Chapitre 56 (Marc)

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     Je n'ai pas encore ouvert la porte que j'entends déjà d'ici le son mélodieux d'un violoncelle, je souris en me disant que pour la première fois depuis deux semaines, l'appartement n'est pas silencieux quand je rentre du boulot. J'abaisse la poignée et rentre à pas feutrés, pour ne pas perturber l'équilibre délicat qui flotte dans l'air, je pose mon sac dans un coin de l'entrée et retire mes chaussures pour les envoyer valser avec le sac, je marche jusqu'à la chambre entrouverte sur la pointe des pieds et m'arrête devant la porte qui laisse filtrer un filet de musique classique que je n'entends pas pour la première fois, j'approche la tête vers l'entrebâillement de la porte et observe Éva assise sur son tabouret, le violoncelle contre son torse, les yeux fermés et l'archet en main. Un pli s'est formé entre ses sourcils, témoin de sa concentration, un léger sourire orne ses lèvres et le soleil vient illuminer sa peau sombre qui semble scintiller. 

     Je m'émerveille encore une fois de cette femme qui est la mienne, qui porte mon enfant : qu'il soit réellement le mien ou non, cela n'a plus d'importance car l'amour que je lui porte n'en serait pas moins puissant si je n'étais pas le père. Nous sommes une famille et elle restera comme telle, je ne compte pas en parler à qui que ce soit d'autre, ni à ma sœur, ni à mes parents, ils ne sont pas obligés de savoir. La seule vérité dont ils aient besoin c'est de me savoir heureux auprès d'Éva et que je suis prêt à assumer mes rôle de père. Beaucoup s'étonnent de savoir que nous serons bientôt parents malgré notre jeune âge, un enfant n'est pas la forcement priorité quand on a vingt et vingt deux ans, pourtant pas une seule seconde nous avons hésité pour le garder, ce n'était pas prévu mais cela ne voulait pas non plus dire que c'était impensable. Même si mon emploi et celui d'Éva sont stables, je travaille d'arrache pied pour espérer avoir une augmentation, pour pouvoir accueillir ma fille dans les meilleures condition possibles. 

     Éva tourne la tête et me remarque, elle sourit et je rentre dans la pièce pour déposer un baiser sur sa tempe avant de me laisser tomber sur le lit. Elle pose son archet mais je me redresse en disant : 

- Non, joue encore un peu s'il te plais, pour moi, demandé-je comme un enfant. 

     Je la vois esquisser un sourire et elle reprend son archet, pour venir le poser délicatement sur les cordes, bientôt les premières notes de l'Hiver largo des "Quatre saisons" de Vivaldi emplit la pièce, je souris : elle sait que c'est ma préférée. Je ferme les yeux et laisse la douceur du violoncelle prendre part de mon âme, comme un vent délicat qui parcoure mon épiderme et vient hérisser ma peau de frissons, je plonge dans un univers froid mais doux, léger et éphémère comme un flocon : un univers d'hiver, je laisse mes pensées s'adoucir, elles étaient devenues mornes et lourdes depuis deux semaines, il n'y avait pas Éva pour les chasser, pour me rappeler que l'amour peut-être le remède aux plus grandes blessures intérieures. La musique s'arrête lentement, dans le bruissement du crin sur les cordes, je me redresse et vois que la jeune femme me regarde dans un sourire affectueux, elle range son instrument dans son étui et je tapote le matelas à côté de moi pour qu'elle vienne s'y installer, elle se réfugie au creux de mes bras, posant sa tête sur mon épaule. Le nez dans ses cheveux, je hume son parfum avant de soupirer, elle lève les yeux vers moi et fait parcourir son doigt sur les cernes qui bordent mes yeux. 

- Tu as besoin de te reposer, dit-elle 

- Non, murmuré-je, tout va bien, ne t'en fais pas. 

     Elle saisit lentement mon menton pour faire basculer ma tête dans sa direction et ancrer son regard vert au mien. 

- À quoi penses-tu ? 

     J'esquisse un sourire. "Éva se soucie toujours de savoir à quoi je pense." 

- Je pensais que notre fille serait une grande musicienne. Violoncelliste, pianiste ou même trompettiste. 

     Éva fronce le nez en souriant. 

- À choisir je préférerais que ma maison ne se transforme pas en fanfare mais, se sera elle qui décidera. 

      Je dépose une baiser sur son front et la serre contre moi, plaçant une main protectrice sur son ventre où elle y enlace nos doigts. 

- Elle fera ce qu'elle voudra, poursuit-elle, avocate, styliste, agricultrice ou même astronaute, l'important c'est qu'elle soit en bonne santé et heureuse.

- Oui, en bonne santé et heureuse, répété-je en souriant  

     Je hoche la tête et la serre encore un peu plus fort. Elle relève soudain la tête et joint ses lèvres aux miennes, d'abord timidement avant de se montrer un peu plus vorace, ses mains passent sous mon tee-shirt et me font frissonner, mon cœur bat à la chamade tandis que je prends sont visage en coupe pour l'attirer contre moi, elle enfouit sa tête dans mon cou et je parcours sa mâchoire de baiser jusqu'à son épaule. Ses mains se sont entreprenantes et mon tee-shirt passe au-dessus de ma tête, ma peau est brûlante, nos souffle haletants mais rien à ne ce moment n'est plus magique et intemporelle que la sensation de ses lèvres sur ma peau qui s'enflamme. Je mords sa lèvre et elle laisse échapper un gémissement, nous nous allongeons lentement, ne nous quittant pas des yeux, serrer l'un contre l'autre. Elle ferme les yeux mais j'arrête en saisissant son poignet. 

- Ouvres les yeux Éva. 

     Elle obtempère et je souris, plongeant dans ses prunelles allumées par une flamme brûlante dont je ne peux mesurer l'intensité, ses yeux verts qui m'ont tant déstabilisé par leur aura tranchante et vive : des yeux de félins. Je colle mon corps au sien et lui chuchote des mots doux, elle embrasse lentement la commissure de mes lèvres avant de se retourner pour coller son dos contre mon torse, je passe un bras au-dessus d'elle et serre son buste contre moi.   

Un dernier départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant