L'Herboriste - Les Thaumaturges I

Oracles (8) - Renwyck

La brume de la nuit s'était levée et dans le ciel aucun nuage ne pointait à l'horizon. Renwyck se dirigea d'un bon pas vers les bois. L'air printanier était vivifiant sur son visage et lui brûlait légèrement le fond de la gorge. Se glissant entre les troncs et les branches, il entra progressivement dans un autre monde regorgeant de vie. Il entendait le bruissement invisible des petits animaux, le chant des oiseaux dans les branches, le chuchotement du vent dans les bourgeons naissants. Une odeur d'humidité boisée lui emplissait les narines et la terre était meuble sous ses bottes.

D'ordinaire, son regard était acéré, à l'affût des plantes médicinales ou comestibles qu'il pourrait ramener chez lui. Ce matin-là, son esprit était ailleurs. Il passa plusieurs sureaux en fleur et traversa une ravine remplie d'ail des ours sans rien ramasser.

Ses pensées étaient entièrement tournées vers les événements de la veille. Même s'il n'avait compris qu'une infime fraction de la discussion entre Aiwe et Akhbar, ces bribes d'informations avaient enflammé son imagination.

Il se voyait à La Griffe, capitale du lointain Neyem, où les Magians vivaient sans persécution. Là-bas se trouvaient les collèges magians qui rassemblaient le savoir des différentes disciplines du Secret et octroyaient le titre de maître. Sa mère lui avait déjà parlé des Hauts-Maîtres, les trois chefs politiques et religieux des Magians. Renwyck n'en savait néanmoins que très peu. Il ignorait jusqu'à la veille qu'ils entouraient un monarque, le Thaumaturge-Roi. Les Magians avaient-ils donc un souverain quelque part à l'autre bout du continent ? Renwyck trouvait cette pensée dérangeante. Que faisaient ce roi et ces Hauts-Maîtres quand leurs sujets étaient torturés et massacrés ? Pourquoi ne leur venait-on pas en aide ?

Mais sans conteste, c'était la mention de son père qui l'avait le plus perturbé. Pour la première fois depuis longtemps, le mystère de ses origines prenait corps. Certes, il ne venait pas de nulle part mais ses parents lui apparaissaient d'ordinaire comme des ombres sans substance, des fantômes issus d'un passé lointain et mystérieux. Pourtant, Akhbar avait rencontré son père ! Un être de chair et d'os, qui avait ri et pleuré. Un lien physique venait de se créer à travers le temps. Le fil du destin était entre ses mains, n'attendant qu'à être déroulé. Renwyck ne s'était jamais senti aussi proche de son passé.

Alors qu'il passait un bosquet d'églantiers pour s'enfoncer plus profondément dans les sous-bois, sa prophétie résonna de nouveau dans son esprit. Le passé détient toutes les clefs.

Était-ce là le message que le dieu Llinwonyo avait voulu lui faire passer, qu'il était temps de découvrir qui il était et d'où il venait ? La simple venue à Rivebois d'un prêtre capable de l'éveiller au Secret relevait déjà du miracle. Que cet homme eût croisé son père par le passé ne pouvait découler que d'une intervention divine. Akhbar avait été prudent. Il avait émis des doutes quant au lien entre cet inconnu et Renwyck. Il n'avait évoqué qu'une simple ressemblance. À la lumière de la prophétie qui lui avait été faite, Renwyck était certain que Llinwonyo lui avait envoyé un signe.

Il remarqua qu'il se trouvait au pied d'un frêne majestueux. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres. Il connaissait cet endroit. C'était là qu'Aiwe l'avait trouvé lorsqu'il n'était qu'un nourrisson. Il ne se rappelait de rien lui-même, mais elle lui avait montré plusieurs fois l'endroit lors des longues marches en forêt qu'ils effectuaient ensemble. Sans même y penser, il était revenu là où tout avait commencé. Mais il n'y avait plus rien à découvrir ici. Le fil du destin le menait ailleurs, les réponses se trouvaient au-delà de Rivebois.

Il plongea la main sous sa tunique et sortit le pendentif qu'il portait toujours au cou. Il s'agissait d'un bijou simple, fait d'un morceau d'ambre brut suspendu à une lanière de cuir. L'objet avait quelque chose d'envoûtant. Il semblait chargé de vie et d'histoire. C'était la seule chose dont il avait hérité de ses parents, avec l'étole dans laquelle on l'avait trouvé.