J'émerge lentement du sommeil, délaissant mes rêves pour apprécier pleinement la sensation de la pulpe de ses doigts qui parcourent ma mâchoire, provoquant des frissons dans tout mon corps, comme si son contact s'électrisait. J'ouvre lentement les yeux et souris en voyant les siens pétiller, je saisis sa main qui longeait mon cou et enlace nos doigts.
- Bonjour, murmure-t-elle
Je lui réponds pas un léger baiser sur les lèvres et la sens bouger sous les draps pour s'extirper du lit.
- Où vas-tu ? demandé-je en m'étirant longuement
- J'ai du travail aujourd'hui, je dois filer.
Elle enveloppe son corps dans un gilet en laine et me lance un regard attendri avant de sortir de la pièce, sûrement pour rejoindre la salle de bain. Je reste quelques instants à paresser, enfouissant mon nez dans le pan de couverture qu'Elena vient de quitter, humant son parfum. C'est une manière de me dire que je n'ai pas inventé tout ce qui s'est passé, j'ai réellement revu Elena à New York, nous avons passé une nuit ensemble comme autrefois, je n'ai pas imaginé l'instant où elle a toqué à ma porte quand je suis rentré de l'aéroport, après lui avoir envoyé mon adresse : au cas où. Et je ne me suis pas trompé, Elena est venue et nous avons passé la soirée ensemble, se redécouvrant l'un et l'autre plus profondément, nous avons discuté, beaucoup discuté sans vraiment aborder le sujet qui devrait être principal et je suis sûr qu'il nous brûle les lèvres à tous les deux mais qu'aucun n'ose briser la bulle parfaite dans laquelle l'on s'est réfugiés : où en sommes-nous réellement ? Que signifiait notre nuit à New-York, que signifie celle-ci ? Est-ce la renaissance de notre histoire ou les dernières braises qu'on n'a pas pris soin d'éteindre comme il se doit.
Je chasse ses pensées, m'extirpe du lit et descends pour préparer le déjeuner, je sors tout sur l'îlot de ma cuisine et allume même la pauvre cafetière que j'ai seulement pour mes amis buveurs de café comme Elena, je regarde avec une expression de dégoût le liquide noir s'écouler lentement dans une tasse et sors mes éternelles céréales avec une brique de lait. La porte de la salle de bain s'ouvre alors que j'avale ma première cuillerée et Elena, vêtue d'un pull gris chiné cintré à la taille, d'un jean bleu et des bottes marron hautes par-dessus, me rejoint. Ses cheveux noirs détachés encadrent son visage et ses yeux noisette sont soulignés par un trait eye-liner noir. Elle me remercie alors que je lui tends la tasse de café brûlant et le boit d'une traite avant de venir déposer un bisou sur ma joue en disant :
- Je t'appelle dans la semaine.
Je hoche la tête et elle se détourne pour rejoindre la porte d'entrée, je l'entends l'ouvrir mais revient finalement sur ses pas en tenant la bretelle de sa sacoche fermement, elle se mord la lèvre inférieure, ce qu'elle fait toujours quand elle hésite.
- Florian ?
- Oui, réponds-je en levant la tête de mes céréales.
- On pourra en parler ? De... tout ça ?
J'acquiesce, ayant compris ce qu'elle sous-entendait. Elena m'adresse un dernier sourire avant de s'éclipser, je termine mon bol et range la table avant de lancer le lave-vaisselle. Je passe à la salle de bain et prends une rapide douche histoire de me tirer des dernières vapes du sommeil avant de rejoindre le salon et m'avachir dans le canapé. "Superbe journée qui s'annonce en perspective." Demain nous devons nous rendre au studio avec Oli afin de continuer à enregistrer les brides de morceaux commencées à New York ou avant, ce qui signifie qu'aujourd'hui j'ai quartier libre et pourtant je n'ai pas le cœur à allumer ma console ou à me lancer dans quelconque occupation. J'aurais aimé pouvoir passer mon temps avec Elena, "Même pas deux semaines qu'elle est revenue dans ta vie et te voilà à nouveau dépendant." Je chasse cette pensée, oui Elena m'a énormément manqué, plus que je n'aurais voulu l'admettre, je m'étais persuadé que je l'avais oublié mais en vain, elle est restée accrochée à mon esprit comme une feuille tenace à l'automne. J'ai trahit ma promesse d'avancer et de ne surtout pas replonger dans cette histoire mais est-ce vraiment une mauvaise chose ? Je n'en sais, tout est trop récent et flou pour que je sache quoi répondre à cette question, je sais que je tiens à elle mais est-ce que je l'aime réellement ou est-ce juste ce regret de l'avoir quitté trop tôt alors qu'on aurait pu essayer d'avancer ensemble. "Regarde ton frère, sa relation s'est terminée parce que justement leurs chemins étaient différents."
