Cet après-midi là, lorsque Deirane lui rendit visite, Orellide semblait préoccupée. C'est distraitement qu'elle s'occupa d'elle. Elle lui maquilla les yeux sans dire un mot alors qu'elle était censée lui transmettre ses notions dans l'art de la séduction.
— Comment te sens-tu ? demanda soudain la reine mère.
— Comment je me sens ? s'écria Deirane sous la surprise.
Depuis que les deux femmes se connaissaient, c'était la première fois qu'Orellide s'enquérait de l'état de sa cadette. Bien sûr, elle était venue prendre de ses nouvelles pendant qu'elle se remettait de son viol. Mais c'était de façon indirecte en interrogeant Chenlow ou une de ses amies. Même après la mort de Dovaren, elle n'avait rien demandé.
— Mais comme d'habitude.
— Bien.
Deirane repoussa la main qui tenait le pinceau à maquiller.
— Que se passe-t-il ?
La vieille femme s'écarta. Elle fouilla un instant dans ses cosmétiques, mais c'était plus pour gagner du temps que pour chercher réellement quelque chose.
— J'ai parlé à Brun, déclara-t-elle enfin.
— Que lui avez-vous dit ?
— Que tu étais prête. Que le moment était arrivé que tu t'acquittes de tes devoirs de concubine.
— C'est rapide, je ne m'attendais pas à ce que ça vienne aussi vite.
— C'est ce qu'il a répondu. Je lui ai souligné que tu avais douze ans révolus et que tu connaissais tout ce qu'il est nécessaire pour honorer ton rôle.
Elle se retourna et s'appuya contre le petit meuble.
— N'oublie pas que le temps est compté. Tu attends un bébé. Si tu tardes trop à partager sa couche, jamais tu ne pourras lui faire croire que cet enfant est de lui.
— Je sais, répliqua Deirane d'un ton brusque.
Elle serra les poings et se calma.
— Je sais, reprit-elle plus doucement. Mais ça ne me fait pas plaisir pour autant. Mettez-vous à ma place.
Les lèvres d'Orellide esquissèrent un petit sourire, mais son visage exprimait la tristesse.
— Je m'y mets très bien. À ton avis, comment ça s'est passé pour moi quand je suis arrivée ici ?
— Vous voulez dire que...
Orellide hocha la tête.
— Tu as de la chance. Le père de Brun était sadique. Il se délectait à faire souffrir les gens. Brun ne présente pas ce travers. Il aime la puissance et la domination, mais il n'est pas pervers.
Elle sourit sur cette pensée de son fils. Par prudence, Deirane préféra ne pas remarquer qu'il était si peu cruel qu'il avait acculé Dovaren au suicide. Elle estimait qu'en creusant un peu, elle pourrait trouver d'autres choses pas bien jolies sur le roi.
— Il est même possible qu'il se montre doux avec toi, reprit Orellide.
— C'est une maigre consolation. Je ne suis pas sûre de me montrer à la hauteur. Et si j'échouais. Si je me révélais incapable de faire ce qu'il faut.
— Tu y arriveras.
Deirane fit une moue dubitative.
— Si tu savais ce qu'une mère peut accomplir pour sauver la vie de son enfant. Connaissant l'enjeu, je sais que tu réussiras.
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La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
FantasyDans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...