Chapitre 70 (Louise)

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    J'avale une gorgée de mon thé brûlant que je sens couler dans ma gorge et me réchauffer le corps en observant la brume matinale s'élever doucement dans les airs tandis que le ciel de ce vingt cinq décembre s'éclaircit. Tout est calme au-dehors, l'herbe est trempée par la rosée fraîche et j'entends au loin le bruit de rares oiseaux n'ayant pas migré dans les pays chauds, je m'enfonce un peu plus dans la couche épaisse de ma couverture en laine qui drape mes épaules et sens soudain un corps venir se coller tout doucement à moi, je laisse mon dos s'appuyer sur son torse tandis que son bras vient entourer ma taille dans un geste doux. 

- Tu n'as pas froid ? demande Hugo 

- Plus maintenant, répondis-je en soupirant de plaisir en sentant ses lèvres se poser sur mon crâne. 

- À quoi penses-tu ? 

    Sa nouvelle passion est de connaître mes songes, à chaque instant il plante ses iris ténébreux et profonds dans mes yeux si différents des siens et essaye de déchiffrer mon âme alors que je lui ai déjà offert tous mes secrets. J'essaye de me remémorer ce à quoi je pensais avant d'être agréablement interrompue. 

- À Paris, à l'école et à l'avenir. 

    Hugo soupire et se courbe pour poser sa tête sur mon épaule. 

- Tu es en vacances Louise, cesse de tourmenter avec cela. 

- Je ne me tourmente pas, expliqué-je, je discutais de ce que je voulais faire après l'école avec mon frère hier et une idée m'est restée en tête, bien qu'elle soit irréalisable pour l'instant. 

- Dis toujours. 

     J'éprouve soudain une honte d'avouer l'idée farfelue qui a traversé mon esprit et y est restée accrochée, je sens mes joues s'empourprer et Hugo doit sentir mon soudain malaise puisqu'il saisit lentement mes épaules et me fait tourner face à lui où je détourne le regard pour fixer mes chaussons. 

- Tu n'as pas à avoir honte Louise... 

- Tu promets de pas me prendre pour une folle ? demandé-je d'une petite voix 

    Il penche la tête sur le côté en faisant la moue. 

- Pour ça, c'est déjà trop tard. 

    Je lui assène un coup de poing innocent dans le bras en faisant mine d'être vexée ce qui le fait plus rire qu'autre chose. 

- Plus sérieusement, je voudrais ouvrir mon propre hôtel, avoir un bien qui m'appartient tu vois. 

    Il me regarde intensément et je sens à nouveau mes joues s'empourprer. "Il me prend pour une folle, c'est officiel." 

- C'est... irréalisable et absurde comme idée, oublie ça, dis-je en cachant ma tête contre son torse. 

   Ses doigts trouvent mon menton et me forcent à lever les yeux vers lui, son regard n'est ni moqueur ni choqué, mais empreint d'une douceur si grande que je sens mon bas-ventre se contracter violemment. 

- Ce n'est en aucun cas absurde Louise... ni irréalisable, pas pour toi. 

- Mais je n'ai pas d'argent ni de contacts et à mon âge c'est impossible d'avoir son propre hôtel, faut-il déjà que je réussisse les examens en mars. 

- Alors primo : tu vas les réussir ses examens, il n'y a aucun doute, deuzio ce n'est pas impossible parce que tu m'as moi. 

   Je fronce les sourcils et réponds : 

- Alors ne te méprends pas hein, tu sais l'amour que je te porte mais je ne vois pas en quoi t'avoir dans ma vie m'aidera à ouvrir mon propre hôtel, à moins que tu es une lampe de génie sous la main je vois pas. 

    Il tapote délicatement son poing sur mon crâne ce qui ne fait que m'enfoncer encore plus dans l'incompréhension. Il sourit, l'air fier comme s'il venait d'avoir une idée phénoménale. 

- Tu sais que mon père possède un hôtel à Paris, son propre hôtel, dit-il faisant remonter les souvenirs d'une ancienne conversation. 

- Oui.... mais encore ? Ton père a une lampe magique qui exauce les vœux ? demandé-je, moqueuse.  

    Il lève les yeux au ciel et pose ses mains sur mes épaules avant de prendre un ton grave. 

- Non, seulement qu'il n'a pas un mais plusieurs hôtels dans certaines grandes villes de France. Dont un ici. 

    Il me faut quelques instants pour enregistrer ces informations et mes yeux s'écarquillent. 

- Mais... mais pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ? C'est incroyable ! 

   Il se gratte la nuque et m'adresse une moue désolée. 

- Bah... je voulais pas passer pour un gars prétentieux et t'étaler la réussite de mes parents dans ce domaine. 

- C'est génial mais... je ne vois pas très bien en quoi cela m'aiderait à réaliser mon projet, si ce n'est que me motiver bien sûr. 

- Louise, réfléchis ! Il y a un hôtel à Toulouse qui appartient à mon père et je suis ton copain je te rappelle donc quand tu disais que tu n'avais pas contact bah... 

    J'ai l'impression que mon cœur s'arrête subitement avant de se mettre à battre dans un rythme démesuré tandis que je comprends où veut en venir Hugo. "Il n'est pas sérieux ?!" 

- Tu... tu rigoles !? C'est une blague, tu insinues que je.. qu'on... que tu pourrais, mon dieu ! 

    Il se met à rire face à la panique qui me gagne et m'empêche de m'exprimer correctement. 

- Je crois que ce que tu veux dire c'est : merci, tu vas en parler à ton père savoir s'il peut faire un geste.

- Mais Hugo, je ne peux pas accepter, toi tu vas reprendre celui de Paris, ton père ne me doit rien et je ne... c'est trop, pourquoi il accepterait ?! 

    Sans prévenir, ses lèvres se posent délicatement aux commissures des miennes, électrisant ma peau, puis sur mes joues et mon nez, sa voix vient susurrer à mon oreille, provoquant des frissons dans tout mon corps : 

- Parce que je t'aime. 

   L'entendre le murmurer provoque un feu d'artifice dans chacune de mes cellules, je reprends mon souffle comme si j'étais resté une éternité en apnée et ne sait quoi répondre face à ce déferlement de sentiments. 

- Ecoute, ça m'est égal où je vais reprendre l'hôtel, Paris était un choix par défaut, puis je t'ai rencontré et je sais que je suis prêt à te suivre jusqu'ici et à m'occuper de cet hôtel avec toi. Je suis sûr que mes parents seront d'accord, encore plus s'ils savent que cela à une importance particulière, je suis prêt à le faire. 

    Je déglutis péniblement et retiens les larmes de bonheur qui menacent d'inonder mes joues à cet instant. Je plante mes lèvres sur les siennes et essaye de lui transmettre par ce simple baiser toutes les choses que je n'arriverai pas à exprimer à voix haute. J'enfouis ma tête dans son cou et le serre contre moi. 

- Merci, tellement, murmuré-je 

- Joyeux Noël Louise. 

     Nous restons ainsi tandis que le soleil pointe le bout de son nez paisiblement, dans le jardin de la grande battisse de ma grand-mère, là où j'ai passé toutes mes vacances étant plus jeune, la nature s'éveille lentement tandis que les battements de mon cœur commencent à peine à s'apaiser après ce cadeau que m'offre Hugo, sûrement le plus beau qui soit. 

- Rentrons, dit-il, ce serait dommage de rater l'ouverture des cadeaux. 

    Je dépose un rapide baiser sur ses lèvres et il sourit contre ma bouche. 

- Je t'aime, soufflé-je à mon tour. 

Un dernier départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant