Chapitre 71 (Florian)

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     Depuis que j'ai tout dit à mon frère au sujet d'Elena, le besoin de mettre fin à ce début d'histoire qui devient déjà toxique devient de plus en plus fort, nous avons échangé quelques messages assez froids, histoire de s'assurer que l'autre est toujours vivant sans oser couper les ponts totalement. Seulement aujourd'hui tout ça est fini, il faut détruire les toiles d'illusions que nous avons essayé tant bien que mal d'ériger pour croire que c'était encore possible, on ne s'aime pas l'un et l'autre, ce sont plus les souvenirs des adolescents que nous étions il y a trois ans qui n'ont pas totalement disparu, c'était juste l'envie de terminer quelque chose achever trop vite à notre goût, clore un chapitre lu dans les grandes lignes. Maintenant, je connais le texte par cœur et je sais comment doit terminer l'histoire, comme planter le point final et je veux le faire avant qu'une nouvelle année commence, avant que des faux espoirs germent dans nos esprits à tous les deux et fanent douloureusement. 

     Alors après une journée en studio, c'est d'un pas lourd que je me rends jusqu'à son appartement et sonne à la porte, malgré mon choix et ma détermination, j'ai l'impression que mes muscles ont été remplacés par du plomb, chaque geste est pesant et éreintant et je sais que les mots qui vont très bientôt sortir de ma bouche grifferont chaque centimètre carré de ma gorge comme des oursins. La porte d'entrée s'ouvre et je sens mes entrailles se tordent quand mon regard percute le visage d'Elena qui se peint d'une lueur surprise lorsqu'elle me vit, "Cela va être plus dur que je ne le pensais." Je ne peux pas me voiler à la face : je la désire et la désirerai sûrement toujours mais cela doit s'arrêter. 

- Florian. 

- Salut, je... il faut qu'on parle, dis-je d'un ton direct. 

- Je crois que nous n'avons pas le choix effectivement, lâche-t-elle en me laissant entrer. 

    Je sens dans le ton de sa voix qu'elle a compris la raison de ma venue et semble plutôt d'accord avec moi, c'est la seule solution, il faut arracher le pansement d'un coup sec et arrêter d'ouvrir les cicatrices. 

    Elle m'invite à m'asseoir mais je reste planter dans le hall en enfonçant mes mains au fond des poches de mon jean, elle me regarde mais c'est comme si j'étais transparent, ses yeux paraissent vitreux, préparés à l'inévitable. 

- On ne peut pas continuer comme ça, lâché-je

    Elle soupire et hoche la tête avant de croiser les bras sur sa poitrine. 

- Comme il y a trois ans, pas vrai ? dit-elle 

- Non, dis-je en secouant la tête, ce n'est pas comme la dernière fois Elena. Cette fois-ci c'est pour de vrai, nous n'avons plus l'excuse de nos projets divergents, nous sommes adultes. 

- Oui, je comprends. Florian je regrette ce que je t'ai dit la dernière fois, tu n'es pas un connard, tu es un mec bien, vraiment. 

   Je souris faiblement à ces paroles tandis que les souvenirs remontent comme des bulles à la surface d'un océan immense. Tout revient en flash, la première fois que je me suis assis à côté d'elle à la fac, quand nous avons échangé notre premier message, notre premier baiser, nos premiers mots maladroits, les sensations si vives et percutantes. 

- Merci, tu sais je te mentirais si je disais que j'aurais voulu que cela se passe autrement, parce qu'en fin de compte je ne regrette pas tout ce que nous avons vécu, de t'avoir revu à New-York, ni tout ce qui s'est passé. J'ai grandi à tes côtés Elena. 

   Elle sourit timidement à son tour et déplace son poids sur son autre jambe gardant ses distances avec moi, je fais de même : comme si nous avions peur de faire à nouveau une erreur. 

- Alors c'est réellement fini cette fois-ci, je ne te croiserai plus qu'à la télé l'artiste, dit-elle dans un sourire 

    Qu'Elena face référence à ma carrière me surprend, nous avons toujours été silencieux sur ce côté-là, la potentielle célébrité que cela pourrait entraîner, nous n'aurons jamais à faire attention à cela à présent. 

- Oui et toi je verrais ton nom dans les légendes des grandes photographies des stars, tu as du talent Elena. 

- Toi aussi... 

    Et le silence reprend le dessus, nous nous regardons, attendant que l'autre amorce son départ, vienne le point d'encre sur le papier. 

- Bon et bien, je crois qu'il est temps, lancé-je 

    Elle hoche la tête et m'ouvre la porte d'entrée dans un geste lâche, les quelques pas qui me séparent de la sortie me paraissent irréalisables, comme si j'avais du plomb dans les chaussures. Avant de franchir le seuil je me tourne et viens déposer lentement mes lèvres sur sa joue avant de lui adresser un dernier sourire et de partir, au moment où elle a refermé la porte je jurerai avoir vu l'éclat d'une larme rouler sur sa joue et cette vision suffit à me serre le cœur. J'ai l'impression de retenir ma respiration tout le trajet de l'ascenseur jusqu'à ma voiture, le trajet me parût encore plus court et c'est presque si la voiture n'a pas conduit toute seule. En rentrant chez moi, je m'avachis dans le canapé et jette le plaid loin de moi pour éloigner le parfum d'Elena qui s'en est imprégné, j'enfonce les mains dans les poches de mon blouson que je n'ai même pas pris le temps de retirer et devine les contours d'un petit bout de papier cartonné malmené par tous mes mouvements, je le sors pour savoir ce que s'est et je sens un nœud se former dans ma gorge en lisant les quelques mots écrits sur la carte de visite cornée et vieille, je pense que c'est ce bout de papier d'apparence insignifiante mais qui signifie en fait beaucoup qui fait couler quelques larmes sur mes joues que j'ai eu tant de mal à retenir jusque-là. Après les avoir essuyé rageusement, je me saisis de mon téléphone et clique sur le contact de la seule personne pouvant rentrer dans ma bulle à cet instant, dix minutes plus tard, j'ouvre la porte à mon frère, un sac en pastique d'où émanent des odeurs de nourriture dans la main. 

- Tu sais c'est pas la première fois, y'en a eu d'autres, y'en aura d'autres, chantonne-t-il, ce qui a le mérite de me faire sourire. 

Un dernier départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant