Un dernier départ

Chapitre 77 (Cassandra)

      Je caresse lentement le visage de Samia allongée à côté de moi, mes yeux plongés dans les siens, un lien paisible nous unissant, nos jambes entremêlées se tiennent chaud et je peux sentir la texture de sa peau me provoquer des frissons tout le long de l'échine. Une de mes mains est emprisonnée dans la sienne tandis que l'autre continue sa course sur la peau tendre de son cou et sur son sternum, effleurant à peine la pulpe de sa peau sans défaut, sa deuxième main à elle est posée sur ma taille et me presse contre elle. Dans la chambre, le temps semble s'être suspendu, concentré sur cet instant unique qui remplit mon âme de plénitude et de calme, mon cœur est comme une bougie qui fond dans une danse suave et sensuelle, la flamme qui la consume est l'intensité du regard de Samia, un brun brûlant qui électrise mes terminaisons nerveuses, nous nous sommes allongées et n'avons pas bougé ni échangé de mots depuis, profitant simplement de notre échange silencieux et apaisant. 

    Je laisse les souvenirs partagés avec celle que j'aime fleurir dans le jardin de ma mémoire, roses, violettes, tulipes, lys magnifiques qui me rende nostalgique avec leurs parfums chargés de souvenirs. Notre rencontre au café, quand j'ai vu ses yeux bruns chocolat pétiller, faisant vibrer mon cœur dans un tempo endiablé, notre sortie au cinéma où j'ai cru que mon organe vital allait se décrocher de ma poitrine lorsque ses lèvres douces se sont posées sur les miennes, lorsque j'ai senti tout l'amour que j'avais pour elle se déverser sur ma langue et mon palais. Je me revois ouvrant la porte, découvrant ce corps que je chéris tant, meurtris et brisé par un homme que je détesterai jusqu'à la fin de mes jours, je l'ai soignée, lavée, ai séché ses larmes et voilà qu'aujourd'hui Samia arrive à sourire, à aimer de nouveau. Je me mords la lèvre et propose soudain : 

- Cela te dirait d'aller au cinéma ? Comme... comme au tout début. 

    Elle semble d'abord surprise et après un moment d'hésitation, elle hoche la tête en déposant rapidement ses lèvres sur les miennes. Je me redresse et enfile par-dessus ma tête une robe légère aux imprimés fleuris, Samia fait de même en enfilant un short et un tee-shirt et attache ses cheveux en une queue-de-cheval haute. J'attrape mon portefeuille et mes clefs, ainsi que le paquet de cigarettes posé sur le guéridon de l'entrée et attends que Samia ait pris ses affaires pour sortir et fermer l'appartement, en moins de dix-minutes nous voilà prêtes pour aller au cinéma sans avoir aucune idée des films à l'affiche, "On trouvera bien quelque chose." Nous dévalons les escaliers comme des adolescentes et nous engouffrons dans le parking souterrain où une fraîcheur, plutôt agréable avec les températures de juin, règne. Je m'engouffre côté conducteur et enclenche la clef, baissant ensuite le frein à main, nous sortons du parking et retrouvons les rues toulousaines couvertes par un immense ciel bleu clair dépourvu de nuages. Il ne nous faut pas longtemps pour rejoindre le cinéma où de nombreuses voitures sont garées sur le parking, je me gare proche de la sortie et sors de la voiture en allumant une cigarette entre mes lèvres, Samia me lance un regard désapprobateur, elle voudrait que j'arrête mais certaines habitudes sont difficiles à oublier, je me promets d'essayer de réduire ma consommation déjà assez sage. Nous nous approchons du bâtiment et je regarde un peu ce qu'il y a à l'affiche. 

- Regarde, il y a "La momie", ça te dit ? proposé-je 

    Elle hoche la tête en humidifiant ses lèvres du bout de sa langue. 

- Ouais, j'ai pas trop envie d'un film romantique ou trop compliqué, je préfère voir quelque chose où mon attention peut être portée sur autre chose. 

   Elle illustre ses propos en effleurant ma bouche de la sienne alors que j'expire ma fumée et approuve en souriant. Samia rentre à l'intérieur pour prendre les places tandis que termine ma cigarette avant de l'écraser dans un des cendriers publics bordant le cinéma, je m'engouffre à mon tour dans le cinéma et rejoins ma copine en train de payer les places, je m'occupe donc d'acheter un paquet de pop-corn et les boissons : comme la première fois. Elle me tend ma place et nous montons les marches couvertes de moquette jusqu'à un vigile qui déchire le talon de nos billets nous souhaitant une bonne séance, nous trouvons le numéro de notre salle et nous engouffrons à l'intérieur, après avoir trouvé notre rangée, lancé des excuses aux gens obligés de se lever pour ne pas qu'on ne leur écrase les pieds, nous nous asseyons enfin dans nos sièges. Bien vite nos mains se joignent dans le pot de pop-corn qui ne survivra que le temps des bandes-annonces et la salle s'éteint brusquement, le film commence mais c'est par une tout autre image que je suis attiré, Samia, assise dans le noir, éclairée par la faible lumière de l'écran est plus belle que jamais, les yeux allumés par une joie qui avait quitté ses prunelles des mois plus tôt et un sourire qui me fera à jamais chavirer, j'enlace nos doigts et elle tourne la tête en sentant la pression de ma main. Son sourire se fait plus grand et vient s'écraser sur mes lèvres qui s'entrouvrent pour accueillir la fraîcheur de son haleine, notre baiser est interrompu par une scène du film où les personnages hurlent, je sursaute et nous rions discrètement avant d'enfin de nous concentrer sur le film dont on a raté les dix premières minutes. Ma main reste dans celle de Samia tandis que dans mon cœur, un nouveau souvenir se créer.