XXXI : Le spectacle - (3/3)

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Le juge avait déjà tiré deux autres jetons. Les deux désignés s'étaient positionnés. Ce coup-ci, ils portaient un équipement différent. L'un d'eux était armé d'une lance et d'un filet. Le combat s'avéra aussi rapide que le précédent. Il était probable que l'épreuve ne durerait que deux ou trois calsihons au maximum. Mais comme l'avait prévu Chenlow, les gladiateurs remirent leur jeton dans la coupe et à la fin chacun mena trois assauts. Tous les participants remportèrent un duel au moins, certains deux et l'un d'eux trois. Cent cels, c'était une belle somme, presque le salaire de quatre journaliers agricoles pendant un mois. C'était un coup de chance qu'ils aient tous pu gagner au moins une fois. Elle en fit la remarque à l'eunuque.

— Il n'y a aucune chance là-dedans, expliqua Chenlow. Ils se sont mis d'accord entre eux pour savoir combien chacun allait gagner. C'est du spectacle, n'oublie pas. Les vrais combats, tu les verras plus tard.

En fin de compte, les gladiateurs se battirent pendant plus d'un monsihon. Puis ils se retirèrent. Il n'y avait eu au cours des affrontements, qu'une seule blessure ayant fait couler le sang et un bras cassé.

Quatre hommes entrèrent alors dans l'arène. Ils étaient tous équipés de la même façon, une épée, un casque, une plaque de cuivre sur le bras, et rien d'autre. Le héraut les annonça.

— Quatre esclaves vont maintenant gagner leur liberté, expliqua Brun. Le vainqueur de chaque duel sera affranchi. Le perdant restera esclave.

Le combat commença d'une manière identique. Deux jetons furent tirés au sort dans la coupe, désignant les premiers combattants. L'affrontement fut en revanche totalement différent. Ici, il n'était plus question de spectacle. Vu l'enjeu, chacun cherchait à neutraliser son adversaire. Ils ne pensaient pas à retenir leurs coups pour éviter de le blesser, bien au contraire. Ces deux-là étaient certainement d'anciens soldats qui avaient été capturés lors d'une bataille et vendus comme butin, ils savaient se battre. Les attaques, les feintes, les esquives étaient le fait de guerriers entraînés. Ce fut le plus résistant qui l'emporta. L'un d'eux s'effondra et se montra incapable de se relever. Le gagnant se plaça debout, au-dessus de lui.

Le coup de gong annonça la fin du combat. Brun devait décider si le vaincu devait être achevé ou pas. Il se leva. Il avait deux mouchoirs, un rouge, couleur du sang, dans la main droite, un blanc dans la gauche. Les cris s'élevèrent de la foule. Même s'il avait perdu, il avait offert un beau spectacle. Elle réclamait la pitié. Brun lâcha le blanc qui s'envola dans le vent. Les cris se transformèrent en ovation. Le vainqueur, un homme libre maintenant, tendit la main à son opposant pour l'aider à se relever. Ce dernier resterait esclave, mais au moins il était vivant. Peut-être ferait-il mieux la prochaine fois.

Le second combat s'avéra totalement différent. L'un des deux adversaires avait surestimé ses capacités et surtout son courage. Quand il comprit qu'il allait se faire battre, il implora la pitié de son concurrent. Celui-ci voyant à qui il avait affaire jeta son épée au loin et le défia à main nue. Peine perdue, il l'étala sur le dos d'un coup de pied et lui maintint la tête immobile. Ce coup-ci, la foule se montra franchement hostile devant sa lâcheté. Et c'est le mouchoir rouge qui s'envola. Le vainqueur s'agenouilla alors au-dessus de son adversaire. Il lui prit le crâne entre les mains. Et d'un mouvement brusque, il lui brisa la nuque.

— C'est une mise à mort peu orthodoxe, remarqua Brun, j'aime bien.

Alors que le vainqueur se relevait, pour faire face à la foule qui l'ovationnait, Brun leva les bras pour inciter le silence.

— Devant la magnanimité dont il a fait preuve en offrant une chance à son adversaire, j'accorde, outre la liberté qu'il a gagnée de droit, la somme de cinquante cels.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant