LVI : la diversion - (1/3)

62 9 22
                                    

Deirane était dans les toilettes, accroupie par terre, la tête penchée au-dessus de la vasque. Son estomac vide se contractait douloureusement. Nëjya la rejoignit.

— Nausée matinale ? demanda-t-elle.

— Écœurement, répondit Deirane.

— Écœurement de quoi ? Tu as mangé quelque chose d'avarié ?

— Dans ce harem, rien n'est avarié. Sauf les esprits.

— Quoi alors ?

Deirane s'essuya la bouche avant de parler.

— Ce qu'on a fait à Cali.

— Ah ça.

Nëjya s'accroupit à côté de la petite Yriani. Elle lui entoura les épaules d'un bras.

— On n'avait pas le choix.

Les deux amies se souvenaient parfaitement de la scène avec Cali.

La veille au soir, Dursun et Naim étaient allées rendre visite à la danseuse. Elles lui avaient annoncé ce qu'elles attendaient d'elle. La pauvre femme n'était pas une concubine. Elle était la maîtresse de Dayan. C'est à ce titre qu'elle habitait le harem, comme compagne de Dayan qui était son amant exclusif depuis plus d'une douzaine d'années. C'était depuis le seul homme qu'elle ait connu charnellement, et elle n'en voulait pas d'autres. Ce qu'elles lui demandaient était tout simplement au-dessus de ses forces. Elle avait d'abord refusé. Mais devant leur intransigeance, elle avait supplié. Puis elle avait pleuré. Mais rien n'y avait fait. Naim avait menacé de cesser de la protéger. Elle savait que Mericia n'attendait que cela. Elle ignorait ce que lui ferait subir la concubine, mais elle pariait que ce serait horrible. Dans son for intérieur, Deirane pensait que Mericia, n'étant ni stupide ni suicidaire, elle ne ferait rien, mais Cali était persuadée du contraire. Elle avait fini par céder. Mais quand ses deux visiteuses l'avaient quittée, elle était en larme. Et le matin suivant, elle offrait une mine hagarde.

— Elle le fera, tu sais, remarqua Nëjya, je peux même affirmer qu'elle se montrera très bien. Les deux gardes ne verront pas ce qu'on est en train de faire.

— Je suis sûre qu'elle sera bonne. Mais on est en train de la détruire. Après, nous devrons bien nous occuper d'elle. Et nous ne devrons plus jamais lui demander quoi que ce soit.

— Je n'ai aucune pitié pour elle. Après tout, c'est la compagne de Dayan.

Deirane la regarda, surprise par la véhémence de son amie.

— Mais elle est comme nous, elle n'a pas choisi de se retrouver ici. Elle a eu la chance d'y trouver un endroit où elle est bien, mais elle est une esclave.

— Une esclave qui pactise avec l'ennemi.

— Et si un jour, on chasse le roi du trône, que vas-tu faire ? Lui raser le crâne et la promener nue à travers la ville ?

Nëjya détourna la tête, soudain honteuse.

— Non, bien sûr.

Elle serra Deirane plus fort contre elle.

— On peut demander à Naim de surveiller, pour éviter que les gardes n'aillent trop loin. Si sa prestation se limite à un effeuillage et quelques caresses alors qu'elle s'attendait au pire, ça devrait lui remonter le moral. Un effeuillage, elle devrait pouvoir assurer. Quand elle danse, elle n'a pas grand-chose sur le corps.

— Je risque d'avoir besoin de Naim. Elle est plus forte que nous toutes réunie.

Nëjya hésita longuement avant de répondre.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant