Chapitre 61 (Louise)

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    Voilà maintenant une semaine que Hugo m'évite. Il ne m'attend plus le matin à la sortie du RER, quand je tente de lui parler : il répond froidement ou trouve un prétexte pour s'enfuir, et Hugo n'est pas du genre à éviter les gens. Je me demande chaque jour ce que j'ai bien pu faire de mal pour mériter son indifférence, voir sa colère. J'en ai un peu discuté avec Samia quand j'ai pris de ses nouvelles hier, celle-ci a enfin accepté de voir un spécialiste et commence tout doucement à remonter la pente, même si la route est encore longue, je sais que je peux compter sur Cassandra pour l'y aider, je suis rassurée de savoir que ma meilleure n'est plus toute seule. Lorsque je lui ai expliqué ma situation avec Hugo, celle-ci m'a mis en garde sur la complexité de notre relation et le fait que ce genre de choses pouvait être dangereux, Samia a même laissé entendre qu'il était peut-être jaloux que j'apporte encore de l'importance à Olivio et qu'il serait donc amoureux. Je lui ai ri au nez lorsqu'elle me l'a dit, Hugo ne tombe pas amoureux, c'est impossible. 

     Malgré toutes mes protestations, cette idée a commencé à se greffer lentement à moi jusqu'à devenir obsessive toute la semaine. J'y réfléchis nuit et jour, j'en fais presque des insomnies tant les questions ne me délaissent pas, j'ai l'impression de ressentir des choses nouvelles, je remets en question tous nos souvenirs, tous ses gestes et ses mots : comme s'ils avaient une nouvelle signification, au-delà de l'amitié. "Ma perception est corrompue, je ne sais plus ce qui est vrai ou non, raah je te maudis Samia !", elle a percé la bulle de confiance que j'avais en la relation que je partage avec Hugo, tout était si simple, si doux : un ami, un confident et un intime. Je commence à souffrir de son absence et de son attitude joueuse, son sourire ravageur et ses moments rêveurs où il se déconnecte du monde extérieur, tout ça me manque. Hugo est le seul ami que j'ai à Paris et je suis bien décidée à comprendre pourquoi il m'évite. 

     Le lendemain, je me lève d'un pas motivé et décidé. Un rapide déjeuner, puis je m'enferme dans la salle de bain pour m'habiller, j'enfile une paire de collants opaques noirs avec une jupe en daim moutarde et une blouse blanche échancrée par-dessus laquelle j'accroche un sautoir doré que m'a offert ma mère pour mon anniversaire qui vient se loger au creux de ma poitrine. Je laisse mes cheveux retomber en cascade dans mon dos après les avoir brossés et décide de mettre un peu de blush pour colorer mon teint et un rapide coup de mascara, une fois prête, je jette un dernier coup d'œil à mon reflet et sors de la pièce pour récupérer mes affaires dans la chambre avant d'enfiler ma fidèle paire de Doc Martens montantes en cuir qui ne me quitte pas depuis le lycée.  Je ferme la porte à clef en veillant à ne pas réveiller Clara qui dort encore et dévale les escaliers de l'immeuble tout en mettant mes écouteurs pour lancer ma playlist. Sur le chemin, je me pose des tas de questions et imagine des scénarios, je me fais des idées sur la manière dont réagira Hugo quand je lui demanderai à lui parler, quand j'apprendrai ce qu'il me reproche. J'y pense durant tout le trajet et sens mon estomac se contracter à mesure que je me rapproche de l'école, arrivée devant je le cherche du regard mais ne l'aperçois nulle part, je dis bonjour à quelques personnes, questionne sur lui mais personne ne semble l'avoir vu. "Peut-être a-t-il séché ? Ce ne serait pas la première fois." Je rejoins ma salle de cours déçue, aujourd'hui j'étais prête à l'affronter, à savoir la raison de son éloignement mais le destin en a décidé autrement, malgré ma déception : je me promets de passer à son appart' après les cours, s'il ne vient pas à moi, je viendrais à lui. 

   C'est ainsi qu'à dix-sept heures, je marche d'un pas rapide jusqu'à son immeuble où je rentre, la boule au ventre, je monte les quatre étages et à chaque marche mon assurance descend en flèche, c'est presque d'un pas tremblant que j'arrive devant sa porte avec la soudaine envide de déguerpir aussitôt. Je sonne d'une main tremblante et attend, bien vite des bruits de pas sur le parquet se font entendre et se rapprochent de la porte sans que celle-ci ne s'ouvre, il a dû regarder dans l'œil de Juda et ne veut certainement pas m'ouvrir, alors je tente : 

Un dernier départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant