II : Le messager du Lumensten

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L'homme ensanglanté déboucha sur l'avenue principale d'Orvbel. Il venait de la route qui menait à la lisière occidentale de la ville. Il avait certainement traversé la forêt qui l'isolait des territoires edorians. Bien qu'il portât autour du crâne un bandage de fortune qui masquait son oreille gauche et qu'un pansement à la main donnât l'impression de ne pas recouvrir le compte correct de doigts, il ne semblait pas gravement blessé. Il avait par contre atteint les limites de l'épuisement.

D'un pas hésitant, il se dirigeait vers le palais royal. Les gens qu'il croisait dans la rue ne se préoccupaient pas de lui, se contentant de se pousser pour éviter qu'il ne les bousculât. Les esclaves étaient trop soucieux de satisfaire leur maître pour  risquer une punition. Quant aux citoyens, ils ne voulaient rien avoir à faire avec une personne à l'aspect aussi répugnant.

En le voyant monter les marches, la garde rouge lui barra le passage.

— Halte-là, s'écria le sergent.

Il brandit sa hallebarde vers l'intrus, pendant que les soldats croisaient les leurs pour bloquer la porte.

— Je dois parler à Dayan, répondit-il.

Il tomba à genoux avant de s'effondrer.

Soupçonnant un piège, le sergent posa la pointe de son arme sur la gorge du blessé pendant qu'un de ses collègues l'examinait.

— Je le reconnais. C'est l'un des nôtres, remarqua-t-il.

— Comment ça, l'un des nôtres ?

— Un soldat de la ville. Il fait partie des messagers à cheval.

— Que lui est-il arrivé ?

Le sergent se tourna vers son petit groupe. Il désigna un garde.

— Va chercher de l'aide.

Mais il n'avait pas parcouru plus de deux pas, que les renforts arrivaient. Une troupe s'approchait au pas de course de la caserne qui jouxtait le côté droit de la cour d'honneur du palais. Un officier les accompagnait. Il prit les choses en main. Quelques rapides explications lui présentèrent la situation.

— Amenez-le à l'infirmerie, ordonna-t-il. Et que quelqu'un aille prévenir Dayan.

Les soldats ne mirent que quelques tösihons avant de s'exécuter.

Moins d'un calsihon plus tard, Dayan rejoignait Brun dans son cabinet de travail.

— Nous avons un problème, annonça-t-il directement.

Le roi leva la tête du document qu'il lisait.

— Grave ?

— Je le crains. Notre allié à Elvangor a été éliminé.

Calmement, il essuya sa plume. Il alla même jusqu'à lisser ses barbes avant de la ranger dans le porte-plume. Dayan connaissait suffisamment son seigneur pour savoir que ce rituel lui permettait de réfléchir pour analyser l'information. Il en profita pour s'installer sur un des deux fauteuils qui lui faisaient face.

Le Lumensten, un État autrefois prospère et peuplé, avait sombré dans le chaos, une quarantaine d'années plus tôt. Des chefs de guerre s'en étaient partagé les richesses. Avant d'abdiquer, le dernier roi avait signé un traité avec l'Helaria pour transformer le pays une province de la Pentarchie, dans l'espoir que celle-ci pût redresser la situation. Jusqu'à présent, cela n'avait pas été couronné de succès. Les seigneurs d'Orvbel en avaient profité pour tirer leur épingle du jeu. En négociant avec les khans qui contrôlait réellement le territoire, ils avaient pu créer une route des esclaves en plein cœur de l'État le plus antiesclavagiste du monde. Et Elvangor, la ville la plus orientale de la province, en constituait un élément clef.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant