Oracles (10) - Naarn

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Un cours instant de silence avait succédé au départ du chef du village et de Bergys après lequel Tys'Naïa s'adressa avec colère à leur hôte :

— Écoute-moi bien, la porcelaine. Je n'ai aucune envie de partir chasser les licornes avec un étranger. Trouve-toi d'autres guides.

Naarn pouvait sentir qu'elle faisait un effort pour articuler, donnant à son parler une musique étrange et peu familière. Peut-être avait-elle été vexée que Niédar ne l'eût pas comprise la veille. De son côté, l'Iwisien semblait renfrogné.

— Ton avis importe peu, rétorqua-t-il. Tu es une femme et ton père t'a clairement ordonné de m'accompagner. Tu feras ce que l'on te dit.

Naarn sentit ses yeux s'écarquiller devant la réponse. De quel pays barbare provenait cet Elfe ? Au-delà d'une vision misogyne de la société, il ne manquait pas de hardiesse. Quel aplomb ! Personne ne parlait de la sorte à Tys'Naïa. Naarn connaissait sa sœur et savait que ce n'était pas une stratégie gagnante.

— Je ne sais pas d'où tu viens ni qui t'a appris les bonnes manières, répondit-elle d'une voix glaciale, mais peut-être aurais-tu mieux fait d'y rester. Bergys n'est pas ma mère. Je suis la femme la plus âgée de la famille, je suis libre de décider comme je le souhaite. Et mon frère fera ce que je lui dirai de faire.

Sa réponse fit réfléchir l'Iwisien qui recula inconsciemment d'un pas. Il finit par répondre :

— Qui parle de chasser des licornes ? Je recherche une arme ancienne, une épée ayant appartenu à Grachéos, le Vainqueur des Dragons. Je sais qu'elle se trouve en Nouvelle-Aranée.

Naarn haussa les sourcils. Cette conversation était surprenante. Avait-il bien dit Grachéos ? L'esprit de Naarn s'enflamma à cette mention. Grachéos était une légende pour toutes les populations elfes, un héros antique admiré et célébré.

— Grachéos ? releva sa sœur avec mépris. Guère mieux qu'une licorne.

Un sourire fit son chemin sur le visage de Naarn. Sa sœur ne ferait strictement aucun effort pour écouter ce que cet étranger avait à dire. Elle commença même à se détourner, estimant sans doute que la conversation touchait à sa fin.

— Je suis prêt à vous payer, avança le Marqué.

Cette offre fit s'arrêter Tys'Naïa. Elle se tourna légèrement, regardant par-dessus son épaule, ses yeux noirs plissés. La proposition avait éveillé son intérêt mais Naarn n'en comprenait pas la raison. L'or n'avait que peu d'utilité dans un petit village comme Zannen.

— Combien ? lança-t-elle de façon abrupte.

— Lorsque nous trouverons le trésor de Grachéos, seule l'arme m'intéresse. Le reste est à vous.

— Tu ne manques pas de culot, la porcelaine ! Tu pensais nous acheter avec un trésor imaginaire ? Tu n'es qu'un vulgaire pilleur de tombe, un voleur qui promet ce qu'il ne possède pas.

L'Iwisien serra les poings avec force.

— Je ne suis pas un voleur, grinça Niédar dont la colère menaçait d'éclater. Ce trésor, c'est mon héritage.

Son héritage ? Niédar était-il un descendant direct de Grachéos ? Naarn avait lu de nombreuses légendes au sujet du Règne des Dragons et du héros qui y avait mis un terme. Il se permit d'intervenir dans la conversation :

— Grachéos est effectivement mort en Nouvelle-Aranée, près de Drakwan, notre capitale, remarqua-t-il posément. La plupart de ses armes et de ses affaires ont cependant été récupérées par les tiens et emportées en Iwis. C'était il y a longtemps. Je doute qu'un tel trésor existe encore et cela vaut pour ton arme aussi.

L'Herboriste - Les Thaumaturges IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant