XIX : Le message - (2/2)

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Cette idée rendit le sourire à Deirane, même si elle ne se berçait pas d'illusions. Les paysans avaient des problèmes à cause d'une récolte insuffisante, il y avait de fortes chances qu'ils n'aient pas pu stocker assez de nourriture pour tenir le temps nécessaire. Ou que le successeur du collecteur attendît qu'ils sortissent pour agir. Spontanément, elle se jeta au cou de son amie et l'enlaça.

Il fallut un moment pour que Dovaren, troublée, pût se reprendre.

— Tu m'as bien dit qu'ils t'ont offert un cadeau, dit-elle enfin.

— Un bijou, confirma Deirane.

— Tu peux me le montrer.

— Bien sûr, mais pourquoi ?

— Il y a des chances qu'il vienne de mon pays.

Elle aurait dû y penser. Elle lui prit la main et l'entraîna vers sa chambre.

Vu les raisons à l'origine de ce cadeau, il lui faisait horreur. Elle l'avait jeté au fond d'un tiroir de sa commode. Elle dut fouiller au milieu des vêtements pour le trouver, au grand dam de Loumäi qui se plaignit de tout devoir ranger derrière elle. Deirane donna une caresse espiègle à sa domestique, ce qui, sous la surprise, se calma. Puis elle se tourna vers son amie. Tenant le pendentif par la chaîne, elle le leva à hauteur des yeux. Aussitôt, Dovaren devint pâle, ce qui était un exploit vu le teint sombre de sa peau.

— C'est un bijou de famille, dit-elle enfin.

— Je sais, c'est ce qu'a dit le marchand en me le donnant.

La Naytaine déglutit avant de reprendre d'une voix plus ferme.

— Tu ne comprends pas, c'est un bijou de ma famille. Ce pendentif appartenait à ma mère.

Deirane s'attendait à tout sauf à ça. Elle regarda l'émeraude comme s'elle allait se mettre à lui parler.

— Tu as raison, je ne comprends pas.

— Moi non plus. Comment peut-il se retrouver entre tes mains ?

— On l'a peut-être volé. Qui le possédait en dernier.

— Ma sœur aînée. Ma mère le lui a donné quand elle s'est mariée.

— Tu as une sœur ?

— Plusieurs. Et deux frères aussi.

L'évocation de la fratrie de Dovaren rappela la sienne à Deirane. Mais elle se reprit vite, elle ne pouvait pas se permettre de s'apitoyer sur elle.

— Comment ces marchands ont-ils pu entrer en sa possession ? se demanda-t-elle.

— Je ne vois que le vol.

Il existait bien une autre hypothèse, mais de toute évidence Dovaren refusait de l'envisager. Le bijou avait bien pu être, non pas volé à une femme libre, mais confisqué à une esclave.

— Et le voleur vient précisément où tu te trouves et donnes le truc à Deirane pour expier un péché. Vous avez pris de l'élixir de connerie, ou bien ?

Personne n'avait entendu Nëjya entrer. Son intervention les fit sursauter.

— Ou bien, répondit ironiquement Deirane.

— Réfléchis un peu, continua la jeune Samborren, ce bijou ne t'est pas destiné, mais à Dovaren. C'est un message.

— Un message ! s'écria Dovaren. Mais lequel ?

— Ça veut dire qu'on vient te chercher, imbécile. Ta famille a retrouvé ta trace et te fait savoir qu'elle est là.

La tête de la Naytaine lui tournait. Elle dut s'asseoir sur le lit pour ne pas tomber. Deirane s'installa à côté d'elle et la prit dans ses bras.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant