Deirane sentit le lit s'affaisser sous le poids d'une personne. Quelqu'un venait de s'asseoir à côté d'elle. Depuis que Jevin l'avait violentée, elle n'était jamais seule. Il y avait toujours quelqu'un avec elle. Quelqu'un en plus de Loumäi qui dormait dans la chambre. Elle avait aussi remarqué qu'un eunuque montait la garde devant sa porte. Cela lui convenait parfaitement. Elle se sentait en sécurité. Avec le temps, elle avait appris à reconnaître les gens sans les voir, à leur façon de se comporter. Dovaren, très maternelle, qui s'allongeait à côté d'elle et lui passait un bras autour des épaules, Dursun qui se serrait contre elle ou Elya qui se blottissait. Elya ne cherchait pas à réconforter la jeune femme, elle venait se réfugier auprès d'elle. Deirane se demanda quelle protection elle pouvait attendre d'une personne telle qu'elle, alors qu'elle était incapable de se protéger elle-même. Une fois, quelqu'un s'était même installé dignement dans le confortable fauteuil qui occupait un coin de la chambre. Elle pensait qu'il s'agissait d'Orellide, mais n'avait pas tourné la tête pour vérifier.
Par contre, elle ne parvenait pas à reconnaître celui qui venait de s'asseoir à côté d'elle. La faible déformation du matelas était l'indice d'une personne légère, ce qui excluait donc Jevin qui serait passé pour un deuxième service ou Brun voulant s'assurer du bon état de ses propriétés. Mais cela incluait quasiment toutes les femmes du harem. L'arrivant gardait le silence, elle allait devoir se retourner pour l'identifier, mais elle n'en avait aucune envie.
— Tu dors, demanda finalement une voix à l'accent imprégné de consonances orientales.
Elle la reconnut aussitôt. Elle n'avait pas trois amies en ce lieu, mais quatre. La dernière ayant disparu, elle ne pensait plus à elle. Quelle compagne idéale elle faisait ! « loin des yeux, loin du cœur » comme disaient les Naytains.
— Nëjya.
Elle se mit sur le dos pour regarder sa visiteuse.
— Tu es de retour, constata-t-elle. Où étais-tu passée ?
— Au sous-sol avec les lavandières. On m'a présenté ça comme une punition, mais au moins j'étais à l'abri de...
Elle ne parvenait pas à prononcer le nom. Mais il faut dire qu'elle avait plus souffert de cet homme que Deirane. Elle lui appartenait, il pouvait faire d'elle quasiment ce qu'il voulait et il ne s'en était pas privé. Ce qu'il avait fait subir une fois à Deirane, elle le vivait quotidiennement depuis son retour de mission.
— En tout cas, j'ai une bonne nouvelle. Deux en fait. Il ne nous embêtera plus. Et Larein non plus.
Deirane savait qu'elle aurait dû parler, demander pourquoi. Mais elle ne pouvait pas. Elle attendit que son amie continuât.
— Il est parti. Brun l'a mis dehors.
Comme les autres, elle finit par s'allonger à côté de Deirane, mais elle ne la toucha pas.
— Je suis soulagée, mais je regrette ce qu'il a dû faire pour qu'on le bannisse.
— Je ne comprends pas, dit Deirane.
— Il est parti à cause de ce qu'il t'a fait subir.
— À moi ? Pas à toi ?
— Moi, Brun s'en fiche. C'est uniquement toi qui l'intéresses.
Ce que disait Nëjya était parfaitement logique. Jamais Brun n'aurait levé le petit doigt pour aller au secours d'une esclave qui ne lui appartenait pas. Par contre, Orellide l'aurait fait. Surtout si cela mettait le prince tant haï en difficulté. Sauf que, tôt ou tard, Jevin aurait débusqué la Samborren dans son refuge et le calvaire aurait recommencé.
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La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
FantasyDans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...