L'Herboriste - Les Thaumaturges I

Fols Masqués (6) - Renwyck

Renwyck, Lasica et Akhbar quittèrent les lieux sans un mot de plus. Renwyck se sentait ébranlé par les paroles d'Akhbar. Peu à peu, les frontières simplistes entre ce qu'il avait autrefois considéré comme le bien et le mal s'estompaient. Il lui appartenait de redéfinir ce qui lui semblait juste. La cause pour laquelle ils se battaient ce soir-là en faisait partie.

Au-dehors, la nuit tombait. Les teintes indigo du ciel vespéral montaient à l'est. Les ombres étaient si longues qu'elles se fondaient les unes aux autres. Le crépuscule s'illuminait peu à peu de torches et de lampions colorées. La musique et les gens affluaient. La fête battait son plein.

Ils croisèrent alors trois demoiselles de la Maison des Fleurs de Lys — Canna, Rose et Amarante — toutes coiffées de fleurs et vêtues de soie colorée qui laissait deviner leurs attraits. Renwyck, une fois de plus, se sentit gêné devant leurs charmes et ne sut où poser les yeux.

— Aulirath nous envoie vous trouver, murmura l'une d'elle. Les choses devraient se gâter à l'envoi du Bal des Fols.

— Très bien, les remercia Akhbar. Si vous croisez à nouveau Mallaus, dites-lui qu'une diversion serait bienvenue à ce moment-là.

Les trois courtisanes acquiescèrent et continuèrent leur chemin sans s'attarder.

— Une autre prophétie ? demanda Renwyck.

— Sûrement, grommela le druide. Mais restons vigilants : je ne remets pas en question le pouvoir d'Aulirath mais, d'expérience, les prédictions des devins ne sont pas toujours fiables. Allons, tâchons de trouver une place au plus près de l'estrade.

Ce fut chose ardue. La foule était arrivée en masse dans l'enceinte de la Citadelle. Tous s'amassaient sur les premières tables pour apercevoir la reine et ses fils. Jouant des coudes, Renwyck, Akhbar et Lasica tentèrent de se rapprocher mais, pour finir, ils ne purent s'installer qu'à la quatrième rangée de tables. Ils pouvaient néanmoins surveiller l'estrade sur laquelle dîneraient les nobles.

Soudain, une clameur joyeuse s'empara de la foule. La reine Selma et sa suite venaient d'arriver. De sa place, Renwyck pouvait seulement distinguer la silhouette d'une femme vêtue d'une riche robe incarnate. Un voile blanc couvrait sa chevelure. Sa couronne d'or scintillait dans la lumière chaude des torches et des feux de joie. À ses côtés se tenaient deux hommes richement vêtus.

— Celui de gauche, c'est le prince Dagarkin, commenta Lasica. Et à droite, Tarlon, son frère cadet.

Un à un, les invités de la famille royale prenaient place.

— Le Grand Prêtre Zanamros se trouve un peu plus loin. C'est le vieil homme qui porte l'habit du Culte.

Les convives installés, le banquet put commencer. Renwyck était émerveillé par l'opulence de ce dernier. S'il n'avait pas connu le manque, jamais auparavant n'avait-il été témoin d'une telle abondance de nourriture. Les plats décidés par Akhbar s'enchaînaient à la table royale. Pour les gens du peuple, du pain, des fruits et des écuelles de potage étaient distribués, ainsi que de larges portions de viande de porc rôtie. La cervoise et le vin coulaient à flots.

Renwyck songea que dans un autre contexte, la soirée aurait été très agréable. Les yeux fixés sur le prince Dagarkin, il ne cessait de se demander d'où viendrait le poison. Le Grand Prêtre et le prince Tarlon avaient-ils eux aussi acheté les services du personnel de cuisine ? Impossible de savoir. Il ne restait qu'à attendre et guetter l'inévitable. Tout le sucre contenu dans le repas et dans les boissons suffirait-il à contrecarrer les terribles effets du Philtre des Limbes ? Renwyck serra au fond de sa poche une gourde remplie d'un liquide qu'il avait préparé le matin même.