Je chasse toutes ses pensées parasites et décide de sortir faire un tour pour me vider l'esprit. Je lace mes baskets et attrape ma casquette pour la planter au sommet de mon crâne. Je décide de laisser mon téléphone ici et sors en fermant la porte à clef. Je commence à déambuler dans les rues de Toulouse encore endormies par l'heure matinale, certains cafés commencent à ouvrir et à déployer leur auvent en prévision du maigre soleil qu'annonce la météo en ce début d'octobre. Je respire à plein poumons l'air frais et les parfums que m'apporte la brise qui fait danser les feuilles des arbres pour les faire tomber dans une valse légère et suspendue dans l'air, je profite de la vue et vient me poser sur un banc au bord du Pont Neuf, offrant mon visage aux faibles rayons blanchâtres du soleil qui parviennent à percer la couche de nuages gris. "Tout est si calme, si paisible." Cela fait parfois du bien de n'avoir que pour seule compagnie le silence, un ami muet qui comble parfois le vide de mes pensées, qui repose mes oreilles meurtries par les concerts, c'est pourtant une douleur douce et bénéfique, si c'est la musique qui me fait mal alors j'en redemande, devenir sourd de musique, ne plus entendre qu'elle : comme un monde parallèle mélodieux dans lequel je me jetterai avec joie. Je ferme les yeux et profite donc de cette mélodie silencieuse qui me revigore, mes pensées sont rapidement accaparées par des choses futiles mais agréables : comme par exemple la pointe d'or qu'il y a dans les iris d'Elena, qu'on ne peut apercevoir que si l'on est réellement proche, ou la sensation de mes doigts qui se déposent sur les touches blanches et noires d'un piano, comme un fil qui relit la pulpe de mes mains à cet instrument si intense. Je pense à toutes ces choses en rouvrant les paupières, mes yeux mettant un peu de temps s'accoutumer à nouveau à la luminosité claire du paysage et je tourne la tête lorsque j'entends que l'on m'appelle par mon nom de scène. Un adolescent, un sac de cours sur les épaules et un casque autour de son cou, me regarde les yeux écarquillés, effaré de me voir. Il tient dans sa main son téléphone portable et je comprends la raison de son approche.
- Oui ? dis-je en me levant.
- Je... j'espère que je te dérange pas, c'est juste que.. je suis très fan de ton frère et toi. Est-ce que je pourrais prendre une photo avec toi ?
Son ton bégayant me fait sourire et me rappelle le gamin que j'étais à l'époque : demandant la même chose à mes idoles. Je ne suis pas très fan des photos, à vrai dire cela me met plus mal à l'aise qu'autre chose mais là, ce garçon est seul et semble réellement gêné de me déranger. Alors j'accepte et tend la main pour la poser sur son épaule afin que l'on puisse prendre la photo. Après cela, il me remercie une centaine de fois au moins et commence à partir en disant :
- Merci beaucoup Bigflo, continue comme ça avec ton frère ! Au revoir.
Je le salue d'un signe de main et il s'en va. J'esquisse un sourire face à cette rencontre et sa dernière phrase me rappelle tout à coup que je n'ai pas appelé Olivio pour m'excuser de ma conduite dans l'avion. C'est vrai que j'ai été un peu froid envers lui alors qu'il n'était pas la raison de mon agacement, je sais qu'on se réconcilie toujours au bout d'un moment mais je n'aime pas l'idée d'être en froid avec lui. Je décide donc de rentrer chez moi pour y aller en voiture, la ville commence à s'éveiller et je ne tiens pas à croiser une dizaine de fans dans la rue ou à être suivi jusque chez mon frère.
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Un dernier départ
Fanfic[3e tome de "L'amour inconnu" ] Partir, sans se retourner, pour mieux avancer. Comprendre que s'acharner n'est pas la solution, se rendre à l'évidence. Ne plus entendre nos disputes, ne plus faire couler nos larmes. Savoir apaiser nos cœurs et s...