Chapitre 53 (Louise)

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      Les examens sont enfin là, c'est le premier jour et je crois n'avoir jamais ressenti une angoisse si grande, pourtant mon bac ne remonte pas à si longtemps que ça mais cela ne me fait pas la même chose. Ces examens, c'est ce qui me permettra de valider mon premier trimestre et donc de me rapprocher un peu plus de mes rêves, de me dire que je n'ai pas fais tout ça pour rien : que tout à un sens à présent, je n'ai plus de raisons de reculer. Je sors de ma chambre et rejoins rapidement la cuisine pour m'y préparer un petit déjeuner malgré la boule qui me serre les entrailles, je sens soudain me cœur fondre en constatant que Clara m'a préparé un vrai festin pour commencer cette dure journée : pain beurré, confitures, fruits, céréales, viennoiseries, jus de fruit et lait, tout ça accompagné d'une note de la propriétaire des lieux : "Bonne chance pour tes examens, bisous Clara ! PS: ne mange pas tous, j'en veux aussi !" Je souris en lisant ceci et m'assoie attrapant un bol pour me servir ce que mon estomac est en mesure d'avaler, c'est-à-dire pas grand chose, je me force tout de même à manger un croissant et une banane : histoire de me donner des forces. 

     Je mets mes affaires au lave-vaisselle et retourne dans ma chambre pour récupérer mon linge et filer à la salle de bain, je prends une douche pour essayer de détendre mes muscles tendus par le stress mais en vain : ceux-ci restent courbaturés. Je sèche ma peau en passant lentement ma serviette sur les zones de mon corps rongé par des plaques d'eczéma résultant du stress, je m'habille, attache mes cheveux qui commencent réellement à me gêner et termine par un coup de mascara sur mes cils et de blush sur mes joues : histoire de me donner bonne mine. Je me plante devant le miroir et respire longuement observant mon reflet, je regarde mon visage qui semble avoir bien changé en deux ans, j'ai la vague impression que mes traits se sont amincies : je fais plus femme, moins adolescente. Je me sens plus forte et plus sûre de moi, je sais que mes doutes et mes peurs sont à présent derrière moi, même si parfois, la nuit me ramène à des regrets et des remords, à des souvenirs que je préférerais ne pas revivre. Mon regard se porte instinctivement sur la cicatrice rosée qui parcoure mon crâne camouflée par mes cheveux blonds : elle me rappelle que j'ai survécu à une opération, que j'ai combattu chacune de mes amnésies, je ne suis pas restée prisonnière d'elles.  

       À cet instant, ma famille me manque. J'aimerais pouvoir serrer Samia contre moi : lui dire à quel point je l'aime et la protéger des démons qui doivent l'assaillir, je me rassure en me disant qu'elle n'est plus seule à présent, Cassandra est là pour elle. J'aimerais pouvoir parler durant des heures avec mon frère, le charrier sur son futur rôle de père, sur mon futur neveu ou nièce, boire un café avec Éva comme j'en avais l'habitude avant que tout ne change. Sentir la présence rassurante de mes parents, leur fierté et leur soutien, j'aimerais entendre la voix si apaisante de ma grand-mère, qui m'aurait souffler des paroles réconfortantes et aurait passé sa main ridée dans mes cheveux. 

      Je respire longuement et sors de la salle de bain pour récupérer mes affaires dans ma chambre, prendre ma veste malgré la chaleur qui doit faire dehors et sors en claquant la porte. C'est la tête dans mes pensées que je rejoins l'arrêt du RER qui m'emmène tous les matins à l'école, je branche mon casque et me cale contre la vite, évitant de toucher les bars métalliques remplies de bactéries. La musique qui défile et le vrombissement du wagon m'apaisent mais je sens quand même mes entrailles serrées et je sais que ce nœud ne disparaîtra que lorsque je sortirais de la salle de classe : c'est-à-dire dans plusieurs heures. Le trajet est trop court à mon goût et il faut déjà que je descende, il me reste cinq minutes de marche jusqu'à l'école mais mes pieds traînent sur le bitume, chaque pas me rapproche des examens et augmente donc mon angoisse. Finalement c'est la pression d'une main qui se pose soudainement entre mes omoplates qui me réveille d'un coup et me fait sursauter. Je me retourne face à visage hilare d'Hugo. 

- Tu m'as fait peur crétin ! 

- Bonjour à toi aussi, réplique-t-il en rigolant de plus belle, alors stressée ? 

     Je lui jette un regard mauvais et me remets en route, cette fois plus rapidement, il suit mon pas et passe un bras autour de mon cou, lui ne semble pas le moins du monde angoissé. 

- Ne commence pas à jouer avec mes nerfs, avertis-je 

- Du calme Louise, tu es hyper douée. Ces examens tu vas les réussir et tu sais pourquoi j'ai raison ? 

     Je m'arrête et hausse les sourcils l'air de dire : "vas-y dis-moi". 

- Parce que t'es une battante. 

     J'avoue esquisser un sourire mais lui donne tout de même un léger coup de coude dans le côtes histoire de lui montrer qu'il n'a pas totalement gagné. Il dépose un baiser sur ma tempe et nous arrivons devant le bâtiment où d'autres élèves sont déjà regroupés, tous dans un état d'excitation lié au stress. Nous discutons quelques instants avec d'autres élèves avant que les portes ne s'ouvrent, jetant sur l'assemblée un froid et un silence pesant, tous commencent à rentrer mais mes jambes se figent devant les escaliers. "Je n'y arriverai pas, c'est trop dur." Hugo remarque ma soudaine angoisse et devient sérieux, ce n'est plus le moment de plaisanter. Il saisit mes mains tremblantes et me dit : 

- Détends-toi, ça va bien se passer. Tu vas y arriver Louise, ces examens : c'est dans la poche, si tu pouvais tu ouvrirais déjà ton propre hôtel car tu es faite pour ça. Je crois en toi. 

     Je sens mes muscles se détendre grâce à l'effet que sa voix me procure. Je hoche la tête, déglutis péniblement et fais un premier pas, tirée par la main d'Hugo qui m'entraîne vers le bâtiment. Je reste muette, même si à cet instant j'aimerai lui hurler toute ma reconnaissance, sans ses paroles je n'aurais jamais bougé, je serais peut-être même parti en courant pour ne pas avoir à affronter ça. Pourtant je parcoure le hall et nous rejoignons la couloir de nos salles d'examens, pourtant c'est en serrant une dernière fois la main de Hugo que je rentre et m'assois à la première place qu'on m'indique. C'est en croisant son regard noir embrasé et rassurant que je me force à saisir mon stylo pour commencer l'épreuve. 

Un dernier départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant