IX : le dieu de Loumäi

154 23 18
                                    

Deirane fut réveillée comme d'habitude par la domestique qui lui apportait le petit déjeuner. La chanceuse était encore dans les brumes. En se relevant, sans le faire exprès, elle bouscula la jeune esclave qui renversa son plateau sur elle. Arrosée par l'eau bouillante du thé, elle poussa un cri de souffrance. Aussitôt, Loumäi se confondit en excuse. Elle tenta de réparer les dégâts, en remettant la vaisselle en place. Mais dans sa maladresse, elle fit tomber son contenu par terre. La théière se brisa. Elle ramassa les morceaux.

La douleur avait bien réveillé Deirane. Elle remarqua la frayeur de sa femme de chambre. En fait, elle était si paniquée qu'elle avait oublié de s'exprimer en orvbelian pour utiliser sa propre langue natale.

— Calme-toi, lui dit-elle.

Elle lui prit le poignet pour l'immobiliser.

— Ne sois pas si affolée, je n'ai rien.

Elle releva sa chemise de nuit pour montrer la peau de sa cuisse, à peine rougie entre les fils d'or et les pierres précieuses. Incrédule, la domestique considéra la légère brûlure.

— L'eau était bouillante, objecta-t-elle.

— Ce tatouage m'a apporté assez d'ennuis comme ça, il faut bien qu'il y ait des avantages à l'avoir.

La jeune femme se calma. Mais son regard restait apeuré.

— Si tu m'expliquais ce qui ne va pas, demanda Deirane.

Elle respira un bon coup.

— Ils fouillent les chambres, répondit-elle en orvbelian.

— Pourquoi ?

Deirane avait une petite idée, mais elle ne comprenait pas les raisons de l'affolement de l'esclave.

— Ils cherchent le poison qui a tué la novice.

— Ils s'y prennent un peu tard, il aurait fallu procéder le jour même. Le poison a certainement disparu depuis.

— C'est moi qui prépare vos robes, ils vont me soupçonner.

Elle comprenait soudain pourquoi sa femme de chambre réagissait ainsi. Elle avait déjà subi les punitions infligées aux esclaves récalcitrantes. Une domestique, surtout mineure, accusée du meurtre d'une concubine n'allait assurément pas être interrogée avec douceur. Il était plus probable qu'elle allait être torturée. Elle ne semblait pas particulièrement costaude, elle finirait fatalement par avouer et serait exécutée.

— N'aie pas peur, je te protégerai.

Le regard que son esclave leva vers elle était plein de doutes.

— Je comprends que tu hésites à le croire. Mais je ne suis pas comme les autres concubines. Je suis unique. Il est temps de voir quels avantages ça me donne.

L'Yriani enfila un peignoir de bain.

— Reste ici, ordonna-t-elle à Loumäi. Les eunuques n'ont pas le droit d'entrer dans les chambres sans invitations. Sauf Chenlow. Tu devrais être en sécurité.

— Ils entrent dans les autres sans demander, répondit-elle.

— Dans cette histoire, c'est moi la victime. Ils n'ont aucune raison de forcer ma porte.

La domestique sembla un peu rassurée par ces paroles. Un peu. Pour s'occuper l'esprit, elle reprit le rangement de la chambre. Deirane sortit pour rejoindre la salle de douche. Elle prit soin de verrouiller derrière elle pour mettre Loumäi à l'abri. Tout en se nettoyant, elle réfléchissait. Chercher le poison maintenant était incohérent. C'est le jour même qu'il aurait fallu procéder. Pas presque un douzain plus tard. Elle se demandait si c'était bien l'arrestation d'une meurtrière qui dirigeait cette action où si c'était encore une manœuvre politique.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant