Clandestins (6) - Renwyck

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Renwyck et Akhbar parvinrent au Château de Nacre deux jours après leur rencontre avec Sigund dans la forêt. Une pluie torrentielle les avait poursuivis sur toute la fin de leur voyage. Arrivés au sommet du plateau, ils purent enfin profiter d'une belle vue ensoleillée sur le Val de Nacre en contrebas et sur l'impressionnante capitale du royaume, enlacée dans les méandres du fleuve Hellibe. On voyait parfaitement les hauts palais blancs de la Citadelle sur une île au milieu du fleuve. Ils étincelaient sous les rayons du soleil comme des perles sculptées. Renwyck en avait le souffle coupé. C'était si grand !

Akhbar avait expliqué à Renwyck qu'on trouvait sur l'île au milieu du fleuve la résidence royale et la grande église de Fay. Le Château de Nacre, initialement restreint à sa construction insulaire, avait peu à peu débordé de son île. Des faubourgs erratiques s'étaient accrochés aux rives. C'était la plus grande ville d'Ael. Renwyck n'arrivait pas à imaginer qu'autant de personnes pussent vivre au même endroit. L'échelle des lieux lui échappait.

Le sol de la butte était encore gorgé d'eau. Renwyck et Akhbar pataugèrent tout le long de la route qui descendait vers la ville. Leurs pas s'enfonçaient dans l'herbe avec des bruits de succion. La plaine tout autour d'eux brillait sous le ciel bleu. C'était le début d'après-midi. Sur la route, des carrioles avançaient péniblement vers les entrées gardées, tirées par des chevaux ou des bovins peu enthousiastes. Les abords des postes de garde en devenaient de véritables marécages qui sécheraient vite.

Renwyck suivait Akhbar mais ne pouvait détacher son regard du panorama incroyable devant lui. La ville était immense ! Arrivés en bas de la pente, ils passèrent devant le poste de garde sans être arrêtés ni même salués. C'était une simple baraque en bois avec des bancs usés et dont le toit avait mal vécu la pluie. Les soldats en faction ignorèrent Renwyck et Akhbar. Ils semblaient plus intéressés par une caravane de roulottes aux peintures vives et aux tissus flamboyants qui s'installait à quelques mètres d'eux. Renwyck vit du coin de l'œil leurs passagers à la peau brun rouge déplier des auvents et détacher leurs animaux de trait. Il aurait voulu observer ces étrangers quelques instants de plus, mais Akhbar s'éloignait d'un pas rapide. Renwyck n'avait aucune envie de se perdre dès l'entrée de la ville ! Il rattrapa le druide qui naviguait dans les rues avec l'assurance d'un citadin pressé.

Tout était si nouveau ! De petites maisons en côtoyaient de plus grandes, construites dans des matériaux hybrides : torchis, bois et pierre. Toutes ces habitations se serraient les unes contre les autres, ne laissant guère d'espace pour circuler. De minuscules venelles débouchaient sur des rues à peine plus larges. Certains de ces passages étaient pavés de pierres, d'autres n'étaient que des chemins de terre boueux. Quelques maisons communiquaient entre elles par des galeries à l'étage, d'autres s'arc-boutaient comme des géants ventrus. Renwyck se sentait écrasé par tant de constructions autour de lui. Il n'avait pas le temps de s'en émouvoir. Son guide avançait d'un pas à la détermination redoublée.

Dans ce quartier excentré, les habitants sortaient de leur domicile en guettant les caprices du ciel d'un œil ici inquiet, là agacé. En progressant dans les rues, Renwyck sentit que l'atmosphère changeait peu à peu. Les constructions se faisaient de plus en plus précaires, moins entretenues, voire en partie laissées à l'abandon. Quelques personnes étaient allongées à même le sol sans qu'il fût possible de dire si elles étaient vivantes ou non. Akhbar ne leur accordait aucun regard. Il poursuivait sa route sans ralentir. Ils finirent par déboucher sur une rue plus large et devant un vieux bâtiment aux murs noircis par la saleté. Sa grande porte en bois vermoulu semblait irrémédiablement fermée par de lourdes barres de métal. Sur le fronton de cet endroit désolé, une pancarte étalait ses lettres implacables.

— La Maladrerie ? lut Renwyck.

— Dépêche-toi mon garçon, lui intima Akhbar. Profitons qu'il n'y ait pas grand monde pour l'instant. On va rentrer par là. Ne parle plus.

L'Herboriste - Les Thaumaturges IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant