Une fois prête, Deirane se présenta devant les appartements d'Orellide. Le vieil eunuque l'accueillit avec son affabilité coutumière. Deirane le dévisagea, comme si elle ne le connaissait pas. Si Orellide partait, nul doute qu'il la suivrait. Ils étaient ensemble depuis trop longtemps.
La reine mère était à sa place habituelle, dans le grand fauteuil, qui n'était pas sans rappeler un trône. Deirane n'y avait jamais fait attention, mais elle ne pouvait pas passer ses journées ici. Elle avait certainement d'autres activités qu'attendre qu'une concubine se présente. Mais quand la jeune femme lui rendait visite, elle y était immanquablement installée, à s'occuper les mains dans une tâche artistique, broderie ou tricots. Elle devait prendre place dès que quelqu'un venait frapper à sa porte.
— Salam Deirane, l'accueillit Orellide.
En yriani. La vieille reine devait être dans des dispositions excellentes pour utiliser cette langue qu'elle appréciait peu.
— Toutes mes salutations, dame Orellide.
— Nous sommes seules, inutile de faire des chichis.
Deirane coula un regard vers l'eunuque. Orellide le remarqua.
— Nous sommes ensemble depuis si longtemps qu'il est presque une partie de moi. Alors pourquoi es-tu venu me rendre visite ? À cette heure-ci, tu devrais être en cours.
Deirane hésita. Elle ne savait pas comment annoncer la nouvelle. Surtout, elle ignorait pas comment l'ancienne reine allait l'accueillir. Prenant son courage à deux mains, elle se lança.
— J'ai un problème, annonca-t-elle.
— Quel genre de problème ?
La jeune femme coula un regard vers le vieil eunuque.
— Un problème dont je préférerai parler en privé.
— Si privé que tu ne peux pas le dire devant Pers ?
Deirane hocha la tête.
— Viens.
Orellide se leva et entraîna l'Yriani à travers les couloirs de son appartement jusqu'à une porte qui donnait sur l'extérieur. C'était une grande terrasse, inaccessible aux concubines, il était de plus séparé des jardins du harem par une haie qui protégeait l'intimité de la reine mère. Orienté au sud, on voyait l'océan qui s'étendait à perte de vue. Deirane chercha si elle apercevait une terre au large. Mais elle ne vit rien, aucune île.
Pers se précipita à la suite de sa maîtresse, l'air affolé.
— Ça suffit, le rabroua celle-ci. La tempête n'arrivera pas avant deux jours. Ça me donne largement le temps de parcourir les trente perches qui me séparent de la porte. Maintenant, laisse-nous.
Le domestique se retira, un peu soucieux d'abandonner Orellide seule avec Deirane.
— Ne t'inquiète pas tant, le rassura la vieille reine, Serlen n'est pas agressive. Et même si elle l'était, menue comme elle est, je pense pouvoir la maîtriser en attendant que tu te portes à mon secours.
— Elle a suivi un entraînement militaire en Helaria, objecta-t-il.
— Un entraînement militaire ? Vraiment ? répliqua-t-elle d'un ton moqueur.
Elle regarda Deirane qui répondit :
— On m'a appris à me servir d'une dague. Mais je n'ai pas eu beaucoup de temps pour m'exercer. Mon professeur cherchait à m'enseigner comment protéger ma vertu. Je n'étais pas destinée à devenir guerrière.
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La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
FantasiaDans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...