L'Herboriste - Les Thaumaturges I

Fols Masqués (4) - Naarn

Naarn était impatient d'écouter la musique du vent, ses passages rapides dans la végétation et son écho sur les falaises. Il n'en pouvait plus de l'odeur de terre et d'oubli qui remplissait le mausolée. Il voulait aussi prendre de la distance avec Niédar qui hésitait entre une rage destructrice et un abattement extrême.

À la tête de leur petit groupe, il remonta les escaliers qui menaient vers l'extérieur. Dehors, la nuit était tombée. Sa torche éclairait les marches jusqu'au palier.

Les gardes qu'ils y avaient attachés ne s'y trouvaient plus.

Naarn sentit son souffle se bloquer dans sa poitrine. Leur était-il arrivé quelque chose ? Il courut vers l'avant. Derrière lui, Tys'Naïa et Niédar avaient également constaté leur absence. Ils sortirent à l'air libre, dans le vent marin qui soufflait toujours dans les hautes herbes et les plaquait par intermittence sur le sol. Où étaient les gardes ?

Naarn s'avança dans le cratère herbeux, levant sa torche bien haut pour éclairer l'obscurité. Il entendit des bruissements non loin d'eux. Peut-être des animaux sauvages...

Ou bien une dizaine de gardes de Drakwan venus les arrêter à leur sortie du mausolée.

Les soldats les encerclèrent, les privant de toute échappatoire. Fallait-il essayer de s'enfuir ? Naarn jeta un coup d'œil à sa sœur et à l'Iwisien, mais ni l'un ni l'autre ne semblait prêt à tenter sa chance contre tous ces opposants. Tys'Naïa s'avança vers le chef de l'expédition. Elle semblait sur le point de dire quelque chose mais l'homme la devança.

— Une sentinelle nous a prévenu que trois pilleurs dont un étranger s'étaient introduits de force dans le mausolée de Grachéos, déclara celui-ci avec force.

— Nous n'avons rien volé, répondit sèchement Tys'Naïa.

— Cela reste à prouver, rétorqua le chef. Vous avez, qui plus est, gravement blessé les gardes en faction.

Niédar recouvra un peu de sa hargne habituelle pour cracher par terre de mépris. Naarn avait l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds. La garnison de Drakwan les arrêtait pour pillage et agression de deux gardes. Ils allaient en prison. Pourquoi Tys'Naïa avait-elle insisté pour accompagner le Marqué jusqu'à cet endroit maudit ?

Les gardes leur confisquèrent leurs armes et leurs effets et leur lièrent les mains dans le dos. À la pointe de leurs hallebardes, ils les poussèrent sur le chemin des falaises. Le trajet de retour jusqu'à la capitale se fit dans un silence lourd, à la lumière tremblotante des torches. Naarn observait Niédar à la dérobée. Il marchait la tête basse, comme prostré, le visage et les mains agités de tressaillements. S'agissait-il d'une rage contenue ou bien des crises de douleur que le Marqué semblait traverser régulièrement ? Tys'Naïa cheminait tout près de lui en un soutien silencieux, mais Naarn connaissait sa sœur. Elle devait être inquiète et désemparée. Qu'allaient-ils devenir ?

Leur retour à Drakwan se fit par la même porte que le jour même, mais on les conduisit vers une bâtisse de pierre aux rares fenêtres, et non vers le centre-ville. À l'intérieur, il n'y avait qu'une grande pièce divisée en cellules sombres. On les enferma dans l'une de celles-ci, un espace réduit et malodorant aux barreaux de fer, plongé dans l'obscurité. La seule lumière provenait d'une lanterne posée sur un bureau occupé par un kifo au crâne luisant et aux orbites vides. Naarn avait très distinctement vu Niédar faire tout son possible pour s'écarter de celui-ci. Malgré lui, Naarn commençait à trouver la terreur du Marqué amusante, mais il se garderait bien de le lui dire.

Le chef des gardes leur annonça avec raideur qu'ils seraient interrogés au matin. Il salua d'un signe de tête le kifo chargé de la surveillance et sortit avec ses soldats. Naarn observa leur cellule : il n'y avait là qu'un banc en bois et un broc d'eau. De la paille humide recouvrait le sol. Dans le reste de la prison, une seule autre cellule était occupée. Un vieil homme y dormait à même le sol.