Chapitre 19 (Louise)

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     Allongée dans le hamac à l'ombre, je lis un livre bercée par le bruit des feuilles et le chant des oiseaux. Je savoure la sensation de l'air frais sur mes bras nus et le soleil qui caresse ma peau ; je me sens bien ici. J'ai décidé de passer le weekend chez mes parents qui habitent à une heure de Toulouse, les voir me fait du bien, j'ai l'impression de redevenir l'enfant que j'étais : dans cette grande maison en pierre qu'a hérité ma mère lorsque ma grand-mère nous a quitté. Je me souviens de toutes mes vacances ici étant petite : l'hiver avec Marc nous prenions nos luges et allions en faire dans le champs d'à côté, on en revenait frigorifiés et notre grand-mère nous préparait deux tasses de chocolat chaud puis nous nous installions devant la cheminée et elle nous racontait ses voyages durant sa jeunesse. Durant l'été, nous passions nos journées à ramasser les framboises et les fraises au fond du jardin, on allait jouer dans la paille de la grange. On s'inventait des mondes entiers dans cette grange, ils étaient peuplés de créatures fantastiques et l'on jouait comme ça durant des heures avant de déguster les biscuits à la confiture que nous préparait notre grand-mère. C'est pourquoi j'aime cette maison ; chacune des pierres qui la compose porte un souvenir de mes séjours ici, c'est le lieu où je n'ai jamais autant ri, pleuré, couru, joué. 

     Lorsque ma grand-mère est morte, je n'y suis pas retourné pendant quelques temps. Pour moi cette maison devenait magique que lorsqu'elle y était, sans elle, la maison devenait triste et maussade, la battisse ne me renvoyait qu'un seul mot : maladie. Quand ils ont appris la nouvelle, la première chose que mes parents nous ont dit à Marc et moi : c'est que l'obscurité avait gagné et qu'elle était allée rejoindre notre grand-père. Nous avions tout de suite compris. Dans toutes les histoires qu'elle nous racontait étant petits, l'obscurité était là, grandissante et cruelle. Mais elle nous disait toujours qu'il n'y a pas de lumière sans obscurité et vice versa. C'était une femme exceptionnelle. C'est bien des années plus tard que j'ai appris qu'elle était en fait morte d'une longue maladie qui l'a fatiguée tout au long de sa vie. Pourtant elle a continué de sourire jusqu'au bout pour nous. 

     Je pose mon livre sur ma poitrine et respire longuement en regardant les feuilles ondulées sous le vent. Je me relève soudain en entendant mon prénom, je retire mes lunettes de soleil et vois ma mère dans l'encadrement de la baie vitrée. 

- J'arrive ! m'exclamé-je en m'extirpant du hamac 

     Je la rejoins en trottinant et elle me tend mon téléphone qui sonne. 

- Je ne sais pas qui c'est, dit-elle en me le donnant 

     Je regarde le numéro en fronçant les sourcils et décroche. Ma mère retourne dans la maison et je m'assoie sur une des chaises de jardin. 

- Allô ? dis-je 

- Allô bonjour, êtes-vous bien Mlle Travis ? répond une voix masculine 

- Euh oui c'est moi, c'est pour quoi ? 

- Je me présente, je m'appelle Yves Garcin, je suis le directeur du service du secrétariat de l'école d'hôtellerie de Jean Drouant, je vous appelle suite au dossier que vous nous avez envoyé.

     Je bloque durant quelques instants à court de mots. "L'école de Paris ? Mais c'est impossible ?!" J'avais envoyé mon dossier pour tenter ma chance et n'espérais pas trop de réponses, mais je me suis peut être trompée. 

- Euh oui, mon dossier, je vous l'ai envoyé, je m'en souviens oui, dis-je un peu perdue 

- Oui, nous l'avons lu et nous serions très heureux de vous offrir une place dans notre école, dit-il 

      Cette fois je me lève en sursaut, réprimant un cri de surprise. "Une place ! Ils m'offrent une place. J'ai peut être une chance de réussir à Paris !" Je plaque ma main sur mon front et entends l'homme s'impatienter. 

Un dernier départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant