Chapitre 14 (Florian)

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Voilà bien vingt minutes que j'écoute Oli raconter toute sa conversation avec le frère de Louise d'une voix vacillante et bégayante. Je ne parle pas, hoche la tête et le laisse dire tout ce qu'il a sur le cœur, tout ce qu'il garde au fond de lui. Nous sommes très proches et ça depuis que nous sommes enfants, mais se parler comme ça, à cœur ouvert mettant de côté notre timidité n'est pas forcément dans nos habitudes. Il finit son récit presque essoufflé et s'assoit dans le canapé de la loge en face de moi. Ce soir nous sommes à Strasbourg en ce premier jour de mai et d'énormes gouttes tapent contre les vitres depuis plus d'une heure, nous empêchant de sortir visiter la ville.

- Qu'est-ce que t'en penses Flo ? Qu'est-ce que je dois faire ? demande-t-il l'air désespéré

J'appuie mes coudes sur mes genoux et me gratte le crâne sous ma casquette.

- Je n'en ai aucune idée frère, peut être... peut être que son frère à raison. Si vous continuez ainsi un de vous deux finira par craquer et même si... même si j'apprécie beaucoup Louise je ne veux pas que ça soit toi, avoué-je

- Alors c'est ça la seule option ? Mettre à terme notre histoire, tout balayé d'un coup de main...

- Non, je n'ai pas dit ça, ce n'est pas la seule option bien sûr mais...

- Tu sais ce qui me rend fou dans l'histoire ? C'est que j'ai passé six mois à attendre qu'elle se réveille, six mois où je n'ai pas flanché, je n'ai pas abandonné et ce serait plus dur pour elle alors qu'on a la possibilité de se parler, alors qu'elle n'a pas l'angoisse de me voir mourir ? me coupe-t-il

Il serre les poings et se lève, en colère. Je le comprend tout à fait, je l'ai vu sacrifier six mois de sa vie durant lesquels il n'a quasiment pas écrit, vu ses amis où rit. Il passait ses weekends à l'hôpital à attendre que Louise se réveille.

- Son frère te l'a dit, elle n'est pas aussi forte que toi et puis...

- Et ça lui donne le droit d'arrêter, de foutre en l'air tout ce qu'on a construit ?! J'en ai marre de devoir m'excuser, d'être compréhensif, d'attendre qu'elle veuille me parler ! J'ai en marre de culpabiliser, l'a-t-elle fait elle ? Culpabiliser d'être partie six mois.

"Il ne se rend pas compte de ses paroles, il divague." Je me lève et me rapproche de lui pour lui faire face. Il est quasiment plus grand que moi et je distingue de la barbe qui commence couvrir son menton.

- Oli, tu sais très bien que ce n'est pas la même chose, tout les deux vous n'avez pas eu le choix ! Tout les deux vous culpabilisez de quelque chose qui n'est pas votre faute. Mais à présent, c'est à elle de faire des efforts pour que cela marche, tout repose entre ces mains. Si cela ne marche plus, si ces six-mois sont ceux de trop : arrêtez. Ne vous infligez pas plus de souffrance, dis-je en posant mes mains sur ses épaules.

Il soupire et ses yeux commencent à briller. Ses épaules s'affaissent et il se laisse retomber dans le canapé.

- Je... je suis perdu Flo. D'un côté je suis en colère contre elle et de l'autre j'ai peur que si je ne suis pas là pour elle, tout parte en vrille.

Je me mets à sa hauteur et m'appuie sur l'accoudoir.

- Si tu lui fais confiance, que tu l'aimes assez pour supporter encore deux mois alors tout rentrera dans l'ordre. Mais écoute-moi maintenant, si tu l'as laisse décider de ce qu'adviendra votre histoire il faut peut être te préparer à l'éventualité que cela se termine et j'ai bien dis éventualité. Je ne veux pas continuer à te voir souffrir fréro.

- D'accord, je te fais confiance avant tout Flo, toujours ensemble, jamais séparés...

On se check et je me mets à sourire. Soudain la porte de la loge s'ouvre et Walid rentre en courant et en hurlant suivi de Romain plus féroce et imposant que jamais.

- Ah ! Les gars sauvez-moi il veut me butter !

On se relève tout les deux en même temps en riant. Walid se cache derrière le canapé et tente de sortir de la pièce pour fuir Romain qui est, lui, calme.

- Pourquoi il veut te butter au fait ? demande Oli en haussant un sourcil

- J'ai perdu un pari et il est censé me frapper ! répond mon ami

- Creuse ta tombe j'arrive ! crit Romain dans toute la pièce

On se met à rire de plus belle avec Oli et soudain Walid bondit de derrière la canapé et réussi à passer entre nous deux, on le suit en courant dans les couloirs du bâtiment sautant par dessus les matériels de régis et autre obstacles. Nous arrivons finalement tout les quatre dans la salle de concert pour l'instant vide, essoufflés. Romain se rapproche de Walid et s'apprête à lui asséner une gifle :

- Non ! Romain s'il te plait... s'il...

La claque, même si elle n'est que superficielle, résonne dans tout la salle. Nous explosons tous de rire et ainsi continu nos jeux comme des enfants dans une cour de récré avant de tous retourner dans les loges pour se reposer avant le concert. Ce moment aura au moins permis à Oli de rire et de penser à autre chose.

Un dernier départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant