XLVIII : Le piège - (2/2)

87 14 13
                                    

Les cinq femmes s'étaient levées et entouraient la nouvelle venue. Cette dernière avait saisi que quelque chose clochait et qu'elle était en danger.

— Je me disais aussi. Tu n'hésites pas à l'employer ces temps-ci, continua Mericia.

— Je ne comprends pas de quoi vous parlez.

— Tu ne comprends pas de quoi je parle.

Mericia avait utilisé un ton dédaigneux qui aurait paniqué Deirane s'il lui avait été adressé. D'ailleurs, Cali avait les jambes flageolantes. Elle devait être terrorisée. Elle allait poursuivre son chemin, mais Mericia se contenta d'avancer un pied pour l'immobiliser.

— Je n'ai rien fait, gémit Cali, je ne sais pas de quoi vous parlez.

— Tu as essayé de me faire porter le chapeau pour le spelgrad.

— Je n'y suis pour rien.

Cali pleurait. Ce n'était pas une battante. Son statut de compagne de Dayan l'avait protégé jusque là et il aurait dû continuer. Mais quelque chose avait changé. Était-ce en rapport avec le spelgrad ? Cette histoire turlupinait Deirane. Qu'est-ce que ce poison qui avait tué Gyvan venait faire ici ?

— Menteuse. Et lâche en plus.

Mericia sortit un couteau. Il était en pierre, mais sa facture était loin d'avoir la qualité de ceux qu'avait apportés Naim. Le tranchant imprécis devait mal couper. Les blessures qu'il infligeait n'en seraient que plus douloureuses. Deirane se demanda un instant où elle l'avait obtenu. Elle envisagea la possibilité que la concubine l'ait fabriqué elle-même. Après tout, ce n'était pas les cailloux qui manquaient dans le coin. Les jardiniers avaient beau les enlever, il en revenait toujours. Elle attendit de voir comment Mericia allait se servir de l'arme. Mais au lieu de cela, elle se contenta d'en jouer, le faisant glisser entre ses doigts avec une habileté qui laissa même Naim sans voix. Mericia se leva et se dirigea vers la danseuse.

— Pourquoi as-tu dit à tout le monde que j'étais responsable pour le spelgrad ?

Deirane étouffa un cri de surprise. C'était elle qui avait utilisé ce poison ? Elle posa la question à Dursun qui répondit par la négative.

— Simple rumeur, expliqua-t-elle. Mais les rumeurs peuvent tuer dans le harem.

— Je vois.

Avec beaucoup de douceur, Mericia caressa le visage de Cali. Celle-ci était paralysée par la terreur. Puis elle laissa sa main descendre le long du cou. Arrivée aux épaules, elle fit glisser les bretelles qui maintenaient le justaucorps en place. Mais elle n'alla pas plus loin. Larein n'aurait pas hésité à dénuder la poitrine menue et à l'exposer aux regards.

— Tu es belle aujourd'hui. Mais Dayan voudra-t-il toujours de toi quand ce ne sera plus le cas ?

— Je vous en prie, murmura Cali.

Dans sa cachette, Naim bouillait. Elle se retenait de se lancer au secours de l'agressée. Dursun mit fin à son attente d'un geste de la main. Elle sortit alors de derrière la haie qui les abritait et se porta à la rencontre du groupe de femmes. Elle avait un poignard à la main, au tranchant bien effilé celui-là.

— Ça suffit, rugit-elle, laissez-la.

Sous la surprise, les concubines sursautèrent. Mais elles n'avaient pas libéré leur proie.

— Que veux-tu ? lança Mericia.

— Que vous lâchiez cette femme.

— Elle ?

Elle désigna Cali d'un geste de la tête.

— Mais je ne la retiens pas.

Elle remit la bretelle du justaucorps de la danseuse en place, esquissant une dernière caresse.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant