XVI : Les retrouvailles

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Comme tous les matins, Loumäi entra dans la chambre de Deirane, les bras chargés d'un plateau. Elle le déposa sur la table devant la fenêtre avant d'écarter le rideau. La routine, quoi. Depuis que Chenlow l'avait affectée à sa personne, elle amenait deux portions. La domestique prenait toujours le petit déjeuner avec elle.

Chenlow ne la lui avait pas attribuée, pensa Deirane, il la lui avait donnée. Elle était son esclave personnelle. Cette idée lui parut bizarre. La jeune femme n'arrivait pas à trouver d'autres qualificatifs. L'Yrian n'interdisait pas l'esclavage. Elle n'avait reçu dans son éducation aucune prévention contre. En fait, ses parents n'avaient jamais abordé ce sujet. Ils n'avaient même pas eu conscience qu'il y eut matière à débattre. Mais elle avait vécu dans une ambassade helarieal. Elle s'était imprégnée de leurs idées. C'était des antiesclavagistes farouches, ils le combattaient chez eux, mais dans les autres pays aussi.

Mais en y réfléchissant, qu'est-ce que cela pouvait bien signifier exactement ? Esclave d'une esclave. La domestique était devenue une amie. Même si un jour improbable, elle obtenait le pouvoir dans ce pays – ou ailleurs – elle ne pourrait jamais se comporter avec elle comme un maître.

Comme tous les matins, elle babillait dans sa langue chantante. Deirane ne comprenait toujours pas ce qu'elle disait, bien qu'elle commençât à reconnaître certains mots, mais ils lui donnaient une idée de son humeur. Au moment présent, elle était joyeuse. Tout allait donc bien.

Quand elle amena le plateau sur le lit, Deirane se redressa, prenant garde à ne pas réveiller Dursun qui avait passé la nuit avec elle. La petite Aclanli n'arrivait plus à dormir seule depuis la mort de sa sœur. C'était une grosse dormeuse, contrairement à l'Yriani qui avait appris à vivre au rythme de la nature. Elle remarqua alors à côté de la tasse un papier, plié en quatre.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.

— Je ne sais pas, répondit la domestique. C'était déjà là quand je l'ai pris.

Elle l'ouvrit. C'était un message, écrit de la main d'Orellide. « Aujourd'hui, pas de leçon à l'école. Venez chez moi dès votre réveil. Inutile de vous habiller. »

Elle replia la lettre, s'interrogeant sur ce que ça impliquait. Pendant qu'elle avalait le petit déjeuner, elle imaginait toutes sortes de possibilités. Elle l'expédia en quelques stersihons. Puis, avec l'aide de Loumäi, elle enfila une tenue simple.

— Tu nous quittes déjà ? demanda Dursun.

Malgré ses précautions, elle avait fini par la réveiller.

— Je dois voir Orellide. Tu préviendras les autres ?

— Mais c'est le matin ! Normalement, on va à l'école le matin.

— Elle a donné un ordre. Il vaut mieux obéir.

Elle estima inutile de passer chez Dovaren. Elle était une lève-tard, encore plus que Dursun.

Elle se rendit directement aux appartements de la reine mère. À cette heure précoce, les couloirs étaient quasiment déserts. Le vieil eunuque ouvrit la porte avant qu'elle frappât, comme s'il surveillait son arrivée. Orellide attendait comme d'habitude dans son petit salon.

— Je vous présente mes humbles respects, dame très lumineuse, la salua Deirane en s'inclinant.

— Je t'avais écrit de ne pas t'habiller pour venir. Tu ne sais plus lire.

— Si, ma dame, mais je ne pouvais pas traverser le harem nue.

— Et pourquoi donc ? Tu es une esclave. Si je te demande de te rendre en ville nue, tu obéis. Compris ?

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant