L'Herboriste - Les Thaumaturges I

Clandestins (13) - Niédar

— Ces indications nous suffiront, s'impatienta Niédar. Profitons des heures de jour qu'il nous reste, ne traînons pas.

Il n'attendit pas Tys'Naïa et sortit de l'échoppe d'un pas rapide. Il se moquait bien des formules de politesse qu'il aurait fallu échanger avec la vieille chose dans le magasin de poteries. Sur la place, il ramassa ses affaires sur le banc du kiosque et fit signe aux deux Aranéens de le suivre sans plus tarder. Ils avaient perdu suffisamment de temps.

Ils traversèrent Drakwan au pas de charge. Tys'Naïa parla de trouver une auberge pour y passer la nuit et de débuter leurs recherches le lendemain matin. Niédar ne la gratifia même pas d'une réponse. Il fallait être dérangé pour vouloir passer la nuit dans une ville peuplée d'escouades de Morts-Vivants. Niédar ne pouvait s'habituer à l'idée que ces créatures abjectes patrouillaient dans les rues. La vue de leurs corps pourrissants lui donnait des sueurs froides. Aucune promesse d'auberge ne pouvait le faire flancher. Il préférait mille fois dormir à la belle étoile, dehors, sur le sol des falaises.

Niédar se rendit compte qu'il était fébrile. Ses mains tremblaient. La présence des Morts-Vivants lui avait presque fait oublier qu'il touchait peut-être au but. Drakwan signerait-elle la fin de son errance ? Le mausolée et l'épée de Grachéos étaient si proches. Il imaginait tenir le pommeau de l'arme fabuleuse au creux de sa main ou sentir son fourreau battre son flanc. Pourtant, l'instant d'après, les doutes l'assaillaient. Serait-il digne de porter l'épée de son aïeul ? Pourrait-il trouver l'apaisement en accomplissant enfin la terrible vengeance qui le tiraillait ? Niédar resserra les poings.

Au poste de garde, Niédar et ses deux compagnons signèrent à nouveau un registre pour indiquer leur sortie hors des murs. Le jeune Naarn prit les devants et en profita pour demander aux gardes s'ils connaissaient l'emplacement exact du mausolée. Ils fixaient Niédar et bredouillèrent des directions dans leur galimatias incompréhensible. Ils semblèrent étrangement soulagés de le voir sortir de leur juridiction. Ces soldats étaient sur le qui-vive, comprit Niédar en reconnaissant leurs postures et leurs manières.

Leurs indications s'avérèrent précieuses. Le mausolée était en fait éloigné de la ville. Niédar et les deux Aranéens marchèrent tout l'après-midi dans un dédale rocheux. Autour d'eux, des épines rocailleuses surgissaient de terre, comme des doigts décharnés et pointus. Des aigrettes blanches et des cormorans tournoyaient au-dessus de leur tête alors qu'ils s'enfonçaient dans d'étroites crevasses, entre des blocs de basalte. Leur exploration se conclut sur une zone plus plane, comme un cratère où un poids énorme se serait écrasé. On distinguait entre les buissons et les rochers un monument de pierre au centre de la dépression, au milieu d'herbes folles et d'un tapis de fleurs sauvages. Il s'agissait d'un bâtiment carré, surmonté d'un dôme et coiffé d'une lanterne allumée.

Des hommes en armure montaient la garde.

Niédar s'agenouilla dans les broussailles. Tys'Naïa et Naarn l'imitèrent aussitôt, le visage inquiet.

— La garnison de Drakwan doit craindre les pilleurs, chuchota Naarn.

— La porte semble fermée par un cadenas, compléta sa sœur de la même façon.

Niédar acquiesça. Il avait lui aussi remarqué la chaîne qui barrait l'accès à l'intérieur du mausolée. Son visage se froissa. Il n'avait pas anticipé que la tombe serait surveillée.

Il devait se débarrasser des gardes. Ils n'étaient que deux. Vêtus d'armures légères, ils portaient des épées courtes et de hauts boucliers étroits. Des frondes étaient suspendues à leur ceinturon. L'un d'eux possédait également un cor de chasse. Cet objet n'était sûrement pas anodin. Était-il possible que d'autres gardes se tinssent à proximité et pussent accourir au son de l'alarme ? Niédar n'avait pas remarqué de campements sur le trajet depuis Drakwan. Il se souvint alors de sa traversée de la frontière. Et si d'autres de ces atroces Morts-Vivants apparaissaient hors du néant comme aux abords de la Forteresse Hantée ? Niédar ne pouvait courir le risque d'affronter de tels adversaires.