L'Herboriste - Les Thaumaturges I

Clandestins (11) - Renwyck

Une fois qu'Erigone eût prononcé sa décision, toute la communauté s'agita pour préparer son périple. Lasica mit Renwyck à contribution pour confectionner quelques remèdes utiles pour le voyage de la druidesse vers Rivebois. Elle connaissait elle-même quelques baumes et pommades, mais guère plus que ce qu'une guérisseuse ordinaire pouvait tirer de plantes communes. Dans la cuisine, elle montra à Renwyck les matériaux à sa disposition, rangés précautionneusement dans une maie égratignée par l'usage.

Renwyck sentait en lui bouillonner des dizaines de questions soulevées par le conseil auquel il venait d'assister. Il ne savait pas s'il pouvait faire confiance à sa compagne de travail, mais il avait la croyance profonde qu'une personne qui préparait des remèdes et connaissait les plantes ne pouvait pas être fondamentalement mauvaise. Lasica avait son âge et semblait bien disposée à son égard. Il se décida :

- Je sais que je semble un peu sot, mais qu'est exactement Erigone ?

L'objet de sa question s'était blotti contre une cheminée dans la grande salle, oublieuse de l'agitation autour d'elle. Assise à même le sol, elle entourait ses genoux de ses bras, le regard perdu dans les flammes.

- Tu viens d'être éveillé, n'est-ce pas ?

Renwyck acquiesça, tout en retirant sa ceinture d'ingrédients pour la poser devant lui sur le plan de travail. Il sélectionna des boutons de fleur de millepertuis dont il pourrait tirer un remède contre les brûlures légères.

- Je peux sans doute t'en parler un peu, marmonna Lasica comme si elle réfléchissait à voix haute.

Renwyck attendit qu'elle en dît plus. La prêtresse mettait de l'ordre dans ses idées. Elle avait attaché ses longs cheveux châtains, ce qui mettait en valeur la joliesse de son visage. Elle avait de doux yeux bruns. Renwyck se rendit compte qu'il la fixait impoliment. Il se détourna et entreprit de mélanger dans un mortier de quoi fabriquer une crème pour nettoyer les plaies. Lasica finit par dire :

- Les Magians tirent leur énergie des Toiles, des réseaux qui parcourent et traversent le monde. Il en existe trois : la Toile des Terres, la Toile des Airs et enfin la Toile Supérieure.

Renwyck hocha la tête. Jusqu'ici, Akhbar lui avait donné les mêmes informations.

- Les Toiles ne sont toutefois pas des structures régulières. Leur architecture est changeante, voire chaotique. Les Araignées comme Erigone nous permettent de les utiliser.

- C'est-à-dire ?

Lasica se tut. Renwyck releva la tête de son ouvrage et remarqua que la prêtresse semblait gênée par la conversation. Il comprit. Elle devait elle aussi faire partie des disciples du Brise-Lame, ceux dont Akhbar avait dit qu'ils étaient très rigides sur la circulation du savoir. Lasica était une prêtresse de Dra, pas une herboriste, elle n'était pas censée délivrer à Renwyck un quelconque apprentissage.

- Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise avec mes questions, dit-il pour s'excuser.

Lasica se détendit un peu, lui renvoyant un sourire chaleureux. Elle lui serra brièvement l'avant-bras, comme pour lui dire qu'il était pardonné. Elle l'aida dans ses préparations, refusant toutefois qu'il lui apprît de nouveaux remèdes. Renwyck ne pouvait s'empêcher de trouver dommage que les connaissances ne pussent être transmises plus spontanément.

Renwyck n'était pas plus avancé sur la nature profonde d'Erigone, une femme vulnérable et précieuse aux yeux des Magians. Ce devait être très dur pour elle de quitter les siens. Exposée à un danger bien réel, elle devait tout laisser derrière elle pour aller vivre auprès d'une étrangère. Renwyck songea à son propre parcours. Il était heureux d'avoir découvert cette communauté du Château de Nacre, mais il ne pouvait s'empêcher de penser que tout ceci n'était qu'une étape. Peut-être qu'ici, il pourrait glaner des informations sur son père, cette figure lointaine et inconnue. Il lui faudrait en reparler avec Akhbar. Pour l'instant, le druide était plongé dans une discussion animée avec Aulirath, Hatyāri et le prêtre Arashi. Renwyck ne pouvait pas entendre ce qu'ils disaient, mais il imaginait bien qu'ils discutaient des détails du voyage. Il fallait donc attendre.