Dovaren n'était pas aussi naïve qu'elle le paraissait et ce que Dursun avait confié à Deirane, elle l'avait déduit elle-même. Aucune information ne filtrait à l'intérieur du harem. Elle ne savait pas si ses frères avaient pu s'enfuir où s'ils avaient été capturés. Et personne ne pouvait leur apporter des nouvelles sur ce qui se produisait à l'extérieur. Elle alternait donc entre exaltation et neurasthénie, ce qui tapait sur les nerfs de ses amies. Deirane elle-même devait se forcer à rester en sa compagnie. Quant à Dursun, elle avait fui dans sa chambre. Nëjya, qui avait ses quartiers à un autre étage, ne descendait que pour passer du temps avec Dursun.
L'arrivée du spectacle fut la bienvenue. Ni le roi ni l'eunuque n'avait donné sa nature : théâtre, opéra, concert. Vint le moment de s'habiller. Elles seraient visibles en public en compagnie de Brun. Il n'était pas question de se contenter de tenues toutes prêtes. Les jours précédents, les deux chanceuses avaient subi des séances d'ajustage. Elles devaient être magnifiques, mais décentes. Leur beauté devait être mise en valeur, mais pas exhibée. Deirane disposait maintenant d'une robe en soie, longue, fendue sur le côté et largement décolletée. Sa blancheur éblouissante était agrémentée de broderies en fils d'or et d'argent et de pierres précieuses qui n'étaient pas sans rappeler le motif incrusté dans sa peau. Enfant, elle avait toujours souhaité en posséder une semblable. Finalement, son rêve se réalisait, mais il ressemblait plutôt à un cauchemar.
Dovaren la rejoignit dans sa chambre. Les couturiers lui avaient confectionné une robe verte qui lui laissait la taille nue. Et naturellement, elle portait des bijoux. Bracelets, bagues, colliers et boucles d'oreille. Elle avait même, à la ceinture, une chaîne en or qui s'avérait du plus bel effet sur sa peau noire. Elle avait pris avec elle un manteau de coton blanc décoré d'un simple liseré doré qu'elle étala sur le lit. Elle s'assit sans prononcer le moindre mot. Elle se trouvait dans une période dépressive. Deirane s'installa à côté d'elle et lui posa une main sur la cuisse.
— Je suis sûre qu'ils ont pu s'enfuir, la rassura-t-elle.
— Le pire est de ne pas savoir. Je prie les dieux tous les jours, mais je n'ai reçu aucune réponse.
— Tu sauras bientôt. Quand Naim viendra, elle nous dira tout.
— C'est vrai, s'écria Dovaren, j'avais oublié Naim. Elle pourra me dire si mes frères sont en prison.
En une fraction de tösihon, elle était devenue exaltée. Elle se leva et parcourut la chambre de long en large.
— Sais-tu quand elle rentre ?
— Entrer et sortir de l'Helaria n'est pas facile.
— Je pensais qu'on pouvait y voyager librement.
— Pas quand on vient d'Orvbel. Elle doit prendre des précautions pour faire croire qu'elle arrive d'ailleurs. Et c'est pareil pour repartir si elle veut y retourner un jour. Cela peut s'avérer long.
— Tu as raison. Mais ça fait plusieurs mois qu'elle est en mission. Je suis sûre qu'elle va bientôt revenir.
Elle alla s'asseoir sur le lit. Mais elle se releva aussitôt.
Chenlow vint délivrer Deirane de son calvaire. Mais un Chenlow comme elle ne l'avait jamais vu. Il avait toujours été soigné de sa personne. Mais ce jour-là, il était éblouissant. Il portait un pantalon et un gilet verts brodés d'or qui laissait apercevoir une poitrine glabre et un ventre musclés. La plupart des eunuques prenaient du poids en vieillissant, mais ce fléau paraissait l'avoir épargné. Et pourtant, il n'était pas jeune. Il avait presque l'âge du père de Deirane.
— Vous êtes prêtes ? demanda-t-il.
— Oui, répondit Deirane.
— Alors, enfilez un manteau et suivez-moi.
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La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
FantastikDans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...