Le soir était venu. Il était temps de conduire l'Araignée Erigone à la sortie de la ville pour lui permettre de fuir la capitale et les menaces qui pesaient sur sa vie. Toute la communauté espérait que la jeune femme serait en sécurité à Rivebois.
Les membres de l'expédition piaffaient d'impatience ou d'anxiété devant la lourde porte de fer qui les mènerait à la tannerie. Quand il eut l'impression que tout était prêt, Akhbar actionna finalement le mécanisme pour déverrouiller l'accès. Un par un, les Magians franchirent le seuil et s'engagèrent dans le couloir. Tous s'étaient vêtus de vêtements ordinaires et sombres pour disparaître dans les ombres de la nuit. Il avait été décidé de former trois groupes. Deux créeraient des diversions à distance du poste de garde. Le troisième ferait franchir à Erigone et ses deux escortes la Porte Est en prélevant trois montures aux soldats de la ville.
Renwyck faisait partie de ce groupe-là. Akhbar avait sans doute estimé que c'était la partie la moins dangereuse du plan puisque les gardes devaient se lancer à la poursuite des groupes de diversion. Renwyck était heureux de la confiance qu'on plaçait en lui, quel que fût son rôle. Il était également nerveux. L'expédition était risquée et ses talents d'herboriste ne lui seraient d'aucune utilité. Secrètement, il enviait ses camarades capables de déchaîner les éléments ou de tromper l'esprit des hommes. Il pourrait en tout cas compter sur Vills et son pouvoir sur la terre pour les protéger de tout danger.
Bientôt, tous les membres de l'expédition eurent disparu dans le couloir. Renwyck et Lasica étaient les derniers à sortir du repaire souterrain. Aulirath ne se joignait pas à eux et les regardait partir, le visage grave. Alors que Renwyck s'apprêtait à passer la porte de fer à son tour, une poigne ferme le retint. C'était la devineresse. Les yeux révulsés, elle lui parla sans le voir :
—Le chemin n'est pas sûr.
Puis, ayant prononcé ces mots, elle revint à elle et fut prise de faiblesse. Lasica se précipita à son côté pour l'empêcher de basculer de sa chaise roulante.
— Vas-y, pressa-t-elle Renwyck. Ne t'inquiète pas, ce n'est rien. Je m'occupe d'elle. Erigone est la plus importante d'entre nous. Vas-y !
Perturbé, Renwyck obéit et s'élança dans le couloir à la suite des autres. Il voulait rattraper Akhbar pour lui transmettre l'avertissement d'Aulirath, mais le druide était déjà loin. Le tunnel lui sembla interminable. Une lueur fantomatique y régnait, comme dans l'accès de la Maladrerie. Les lichens phosphorescents ici aussi avaient envahi la roche. Qu'avait voulu dire Aulirath ? Était-ce une prédiction les concernant immédiatement ? Avait-elle entrevu un futur plus lointain ? Impossible de savoir. L'humidité, le confinement, le sentiment de danger, tout contribuait à faire monter en Renwyck une angoisse bien réelle.
Lorsqu'il atteignit enfin la fameuse tannerie, Renwyck éprouva la sensation de délivrance qui accompagne la fin d'une longue apnée. Le sentiment fut bref. Une odeur pestilentielle d'urine, de peaux et de tan emplissait les lieux. La puanteur prit Renwyck à la gorge. Il en avait mal au cœur. Heureusement, leur séjour dans l'atelier ne devait pas durer. L'endroit était presque désert. Dans la pénombre, seules deux silhouettes se dessinaient à ses côtés :
— Te voilà enfin ! lâcha Akhbar d'un ton bourru. Les autres sont partis sans toi, ils ne pouvaient pas t'attendre. Tu vas rester avec Mallaus et moi pour la peine. Où est Lasica ? ajouta-t-il.
— Elle est restée avec Aulirath, répondit Renwyck.
Il se sentait fébrile, inquiet. Erigone avait déjà quitté les lieux. Quelle que fût la signification de l'avertissement, il était trop tard. L'opération était en cours.
VOUS LISEZ
L'Herboriste - Les Thaumaturges I
AdventureDeux destins. Renwyck, jeune herboriste, part à la recherche de son père inconnu, guidé par une mystérieuse prophétie. Si magie et complots se dressent sur son chemin, il faudra bien y faire face. Pour Niédar, valeureux elfe déchu, c'est la vengean...