IV : La guerrière libre

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Le négrier guidait Dayan dans les souterrains de son sérail. Les lieux, proches du port et sous le niveau de la mer, transpiraient d'humidité. Une odeur infecte empestait l'air, mélange de moisi et de sueur humaine, et de peur.

— Je croyais que tu cherchais à vendre tes esclaves, remarqua le ministre. Comment peux-tu espérer en tirer un bon prix si tu les gardes dans un endroit aussi sordide ?

— Ce n'est pas là que je loge ceux que je vends. Ici, c'est seulement les indisciplinés, ceux qui refusent d'obéir.

— Toi, des esclaves refusent de t'obéir, ironisa Dayan.

Voren manifesta son impuissance d'un haussement d'épaules.

— Pourquoi m'amènes-tu ici, s'ils contestent ton autorité ?

— Ce que vous cherchez ne peut que se trouver dans ce genre d'endroit. Ceux qui restent dans les lits de soie sont rarement combatifs.

Le ministre hocha la tête. Il ne pouvait que se montrer d'accord avec le petit homme.

Ils arrivèrent à une massive porte en bois. L'esclavagiste tira le trousseau de clefs de sous ses robes. Il en sélectionna une. Les traces sur sa tige témoignaient d'un usage fréquent. Il la glissa dans la serrure.

Derrière un obstacle aussi solide, Dayan s'attendait à trouver une cellule. Mais de l'autre côté, il déboucha un long couloir ; une prison aussi grande que celle de la ville était enfouie dans cette cave. Quelques rares torches éclairaient chichement l'endroit. Le fait qu'elles fussent toujours allumées indiquait des passages réguliers. Voren en décrocha une en entrant, son invité sur les talons. Il s'arrêta devant la troisième grille, inondant la cellule de lumière.

La femme qui y était allongée leva la tête pour voir ses visiteurs. Éblouie, elle plissa les yeux qu'elle protégea de la main. Dayan s'approcha pour l'examiner. Elle avait la grande taille, le teint noir et les cheveux frisés des natifs de la Nayt. Pour ce qu'il en savait, dans ce pays, les femmes étaient généralement cantonnées aux travaux des champs et aux tâches domestiques, elles étaient rarement musclées et n'apprenaient pas à se battre. Mais celle-là semblait différente. Ce qui restait de ses vêtements, réduits à l'état de lambeaux par les mauvais traitements, permettait de voir sa silhouette dans les moindres détails. Et bien qu'elle fût indéniablement du sexe féminin, sa musculature était plus développée que celle des Orvbelianes, et elle aurait pu en remontrer à la plupart des hommes aussi. Si elle manifestait des prédispositions au combat, elle serait parfaite.

— Comment t'appelles-tu ? demanda Dayan en helariamen.

Elle ne réagit pas. En fait, elle se retourna pour ne plus être dérangée par ces inopportuns.

— Tu ferais mieux de répondre si tu veux partir de cet endroit, remarqua Voren.

— Je ne me prostituerai pas pour sortir de cette geôle.

— Et pour quitter l'Orvbel, jusqu'où serais-tu prête à aller ?

Elle se remit face à eux.

— Sais-tu te servir d'une épée ? demanda le ministre.

Elle s'assit en tailleur, ramenant les lambeaux de sa tunique entre ses jambes.

— L'Orvbel a rétabli les jeux du cirque ? Vous voulez que je combatte pour vous ?

Dayan s'esclaffa.

— L'Orvbel n'a jamais annulé les jeux du cirque. Mais ce n'est pas là que je compte t'envoyer. Non, j'ai besoin d'une guerrière, pour mener des missions en toute autonomie hors de l'Orvbel.

La chanceuse (La malédiction des joyaux -  Livre 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant