La soirée de la veille avait laissé une sensation d'écœurement à Deirane. Tous ces gens qui traitaient les êtres humains ainsi qu'une vulgaire marchandise. Ils brisaient des vies comme ils respiraient. Et ils n'avaient pas l'impression de faire du mal. Elle voulait en parler à quelqu'un. Le petit déjeuner expédié, elle s'habilla. Depuis que Loumäi n'était plus sa domestique, mais sa propriété, la jeune Ocarianer était plus sérieuse, son babil insouciant qui la berçait le matin lui manquait. Deirane ne savait pas si c'était le changement de statut qui en était la cause ou la peur d'avoir frôlé la mort de si près.
Comme tous les matins, elle se prépara pour assister aux cours. Puis elle se rendit dans la chambre de Dursun. Elle aussi avait changé. Depuis la mort de Gyvan, Deirane ne l'avait plus jamais vue sourire. Elle la comprenait. Elle avait une chance, même faible, de revoir ses frères et sœurs un jour. Malgré ça, elle avait envie de pleurer quand elle pensait à eux. Que dire alors dans le cas de l'adolescente qui n'avait plus aucun espoir ?
Dursun était systématiquement en retard. Sa domestique avait beau la presser, la houspiller, l'Yriani devait toujours intervenir pour qu'elle fût prête à temps.
— Bonjour Deirane, s'écria-t-elle en la voyant entrer.
Si le ton était joyeux, le regard ne l'était pas.
— Serlen, corrigea Deirane, n'oublie pas.
Elle jeta un coup d'œil à la femme de chambre. Cette dernière n'était pas dévouée à Dursun comme Loumäi l'était à Deirane.
— Il n'y a que nous, répliqua Dursun. Entre nous, on peut t'appeler comme on veut.
— À ta place, je ferais plus attention.
L'Aclanli comprit aussitôt.
— Tu as raison, se reprit-elle, je dois m'habituer sinon je risquerai de me tromper au mauvais moment.
— Je suis la première à le regretter. Mais je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose.
Elle enlaça la jeune fille, la serrant fort contre elle. Puis elle se releva et lui fit signe de la suivre. Dans le couloir, ils retrouvèrent Dovaren qui sortait juste de sa chambre. Les trois femmes s'embrassèrent. L'eunuque qui devait les escorter à l'école n'était pas encore arrivé. Mais le temps qu'elles atteignissent le hall, il était là.
Pendant le trajet, sous les questions pressantes de ses deux amies, Deirane raconta sa soirée. Elles s'installaient à leur place quand elle termina son récit. Kazami les y attendait déjà. Et pour une fois, Sarin était à l'heure. Elle discutait avec la jeune femme. L'école était le seul endroit où les concubines pouvaient rencontrer des personnes étrangères au harem. Ce n'était normalement pas autorisé, mais les professeurs ne disaient rien. Elles en profitaient.
— En clair, conclut Dovaren, tu n'as pas apprécié ce repas.
— Comment aurai-je pu ? J'étais entourée d'esclaves et de meurtriers. Tout un village, tu t'en rends compte.
— Je ne vois pas où est le problème. S'ils n'ont pas payé leurs impôts...
Deirane regarda son amie.
— Tu ne vas pas me dire que tu es d'accord avec ses gens ? s'écria-t-elle.
— Des paysans volent l'archiprêlature, il est normal qu'elle sévisse.
— Tu... Tu... Vous me dégoûtez avec vos coutumes de barbare.
— Ne critique pas mon pays !
Les paroles de Dovaren tombèrent dans le vide, Deirane avait déjà quitté la table pour s'installer ailleurs.
— Mais enfin, qu'est-ce qui lui arrive ? demanda Dovaren, prenant Kazami et Sarin à témoin.
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La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
FantasyDans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...