Après quelques tours de piste sous les ovations du public, Brun réintégra sa loge. Son champion l'accompagnait. La récompense ultime, il allait voir la fin du spectacle au côté de son roi.
Les trompettes annoncèrent une nouvelle intervention du héraut. Il s'avança aussi près du bord de son piédestal que le permettait la main courante. Il déroula le papyrus qu'il lut d'une fois forte portant tout autour de l'arène.
— Pour clôturer les jeux de 1198, nous allons assister à un combat de bestiaires. Deux hommes vont devoir protéger une femme des attaques de deux fauves. Une frêle jeune femme enchaînée, exposée à la férocité des bêtes sauvages. En face, deux monstres affamés, cruels, sanguinaires. Son seul rempart, deux hommes résolus, armés d'une hache. Que le meilleur gagne.
Pendant l'annonce, un chariot avait été amené dans le cirque. Il s'immobilisa face à la loge de Brun, mais à l'opposé de l'arène. Il transportait une grande cage recouverte d'un drap noir. Devant, deux personnes, torse nu, un pantalon en cuir pour tout vêtement. Ils avaient le visage masqué et portaient chacun une lourde hache à double tranchant. Ils ne présentaient pas la silhouette musculeuse des précédents gladiateurs. Mais ils avaient la peau sombre et la haute stature des habitants des royaumes bordant la partie centrale de la route de l'est.
Deirane se pencha vers Dovaren.
— C'est toujours du spectacle ?
— Je ne sais pas, répondit la Naytaine, c'est bizarre. On ne dirait pas.
Elle essaya de demander à Cali. Sans succès, la belle danseuse, un rang devant elle, lui tournait le dos.
Le chariot s'immobilisa. Les chevaux qui le tractaient furent dételés et emportés hors de l'enceinte. Puis le drap noir fut ôté. Dedans se trouvait une femme, nue, d'une vingtaine d'années, apparemment de la même ethnie que les deux hommes. En d'autres circonstances, sa silhouette lui aurait conféré une place dans le harem. Au lieu de cela, ses poignets étaient enchaînés au-dessus de sa tête et un voile masquait son visage.
— Regardez bien, glissa Brun à Dovaren, ça va devenir intéressant.
— Ça me donne la nausée, répondit-elle.
La cage fut démontée et les barreaux emmenés. L'inconnue était maintenant exposée à quoi que ce soit qui entrerait dans cette arène.
Les portes situées sous la loge s'ouvrirent et deux animaux s'introduisirent. Ce n'étaient pas des hofecy, même pas des nains. Mais ils en étaient de proches cousins, des bipèdes comme eux. Ils étaient plus petits que ceux qui servaient de monture aux Helariaseny. Mais leurs crocs étaient d'une taille similaire. Leurs mains étaient munies de griffes tranchantes, de la longueur du bras. Leurs pieds portaient un ergot qui semblait tout aussi mortel. Sur leur queue avait été fixé un bracelet hérissé d'interminables pointes acérées. Et vu la façon dont ils la balançaient, ils avaient compris l'avantage qu'ils pouvaient tirer d'un tel équipement.
Ils se positionnèrent mi-distance du chariot et s'immobilisèrent. On aurait dit qu'ils attendaient un signal. Les deux hommes se regardèrent un long moment. Puis ils s'enlacèrent. L'un d'eux caressa le visage de leur compagne d'infortune à travers le tissu. Puis ils se placèrent devant son véhicule, face aux deux fauves.
Un assistant enleva le voile masquant la femme avant de rejoindre la sortie. Il ne se pressait pas, comme s'il s'estimait en sécurité malgré la présence des deux monstres.
Quand les traits de l'inconnue furent révélés, Dovaren poussa un hurlement. Deirane, surprise, tourna la tête vers elle. Elle la vit tomber à genoux, la figure cachée derrière ses mains. Son cri non plus n'était pas passé inaperçu. Les condamnés en contrebas braquèrent le regard dans sa direction. Il n'en fallut pas plus à la jeune femme pour comprendre.
VOUS LISEZ
La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
خيال (فانتازيا)Dans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...