XII : Des nouvelles d'Elvangor - (1/3)

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La mission de Naim était terminée. Elle était rentrée en Orvbel et elle attendait que Brun et Dayan la reçussent. Nul doute qu'il allait se montrer très intéressé par ce qu'elle avait découvert. Et certainement furieux. En fait, elle était pressée de délivrer son rapport pour voir sa réaction. Ses précédentes expériences lui suggéraient qu'il risquait de devenir violent. Mais quelques hypothétiques coups ne représentaient rien en comparaison du plaisir qu'elle éprouverait en constatant sa déconvenue.

Pour le moment, elle attendait dans une antichambre. Un domestique muet et sûrement illettré l'y avait introduite, il ne pourrait raconter à personne ce qu'il savait, sauf peut-être à un télépathe, mais aucun ne résidait dans ce pays. C'est dans ce souci de discrétion que Naim et sa sœur logeaient dans la partie privée du harem. Nul ne devait établir de lien entre la Naytaine et l'Orvbel. Elle se doutait qu'un jour le secret serait éventé, que quelqu'un découvrirait qui était son véritable employeur. Mais plus longtemps il durerait, mieux ça serait. Ce qui expliquait pourquoi elle était rentrée de nuit en Orvbel, qu'elle avait gagné le palais en passant par la caserne des gardes rouges, puis s'était rendue directement dans une chambre isolée de l'aile des ministres en utilisant le passage que lui avait indiqué Dayan. Elle était impatiente de revoir sa sœur, mais Brun s'était montré intransigeant : elle ne devait parler à personne tant qu'elle ne l'aurait pas rencontré. Le matin, le domestique muet l'avait conduite au cabinet de travail du roi en empruntant uniquement ces mêmes couloirs.

Elle avait troqué sa cuirasse de guerrière contre une tenue plus confortable qui mettait sa féminité en valeur. Paradoxalement, cela exposait davantage sa musculature impressionnante. Elle avait pu constater qu'au lieu d'exciter Brun, cela le refroidissait. Il préférait des femmes plus menues, voire petites. Lui rappeler qu'elle était bien plus forte que lui lui garantissait des nuits tranquilles. En tant que pensionnaire du harem, aucun garde ne se serait risqué à porter la main sur elle. Sa situation paraissait finalement bien meilleure qu'auparavant. Même quand elle était libre, elle était moins bien lotie.

Enfin, la porte s'ouvrit. Dayan l'invita à entrer. Le roi était assis à son bureau. Elle remarqua aussitôt la netteté de la pièce. Tout était méticuleusement rangé. Aucun papier ne traînait sur le sous-main en cuir. Dans un coin, un panier contenait les dossiers qu'il venait d'étudier à destination de l'archiviste, un autre ceux qu'il n'avait pas fini de traiter. Devant lui, une plume soigneusement nettoyée était posée juste à côté d'un encrier. Jamais la Naytaine n'aurait imaginé qu'il se montrait si méticuleux. Elle avait toujours pensé qu'il n'était qu'un fantoche et que c'est Dayan qui dirigeait le pays. Mais de toute évidence, le ministre n'était rien de plus que ce qu'il paraissait être, un conseiller. La situation avait bien changé depuis l'ancien roi.

De la main, Brun désigna un siège confortable en face de son bureau. Naim s'y installa en croisant les jambes.

— Alors ? demanda Brun.

— Je reviens d'Elvangor.

— C'est moi qui t'y ai envoyée, répliqua-t-il d'un ton peu amène, ce qui m'intéresse c'est ce que tu y as appris.

— Tu as pu déterminer le prix du nouveau khan ? intervint Dayan.

— Il ne se fait pas appeler khan, mais archonte, répondit Naim.

— Archonte ? C'est étrange qu'un dictateur prenne un tel titre, remarqua le roi, dans tous les pays où on en rencontre, ce sont des postes électifs.

— Et j'ai bien peur qu'on ne puisse pas l'acheter, continua la Naytaine.

— Tout le monde a un prix, répondit le ministre. Personne n'est incorruptible.

— Celui-là, si.

— Et qu'est-ce qui te fait penser ça ?

— Parce qu'à Elvangor il est archonte, mais qu'en dehors d'Elvangor il est autre chose.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant