7

5.6K 168 13
                                    

Mathieu

"J'ai préféré lui rendre sa liberté, afin qu'il puisse se concentrer exclusivement à ses projets. Je ne voulais pas être à l'origine de ses préoccupations. Si j'étais restée sur Paris, il aurait été tenté et j'aurais de nouveau succombé "

"J'ai préféré partir pour lui donner la possibilité de le voir à nouveau s'épanouir dans un de ses projets."

Je repensais soudainement aux paroles qu'avait échangé l'autre jour Lenna à sa grand-mère. Je me sentais mal et pitoyable. Pitoyable de voir qu'elle pensait ça.

Elle m'avait mis une véritable droite, j'avais du mal à m'en remettre.

Pour la première fois depuis son départ, j'avais pris conscience de la cause de notre séparation.

Elle s'était montrée très vague lorsqu'elle avait décidé de mettre un terme à nous deux. Je n'avais pas vraiment cherché à en savoir davantage, ni à lui demander des explications.
J'avais simplement acquiescé et encaissé sa décision.

Je n'avais même pas cherché à la retenir, je l'avais laissé s'en aller en pensant que ça lui aurait été bénéfique. Qu'une fois partie, elle serait revenue sur sa décision et qu'elle aurait rebroussée chemin en cours mais ce ne fut jamais le cas.

Son retour ne nous était pas destiné. Il ne m'était pas destiné. Ça m'a explosé, droit dans ma fierté.

J'étais la cause principale de son départ, elle avait été clair là-dessus.

Et le plus drôle dans tout ça, c'est qu'elle était partie pour me permettre d'avancer dans mes projets mais la seule chose qui à ce jour a réussi à avancer se sont mes pieds. Je n'ai pas sortie un seul projet depuis qu'elle est partie. J'écris des centaines de textes, je compose à tout va pour au final envoyer tout au même endroit, à la corbeille.

Je suis un éternel insatisfait. Je trouve toujours quelque chose à redire, à réécrire, à modifier, à supprimer mais jamais à valider.

Les gars me donnent la force et la volonté d'avancer mais la vérité c'est que j'en ressens pas forcément le besoin ni l'envie.

J'avais promis à mon public une dinguerie au final j'ai tout laissé sans suite.

Les followers se font moins présents et les follows sont moins nombreux qu'auparavant. Le chiffrage baisse considérablement et le salaire est vachement moins exorbitant.

Je viens de poser le bilan. Son départ a vraiment tout défalquer. Dans le côté professionnel et dans le côté personnel.

Je suis pas épanoui. Mes textes sont vides et les mots sont infondés. J'ai l'impression de tourner en rond dans mes écrits, l'impression que chaque vers se ressemble et que chacun des sons que je compose est une pâle copie des précédents.

Je n'ai plus rien à donner ni à faire partager. C'est la panne sèche.

C'est pour cette raison que j'ai fait venir Antoine, mon manager. Qui n'est autre que mon pilier dans mon ascension fulgurante.

Il jauge du regard certaines copies avant de lâcher un long soupire.

-C'est pas gagner, polak. Va falloir s'y remettre.

Je me mets à ricaner.

-Tes textes sont pas profond, c'est trop superficiel. Je te connaissais plus perfectionniste que ça.

-Flav' j'suis en panne sèche, faut qu'tu m'aides.

-Toi en panne ? Tu plaisantes j'espère ? Ça doit faire le centième son que tu jette à la poubelle et tu me parles de panne ? Non, non non t'es juste insatisfait de ton travail. Tu t'imposes trop de limites.

-J'ai pas envie de sortir des sons qui ne me correspondent pas. J'cherche pas à faire des hits machine, je veux juste sortir des sons qui me ressemble. Je vais pas défendre un titre que je n'affectionne pas.

-Ça fait sept mois que tu bosses sur ce projet, rappelle-moi combien de sons tu as mis de côté pour la mixtape ?

-Zéro.

-Pardon tu peux répéter j'ai pas bien entendu. Il fait mine de ne pas avoir compris.

-Aucun !

-C'est bien ce que je dis, tu es un intemporel branleur. Sept mois polak ! Y en a qui t'aurai viré pour moins que ça. Tu te rends pas compte de la chance que tu as, tu as tout à porté de main. Je ne vois pas où est le problème.

-Même moi j'trouve pas réponse à la question.

-Est-ce que c'est le retour de ma nièce qui te mets dans des états pareil ? Se risque-t-il à me demander.

-J'sais pas.

-Clarifie la situation, une fois que ça sera fait peut-être que ta satisfaction reviendra au galop.

-Quelle situation ? Quelle clarification ?

-Me prends pas pour un con, je vois bien que ça te remues. Vous en êtes venus à avoir cette conversation ?

-J'ai pas envie de la déranger avec ça. Je veux pas l'importuner alors qu'elle est pas dans un bon mood.

-Eh polak si on suit ton raisonnement, ça ne sera jamais le bon moment. J'vois très bien que t'en as besoin, t'as besoin d'avoir réponse à tes questions. Ce qui arrive à mon neveu ne doit aucunement empiéter sur le reste. Ne mélange pas tout, ma nièce est en âge de faire la part des choses. Prends tes cojones et vas la voir. Ayez cette discussion, posez vous les bonnes questions et remettez tout dans leur contexte. De toute façon qu'est-ce que vous avez à perdre ?

C'est vrai il n'a pas tort. Au final qu'est-ce qu'on a à perdre ? Rien, vu que nous ne sommes plus rien.

-T'as peur de te manger quoi, un vent ? C'est pas comme si elle t'en avais jamais mis.

Elle m'a souvent mis des bâtons dans les roues, ça a toujours été dans sa nature.

-C'est pas comme si elle allait de nouveau te plaquer. Me pique-t-il.

-T'es vraiment un enculé.

-Je sais, mais en attendant l'enculé il est prêt à t'aider. Alors lève ton cul de cette chaise et vas lui parler.

Je le remercie chaleureusement. Ce mec a toujours eu le bon mot. C'est une figure paternelle pour moi, il toujours su me remettre dans le droit chemin. C'est en partie grâce à lui si je réussi à garder les pieds sur terre.

All i ever need / PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant