Chapitre 34 (Olivio)

280 22 6
                                    

     Lorsque Flo me ramena chez notre père le lendemain matin, je sus qu'il fallait à tout prix que je déménage. Revenir dans cette maison, dans ma chambre est beaucoup trop douloureux : parce que tout me ramène à elle. Je l'imagine dans chaque pièce, la revoit assise dans le canapé avec mon frère et moi, sur mon lit tandis que je lui faisais écouter mes morceaux, dans le salon quand nous avons fêté noël. "Tout ça fait si mal."  Après avoir donner des explications à mon père pour mon absence et un coup de téléphone à ma mère pour la rassurer, je me suis enfermé dans ma chambre et fixe le plafond depuis vingt minutes maintenant. 

     J'ai l'impression que tout mon corps est un brasier, mon cœur est brisé en mille morceaux, fissuré par une seule et même personne. Je la déteste mais je l'aime si fort en même temps, c'est une torture. C'est comme si mon âme était déchirée en deux, deux parties qui se disputent mon corps en entier ; ça m'en donne presque des nausées. Je repense au moment où elle m'a dit qu'elle ne m'aimait plus, c'est à ce moment-là que mon cœur s'est fissuré et j'ai compris que tout était fini. J'avais tellement confiance en elle, les six derniers mois étaient les plus beaux mais aussi les plus douloureux de ma vie. Elle ne se rends pas compte à quel point elle m'a fait du mal, je ne comprends pas comment elle a pu faire ça, après tout ce temps que nous avons partagé, toutes les épreuves que nous avons surmontées : sa maladie, son coma, nos conneries et nos trahisons... et voilà que la distance a eu raison de nous. Elle l'a poussé à remettre tout en question, j'en viens presque à me demander si elle n'a pas rencontré quelqu'un d'autre. Mais cette seule pensée, cette seule image d'elle dans les bras d'un autre me suffit pour chasser cette idée de ma tête. Je n'ose même pas penser à son prénom ou a le prononcer, son visage tourne en boucle dans mon esprit, je n'arrive pas à le mettre en pause, à le chasser. Combien de fois ai-je caressé son visage ? Combien de fois me suis-je perdu dans le bleu des ses yeux, ai été enivré par le son de sa voix et son parfum ? Combien de fois l'ai-je regardé en me disant : "je l'aime." ? Je n'en sais rien, mais ces chiffres sont assez élevés et douloureux pour pousser les larmes à rouler sur mes tempes et me brouiller la vue. 

     Je sanglote et laisse sortir toute ma haine et ma tristesse, je pleure comme jamais je n'ai pleuré. Je me suis retenu devant mon frère, devant mon père et devant elle. Mais là c'est trop, je craque, je ne peux pas retenir les vannes encore un peu plus, je pleure et étouffe mes gémissements dans mon oreiller ; je ne voudrais alerter mon père et je n'ai envie de voir personne à ce moment. Il n'y a que moi et ma peine dans cette chambre empreinte de nostalgie dont je ne veux plus me souvenir. Je laisse mes larmes couler et fixe le plafond en me demandant si elle pleure elle aussi. Peut être pas mais je voudrais qu'elle le fasse, qu'elle pleure au moins tous nos moments passés ensemble, tout ce que j'ai fais pour elle. J'aimerai qu'à cet instant elle pleure de toute ses forces. Je suis peut être cruel à penser ça mais, j'ai vraiment besoin de me sentir mieux à cet instant. 

      Le jour où je l'ai rencontré, le jour où je suis rentré pour la première fois dans ce café, la première pensée qui m'a traversé l'esprit c'est : ne pas s'attacher. Je savais que cette fille me plaisait, je ne voulais juste pas me l'avouer à moi-même, j'essayais de me convaincre. Je n'avais jamais eu de réelles relations mais le divorce de mes parents suffisait à me faire croire que l'amour était éphémère. Je ne voulais pas l'aimer, mais ses yeux bleus perçants et sa voix m'attirait, tout son être m'attirait. Jamais mon cœur n'avait autant battu dans ma cage thoracique, menaçant presque de sortir de ma poitrine, jamais ma timidité ne m'avait autant tordue les entrailles que lorsque je lui ai adressé la parole pour la première fois. C'est quand j'ai compris que c'était réciproque que je me suis détendu, que j'ai vraiment laissé mes sentiments s'ouvrir au monde et à elle. Notre première discussion, notre premier contact, la première fois que j'ai pressé mes lèvres sur les siennes, notre première étreinte : tout ça remonte comme une tempête et me serre le cœur à en mourir. Je n'ai jamais autant aimé de toute ma vie, je n'ai jamais autant eu mal. Elle m'a arraché mon cœur et l'a réduit en charpie, le jetant au feu pour ne remettre dans ma poitrine qu'un morceau de charbon, incapable d'aimer à nouveau. Elle a coupé les ficelles de mes sentiments avec ses mots tranchants. 

     Alors ce soir, je pleure et laisse la peine m'envahir, je n'ai pas envie de me battre : pas maintenant. Ce soir j'éteins ma lumière en sachant que j'ai perdu celle que j'aime, je n'arriverai pas à lui pardonner ce qu'elle a fait et je doute qu'elle veuille s'excuser, je ne me laisserai plus avoir, je ne veux plus jamais revivre ça. Tout ce que je veux à présent c'est me concentrer sur le rap et remplir des salles avec mon frère : me tourner à nouveau vers mes rêves dont elle faisant partie il y a encore quelques jours. Je veux profiter de ma vie avant qu'on me l'arrache, qui sait de quoi demain est fait ? Je ne veux pas me retourner pour constater et regretter ce que j'ai laissé derrière moi, le destin m'a poussé en avant menaçant de me faire trébucher. Elle m'a fait tomber mais je parviendrai à me relever. Pour l'instant je sais juste que je l'ai perdu pour toujours.... et j'ai mal.  

Un dernier départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant