Brutalement, elle se mit à crier.
— Les dauphins, hurla-t-elle, si vraiment vous êtes le huitième peuple de l'Helaria, j'ai un message pour les pentarques.
Elle poussa le corps à l'eau vers l'océan. Il ne coula pas, maintenu à la surface par les gaz dégagés par sa décomposition. Le courant, rapide à cet endroit, l'entraîna vers l'est. Il ne demeura visible qu'un bref instant. Pendant un temps plus long, on pouvait deviner une ombre qui se déplaçait.
— Je suis Deirane, je suis amie de Calen et de Saalyn. Je suis retenue prisonnière en Orvbel. Allez dire ça aux pentarques.
Elle surveilla ce qu'elle pensait être les restes de Biluan. Dans l'obscurité, elle ne pouvait en être sûre.
— À l'aide, au secours. Venez me chercher, lança-t-elle une nouvelle fois.
Elle s'assit sur le sommet de la colonne.
— Venez me chercher, dit-elle tout bas. Ne me laissez pas ici.
Les derniers mots furent prononcés dans les larmes. Dursun enlaça son amie. Elle essaya de la réconforter. Mais les sanglots ébranlaient le corps frêle. Les paroles ne parvenaient pas jusqu'à elle. Elle se contenta de la bercer un court instant. Mais le temps les pressait. Elles devraient rentrer avant que les gardes ne déverrouillassent le pont.
Malgré ses appels, elle ne réagissait toujours pas. L'Aclanli finit par la secouer plus violemment. En vain. En désespoir de cause. Elle lui asséna brusquement une paire de gifles. Deirane se crispa sur la défensive. Elle regarda son amie, surprise, une lueur d'appréhension dans les yeux.
— On doit rentrer, Nëjya et les filles ne retiendront pas les gardes éternellement. Le pont va se baisser.
— Et si on ne retournait pas au harem, lâcha Deirane, si je me jetais à l'eau et que je laissais les dauphins me récupérer.
— Ils ne retrouveraient qu'un cadavre. Tu te noierais dans ces tourbillons. À moins que tu ne finisses fracassée contre les rochers. Tout a été prévu pour que personne ne puisse partir par là.
— Et ça serait si grave si je disparaissais ? Tous ceux pour qui je comptais me croient morte. Je ne manquerais à personne.
— À moi, tu me manquerais.
Deirane remarqua la voix vibrante de son amie. Elle aussi était sur le point de pleurer.
— J'ai perdu tous mes proches. Ma sœur n'est plus là. Si tu disparaissais à ton tour, qui s'occuperait de moi.
— Nëjya ?
— Nëjya ce n'est pas pareil. C'est mon amante. On se donne du plaisir ensemble. Mais aujourd'hui, c'est toi ma famille. Et puis, qui prendrait soin des nièces de Dovaren. Tu es leur mère maintenant. Sans toi, elles seraient orphelines une deuxième fois. Nous avons besoin de toi.
Elle se tut un instant avant d'ajouter :
— J'ai besoin de toi.
Elle regarda la surface de la mer, agitée par les courants contraires qui créaient des tourbillons.
— Si tu sautes, je saute avec toi. Et on y reste toutes les deux.
Dursun pleurait pour de bon maintenant. Deirane lui prit le visage entre les mains. Elle sécha une larme du pouce. Puis elle lui déposa un baiser sur le front.
— J'ignorais que je comptais tant pour toi.
Dursun répondit d'un petit sourire triste.
— On rentre. De toute façon, l'océan est trop froid. Qui sait combien de temps j'y resterai à grelotter si je me noyais.
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La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
FantasyDans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...