XIV : Retour en Helaria - (1/2)

125 16 11
                                    

Le voyage de Naim touchait à sa fin. Heureusement que la plus grande partie s'était effectuée par bateau sinon il aurait duré des mois. Rien que le trajet à cheval entre Sernos et Ruvyin prenait seize jours. Mais elle n'était pas remontée jusqu'à la capitale yriani. Profitant d'une escale nocturne du navire qui la convoyait depuis son départ d'Orvbel, elle avait débarqué au niveau de Karghezo. Un peu au sud en fait, la falaise qui séparait la ville du fleuve étant infranchissable. De là, elle s'était mêlée à une caravane qui rejoignait l'Helaria. Bien que les patrouilles soient nombreuses sur la grande route du sud, les commerçants rechignaient peu à engager un bras armé de plus.

Sans compter que les épées en métal massif telles que la sienne étaient rares. Pour qu'on lui confie un objet aussi coûteux, elle devait être d'une grande habileté. C'est tout au moins ce que pensaient les capitaines qui recrutaient leur escorte. Naim ne mettait pas la sienne en évidence comme tant de jeunes coqs combatifs. Autrement dit, elle se montrait suffisamment sûre d'elle pour n'avoir pas besoin d'exhiber ses talents. C'était indéniablement le signe d'un maître. Et donc d'une personne qu'il ne fallait surtout pas embêter si on ne voulait pas soudainement réduire son espérance de vie.

En réalité, Naim était une guerrière libre. Et bien qu'elle ne dépendît pas de la corporation helarieal du même nom, elle utilisait des techniques similaires. La principale était la dissimulation. Bien sûr, elle savait se servir de son épée. En fait, elle s'y montrait plutôt habile. Mais elle était loin d'égaler un maître de l'art. Peut-être pourrait-elle le devenir un jour. Son talent contrastait fortement avec la brièveté de son entraînement.

D'ailleurs, c'est l'excuse qu'elle avait trouvée pour s'introduire en Helaria, bénéficier de l'enseignement des meilleurs guerriers. L'Helaria était un pays libre, il ne surveillait pas sa population. Une fois dans la place, elle pourrait aller partout sans que personne lui fasse la moindre remarque. Si elle avait dû voyager d'île en île, cela aurait pu poser un problème. Il existait des lignes régulières, mais emprunter un bateau manquait de discrétion quand on portait une grande épée avec soi.

Elle ne comprenait pas pourquoi Brun lui avait imposé cet ustensile aussi encombrant. Là où elle allait, dans le pays le plus sûr du monde, il serait inutile. Voire, il constituerait une gêne. Elle soupçonnait que sa haine pour Saalyn y était pour quelque chose. La première guerrière libre de l'Helaria était équipée d'une épée, la première de l'Orvbel se devait d'en posséder une.

En voyant les remparts de la ville s'approcher, elle se demanda un instant quel était l'avenir de sa confrérie. L'Helaria, avec toute sa population, ne pouvait envoyer qu'un peu plus d'une centaine de ces policiers hors du commun à travers le monde. Avec trente fois moins d'habitants, elle pensait peu probable que l'Orvbel puisse en recruter d'autres. Et puis, le jour où la Pentarchie découvrirait que le royaume négrier se servait du nom prestigieux de la corporation et de l'aura qui l'entourait, il y avait de fortes chances qu'ils mettent un point final à cette histoire. Ou pas. Allez savoir avec ces gens-là. Les stoltzt, qui dirigeaient le pays, n'étaient pas humains. Ils avaient une façon de réfléchir différente, même si leurs préoccupations restaient les mêmes et leurs schémas de pensée pas totalement étrangers. Et c'était heureux, sinon jamais les peuples qui composaient ce pays n'auraient pu s'entendre. Ils se seraient déchirés.

La forteresse de Ruvyin par exemple. Elle ressemblait à toutes celles construites partout dans le monde. Elle était massive, les murs épais, hauts, en pierre bien solide. Les préoccupations des architectes stoltzt qui l'avaient édifiée il y a cent ans maintenant étaient les mêmes que celles des bâtisseurs humains : assurer la protection de ceux qui s'abritaient dedans. Son édification avait nécessité beaucoup de matériaux, ils avaient donc pris la pierre locale. En l'occurrence le basalte extrait du sol quand les Helariaseny avaient creusé leurs villes souterraines. La pauvreté de la Pentarchie au moment de sa construction avait limité le choix des matériaux. En revanche, les stoltzt n'hésitant pas à décorer les parties communes des lieux où ils vivaient, ils s'étaient lâchés dans la sculpture. Il y avait des statues partout. La moindre surface plane était gravée. Et même l'extérieur des remparts était couvert de bas-reliefs, à hauteur d'homme. Le résultat était une ville qui, malgré le côté austère de la pierre noire, ne manquait pas d'une certaine beauté.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant