Un dernier départ

Chapitre 13 (Samia)

Assise sur un tabouret près du bar, je me dévisse le cou à essayer d'apercevoir Louise dans la foule. Voilà dix bonnes minutes qu'elle m'a dit qu'elle arriverai mais toujours aucune trace d'elle. J'ai enfin réussi à la convaincre de sortir de chez elle après une semaine sans sortir, elle en a clairement besoin. Je n'ai pas ce qu'il s'est passé ces derniers jours mais les photos recollées après avoir été déchirées sur son mur laissent voir au grand jour la situation dans laquelle mon amie se trouve. Soudain par dessus le brouhaha de paroles, de rires et de musique j'arrive à entendre mon nom dans la foule. Louise apparaît, un sourire aux lèvres, vêtue d'une robe bleu nuit qui brille sous les projecteurs de la boite, elle s'est maquillé, chose qu'elle ne faisait plus depuis un moment. Je crois presque revoir la Louise d'antan, celle qui était heureuse avant que sa joie ne parte en fumée ces trois derniers mois. Elle s'assoit à côté de moi et pose sa pochette sur le bar :

- Salut ma belle comment tu vas ? demande-t-elle toute sourire

- Euh, ça va et toi ?

- Super ! Tu as déjà commandé ? Je meurs de soif...

Je fronce les sourcils et reste suspicieuse ; Louise est bien trop enjouée et souriante. Je devrai au contraire m'en réjouir mais étant habituée à la voir triste et morose depuis ces derniers mois que ça joie de vivre ne me paraît pas sincère.

- Non, je t'attendais, répondis-je

Elle se tourne alors vers le barman et lui crie la commande par dessus le bruit de la musique.

- Deux cocktails s'il vous plaît et oh ! Un shooter également.

Elle se retourner vers moi et fronce les sourcils en voyant mes yeux écarquillés.

- Quoi ? demande-t-elle

- Depuis quand tu prends des shooters toi ? Tu sais ce qui s'est passé en boite la dernière fois que tu as autant bu...

- Depuis que j'ai décidé de vivre ma vie comme je l'entend et de m'amuser tant que je le peux. Et je me souviens de cet épisode désagréable, merci de me le rappeler Samia, répond-t-elle sarcastique

Au même moment, le barman nous tend nos deux cocktails aux couleurs vives et dépose le shooter devant Louise. Mon amie se tourne vers moi son verre à la main et le lève :

- Trinquons !

Nos deux verres s'entrechoquent et tandis que j'avale une gorgée de mon verre, Louise avale cul-sec son shooter et le repose sur le bar. "Je ne la reconnais plus !"

- Ah ! Ça te dis d'aller danser ? me demande-t-elle de plus en plus enjouée

Je n'arrive qu'à bredouiller quelques paroles qui doit lui être inaudibles avec la musique et le bruit environnant, elle me fait poser mon verre et m'entraîne sur la piste. Nous commençons à danser toutes deux et je finis par me détendre et rire pleinement au bout du troisième morceau. La soirée se passe plutôt bien mais je surveille toute de même Louise qui ne cesse de reprendre des verres d'alcool. Je retourne m'asseoir au bar, essoufflée et trempée de sueur, continuant de siroter ma boisson. J'essaye de repérer Louise dans la foule mais impossible avec cette marée humaine et toutes ces lumières, alors j'abandonne et lui fait assez confiance pour qu'elle ne commette pas de bêtises.

Même si je suis contente qu'elle sorte enfin de sa tristesse dans laquelle elle s'est enfermée, je me doute qu'elle n'est pas totalement heureuse et que ses excès de joie ne sont pas totalement vrais. Son regard reste froid, triste et ses sourires qui lui dévorent la moitié du visage ne cachent en vérité qu'une peine profonde qu'elle s'efforce de dissimuler aux gens. Je la connais, vouloir protéger les autres et mentir en disant que tout va bien est dans sa nature. Elle attend Olivio comme au premier jour... Au fond j'ai surtout peur qu'elle perde les pédales, qu'à trop vouloir assurer qu'elle va bien, elle ne se rende même plus compte de ce qu'elle devient, j'ai peur que si ils venaient à se séparer, Louise tombe encore plus bas.

Soudain, la piste se vide un peu et je l'aperçois en train de discuter avec un garçon, elle rit et se rapproche de lui, presque collés l'un à l'autre. Je me lève et la rejoins. "Elle sait pourtant comment cela s'est fini la dernière fois..."

- Euh, Louise, on devrait y aller non ? Il commence à se faire tard...

Elle se tourne vers moi et s'arrête de rire.

- Oui, si tu veux, je te présente Gaël, Gaël voici ma meilleure amie Samia.

- Enchanté, répond celui-ci

Je ne lui rend qu'un grognement sans même tourner les yeux vers lui, je reste sur mes gardes.

- Bon Louise on y va ?

- Oui, calme-toi, répond-t-elle en riant

Je l'attrape par le bras et l'entraîne mais Gaël l'arrête soudain et lui tend un papier.

- Tiens, c'est mon numéro, si tu veux qu'on se revoit...

Je saisis à la volée le papier.

- Non ça ira, elle est déjà avec quelqu'un. Bonne soirée !

Je me faufile dans la foule tenant toujours Louise fermement par le bras qui me suit difficilement. Une fois sortie de la boite je le met fasse à moi et plante mon regard dans le sien, en colère.

- Mais enfin tu m'expliques ce que tu fabriquais ?!

- Samia, calme-toi, je ne faisais rien de mal enfin, se défend-t-elle

- Ah oui ! Vous vous draguiez ouvertement, je t'ai vu ! Louise je ne te comprends pas et tu as pensé à Olivio ?

Elle baisse les yeux et sa voix vrille soudain. Elle s'énerve elle aussi.

- Oui ! Depuis exactement 86 jours je ne cesse de penser à lui et tu voudrais quoi ? Que je reste dans ma dépression constamment ? Que je m'interdise de vivre parce qu'il est parti ?!

- Je te demande juste de ne pas faire de bêtise qui pourrait te faire encore plus de mal Louise, dis-je en me radoucissant

Elle relève la tête et ses yeux sont à présent imbibés de larmes. Elle essuie rageusement celles qui coulent le long des ses joues.

- Je ne suis pas une enfant, je peux me gérer toute seule ! J'ai le droit de boire et de m'amuser, j'ai le droit d'oublier Oli et sa tournée le temps d'une soirée ! Désolé de ne pas être aussi parfaite et patiente qu'il l'a été durant les six mois où j'étais à l'hôpital.

Sur ces mots elle part en direction de sa voiture d'un pas décidé. Je la laisse faire, rien ne sert de continuer à se disputer. Je la regarde se faire engloutir dans la nuit noire et murmure :

- Si tu savais Louise, il n'a as été aussi parfait que tu le crois...