XLVI : La confrontation

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Depuis que Larein avait agressé Dursun, Nëjya ne laissait plus l'adolescente aller seule dans le jardin du harem. Tous les jours au mitan, quand sa compagne se rendait à son potager, elle l'escortait, confiant les enfants à la garde de Deirane. Généralement, cette dernière les accompagnait à la plage, un luxe inconnu en Nayt qui n'avait pas d'accès à la mer. Mais parfois, elle faisait une exception. Ce jour-là, elle rechercha une zone ombragée pour profiter d'un peu de fraîcheur. La saison des tempêtes, que l'Yrian appelait l'été, était caractérisée par de violents ouragans alternant avec de fortes chaleurs. Elle comprenait pourquoi l'Helaria accueillait ces intempéries avec joie. Là, elle en aurait bien voulu que le vent soufflât.

Loumäi s'était procuré quelques jouets, Deirane ne savait comment. Elle prit un ballon dans le placard, puis entraîna sa marmaille derrière elle hors du harem. Elle espérait que des concubines se joindraient à elles pour jouer avec les enfants. Brun, malgré la longueur de son règne, qui venait de dépasser les dix ans, n'avait encore aucun descendant alors qu'au même âge son père était entouré d'une nombreuse progéniture. Il arrivait qu'une indépendante participât aux amusements des fillettes. Deirane se disait que si elle disparaissait, elles ne seraient pas abandonnées. Même Mericia les surveillait du coin de l'œil quand elles étaient dans les parages.

Mericia, justement, elle était fidèle à son poste. Allongée sur la terrasse, elle se dorait au soleil. En temps normal, les deux femmes s'ignoraient. Surtout Mericia, parce que Deirane, en admiration devant la beauté brune, ne pouvait s'empêcher de la contempler, lorsque elle se trouvait auprès d'elle. Mais aujourd'hui, quelque chose avait changé. Quand la petite Yriani passa les portes, la belle concubine leva la tête pour la regarder. Elle la suivit des yeux pendant toute la traversée de la terrasse. Au passage, Deirane lui adressa une salutation que Mericia lui rendit. Celle-ci était toujours une concurrente, mais maintenant, elle la reconnaissait comme son égale. Son statut de chef de faction venait d'être reconnu.

Comme elle l'avait prévu, en la voyant s'enfoncer dans les profondeurs du jardin en compagnie des enfants et un ballon à la main, quelques concubines lui emboîtèrent le pas, tout en restant à distance. Tant que quelqu'un – en général Elya – ne les encouragerait pas et tant que Deirane n'aurait pas accepté l'invitation, elles ne s'approcheraient pas. Le petit groupe quitta les allées pour atteindre un espace libre de végétation. Les eunuques y avaient délimité un terrain de jeu par des lignes tracées avec de la poudre blanche. Après chaque pluie, ils le remettaient en état. De toute évidence, eux aussi appréciaient les enfants. Elle envisageait la possibilité que quelques-uns se joignissent à eux.

Alors qu'elle approchait de sa destination, une forme rousse surgit des buissons et la plaqua contre un arbre. Larein. Elle maintint la jeune femme d'une main sur la gorge. Deirane leva les yeux vers elle. Elle savait que, quelle que fût la force que la concubine exercerait sur son cou, elle ne pourrait pas la blesser. Son tatouage la protégeait de toute violence physique. Cela ne l'empêchait pourtant pas d'avoir peur. Pas autant que Dursun, lorsque Larein l'avait agressée dans son potager, mais elle éprouvait de l'appréhension. Elle ne devait pas le montrer, sinon Larein deviendrait encore plus brutale.

— Que veux-tu ? demanda Deirane.

— Salope ! cria Larein.

— Enchantée. Moi, c'est Serlen.

La gifle lui aurait laissé la joue rouge sans la protection de son tatouage.

— La ferme, et écoute-moi. Recommence un coup comme ça, et il va y avoir des morts. Je sais qu'on ne peut pas te tuer, mais ce n'est pas le cas de tes amies.

— De quoi parles-tu ? Ça m'aiderait si tu te montrais plus explicite.

— Je t'interdis de me porter préjudice auprès de Brun.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant