mais pas ses amis. Et puis, même elle n'aurait jamais condamné un enfant à périr juste parce qu'elle n'aimait pas sa mère. Si l'un d'eux avait trouvé Hester, il était maintenant en sécurité. Et vivant. Elle voyait bien Mace le poète dans ce rôle. Pendant ce bref instant de bonheur qu'elle avait connu avec Dresil, il ne manquait jamais de rapporter des fleurs séchées pour parfumer son berceau à chacune de ses visites.
L'eunuque interrompit ses pensées.
— Pour ton fils, pour que vous puissiez vous retrouver un jour, cela ne vaut-il pas la peine de survivre ?
Il prit le plateau de nourriture et le tendit à Deirane.
La jeune femme réalisa alors à quel point elle avait faim. Elle n'avait pas mangé depuis trois jours. Elle n'avait pas bu non plus, elle avait la gorge complètement desséchée. Elle vida le gobelet d'un trait. Ce n'était pas suffisant pour étancher sa soif. Aussi elle commença par le fruit, une orange gorgée de jus.
— Pouvez-vous vous renseigner sur mon fils ? demanda-t-elle tout en détachant les quartiers.
Contre toute attente, l'homme leva les bras en un geste d'impuissance.
— Je suis gardien de ce harem. À ce titre, j'y suis prisonnier autant que toi.
Un esclave. Cet homme était un esclave. À le voir si richement habillé, elle l'avait considéré comme un notable, un membre haut placé dans la hiérarchie du royaume. Son moral retomba.
— Mais je peux en toucher un mot à Dayan, reprit-il. Peut-être consentira-t-il à mener des recherches. À condition bien sûr que tu nous donnes assez d'informations pour que celles-ci soient efficaces. En particulier, où tu l'as caché et qui aurait pu le prendre en charge.
Deirane hocha la tête. Elle allait préparer ses arguments avec tant de soin que son enquêteur pourrait aller vérifier les yeux fermés.
— Qui est Dayan ? demanda-t-elle.
— Le Seigneur de la marche supérieure. C'est le ministre du roi, son conseiller personnel. Le deuxième homme le plus puissant du royaume.
— Et il écoutera ma requête ?
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La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
FantasyDans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...