Dursun s'était lentement approchée pendant les retrouvailles. Elle toussa légèrement pour manifester sa présence. Deirane rougit, elle s'écarta comme si elle était prise en faute.
— Ard, je te présente Dursun.
L'adolescente effectua un petit salut.
— J'ai beaucoup entendu parler de vous, répondit-elle. Ard par ci, Ard par là.
— Si j'en juge par vos traits et par l'onomastique de votre nom, vous venez du Shacand, certainement un royaume limitrophe du Mustul.
— Onoma quoi ? demanda-t-elle.
— L'onomastique. C'est une branche de la lexicologie qui étudie la structure des noms. Le vôtre me semble provenir de l'Aclan.
— Je n'ai rien compris, sauf que je suis bien née en Aclan. Il est toujours comme ça ?
— Pas toujours non. Parfois, on comprend ce qu'il dit.
La tentative de taquinerie tomba à l'eau. Personne n'avait le cœur à plaisanter.
— La lexicologie c'est l'étude des mots. L'onomastique c'est celle des noms des personnes ou des lieux. Ce sont des domaines très étudiés dans le monde vu que les feythas ne nous ont laissé aucune langue digne de ce nom et que nous avons dû nous en approprier des étrangères.
L'air perplexe des deux femmes lui fit saisir qu'elles ne comprenaient pas davantage. Il cherchait un moyen plus clair de tourner ses explications. Mais Dursun le coupa dans ses réflexions.
— On sait qui vous êtes maintenant, dit-elle. Mais elles ?
— Elles ?
Effectivement, toute à sa joie de retrouver Ard, Deirane ne les avait pas remarquées. Mais il était venu accompagné de deux fillettes, de deux ans, peut-être trois. En tout cas, plus jeune qu'Elya. Cette dernière n'osait pas s'approcher, mais les regardait avec beaucoup d'intérêt. Elle était la seule enfant présente dans le harem, elle n'avait aucune copine avec qui s'amuser. Voilà d'ailleurs un mystère qu'elle devrait éclaircir plus tard, certaines concubines étaient arrivées depuis si longtemps qu'elles auraient dû tomber enceintes. Mais cette situation était en train de changer. Ce n'était pas l'unique point que les fillettes avaient en commun. Elles possédaient la même couleur de peau, sombre comme la nuit, les mêmes cheveux frisés et apparemment le même âge. Elles étaient Naytaines elles aussi.
— Le ministre Dayan me les a remises avant de m'envoyer vous rejoindre. Il m'a dit de les confier à une de tes amies qui devrait apprécier de les prendre en charge.
— À qui ? demanda-t-elle un peu inutilement.
— À une Naytaine comme elles. Je crois qu'ils ont dit...
— Dovaren, le précéda Dursun.
Nëjya intervint alors.
— Il s'imagine que lui offrir deux enfants va compenser l'assassinat de sa famille sous ses yeux ?
Deirane ne répondit pas. Le don de Brun n'avait plus de raison d'être, Dovaren étant morte. Elle regarda à nouveau les petites filles. Jusqu'à présent, elles étaient distraites, observant la magnificence des lieux avec curiosité. Mais maintenant, elles étaient devenues plus attentives, elles écoutaient ce que les adultes disaient. L'une d'elles ouvrit la bouche et posa une question. Malgré sa cohabitation avec Dovaren, Deirane ne connaissait que des rudiments de cette langue. Avec un débit si rapide, elle ne reconnut que quelques mots. Dont le nom de Dovaren. Elle se tourna vers Ard qui lui répondait. Il était lui aussi Naytain et pouvait la comprendre.
VOUS LISEZ
La chanceuse (La malédiction des joyaux - Livre 3)
FantasíaDans les harems, les chanceuses sont ces esclaves qui ont une "chance" de pouvoir devenir maîtresse du roi un jour. C'est le rôle aujourd'hui dévolu à Deirane : se former en attendant le bon plaisir du roi d'Orvbel. Le harem n'est cependant pas cet...