All i ever need / PLK

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Mathieu

Je venais de traverser la France entière avec pour seule ambition de recueillir la bénédiction de ses grands-parents à défaut d'avoir celui de ses parents...

J'avais menti à demi-mot à Lenna en lui disant que j'avais des rendez-vous professionnels dans le sud de la France et qu'il était préférable qu'en vue de l'accouchement éminent de sa cousine qu'elle reste auprès d'elle.

J'avais bel et bien rendez-vous pour la promo de mon dernier projet mais j'avais également prévu de rendre visite à ses grands-parents. Si je ne pouvais avoir l'accord de son frère et de son père je me devais d'avoir au moins celui des plus anciens.

Au volant de ma voiture, j'avais laissé  le véhicule de location pour le restant de l'équipe qui allait m'encadrer pendant ce déplacement promotionnel.

À peine étions nous arrivés, que les interviews et les apparitions à la radio c'étaient enchaînés. J'étais exténué de part ces rendez-vous mais également par les heures de conduite que j'avais dans les jambes. Je gardais néanmoins en tête mon objectif premier.

Je laissais passer la première journée, préférant revoir le discours que j'allais tenir le lendemain devant ses proches.

Je vidais ma tête de toutes pensées futiles et m'enfermais dans un monde parallèle. Adossé contre le lit à même le sol, j'écrivais des brides de mon discours sur des bouts de papiers. Comment allais-je convaincre ses grands-parents avec de simples mots ? Comment résumer ma vie amoureuse en quelques lignes ? Comment leur prouver que je donnerais ma vie entière pour leur petite-fille ?

Une nuit blanche a rayé des mots ainsi que des lignes sur ces fichus prospectus de l'hôtel qui m'avait été donné peu de temps après mon arrivée. Le lendemain, re belote. J'avais enchainé promotion, interview, shooting photo. En revanche, j'étais nettement moins à l'aise et beaucoup plus sur la défensive depuis que Flav nous avait rejoint. Et sa présence n'arrangeait en rien la situation.

Je m'étais permis une pause de dix minutes histoire de souffler un peu et de faire une nouvelle fois le vide autour de moi.

Avant de venir ici, j'étais confiant mais savoir que son oncle était là me rendait nettement défaillant. Mon courage s'était dissipé au simple regard qu'il m'avait lancé en me rejoignant dans la cours de l'immeuble où je me trouvais.

-C'est la promo qui te rends aussi nerveux ?

Je soupire quelques secondes avant de relever la tête en sa direction.

C'est maintenant ou jamais.

-J'essaye de faire de mon mieux. C'est juste que tout ça, ça prend une ampleur que j'aurais jamais pu m'imaginer quelques années en arrière. Petit à petit je commence à me faire une place parmi les grands et ma seule hantise n'est pas de décevoir le grand public mais de décevoir mes proches. Je ne veux pas finir dans un mauvais schéma, je ne veux pas ressembler à ces personnages qui se sont perdus dans leurs ascensions. Je veux pas paraître différent, je veux simplement être moi-même. Pouvoir agir comme bon me semble sans pouvoir me préoccuper des aprioris ni des mauvais discours que pourraient tenir les gens sur moi. Je voudrais rendre hommage à chacun de mes proches sans que ça en soit une monnaie d'échange pour du marketing. J'aimerais avoir cette capacité d'extrapoler ce monde avec celui que je suis. Je ne veux pas qu'on dise : " Oh c'est le petit rappeur de Clamart qui fait des hits ou le petit polonais de cité ". J'écris pas dans le but de me faire remarquer mais dans le but de me faire entendre à moi-même le fond de mes pensées. Et malgré ça j'arrive pas à trouver le fin mot de toutes ces heures d'acharnement, j'arrive pas à faire comme si j'étais comblé à cent pour-cent. Y a cet élément qui manque à cette complémentarité. J'aimerais pouvoir interpréter mes sentiments différents, être en capacité de pouvoir agir selon mes besoins, pouvoir agir sans me soucier des personnes autour.

-Un élément qui te manque ?

-Ça m'obsède du matin au soir, j'ai beau relater les faits je reste camper sur ce désir de vouloir me voir évoluer auprès de cette personne. Tu sais Flav' si j'avais pu le faire je n'aurais jamais jeté mon dévolu sur un membre de ta famille par besoin ethnique. J'ai du mal à admettre que tout ceci est entièrement de ma faute, si j'en suis là aujourd'hui c'est par mon manque de savoir. Parfois, je regrette d'être devenu ce personnage qui monopolise l'attention des autres plutôt que de monopoliser le regard d'une seule et même personne.

-Selon toi, si tu n'avais pas eu cette notoriété ça aurait été différent ?

-Probablement. Elle aurait peut-être pris une autre place dans ma vie, j'aurais peut-être pas eu ces mêmes regrets. J'aurais agi différemment et j'aurais peut-être donné une vision opposée à celle que j'ai aujourd'hui.

-Je vois bien qu'elle te rend heureux alors si c'est le cas pourquoi tu ne te sens pas épanoui ?

-J'aime Lenna d'une façon non aléatoire, je l'aime car c'est elle que j'ai choisie. Je ne veux pas faire de cette relation, un coup de tête. Je ne la veux pas que pour les bons moments, je la veux de façon constante. Je ne pensais pas un jour être en capacité de le dire mais si j'en suis là aujourd'hui c'est grâce à elle. Elle est ma source de motivation, c'est elle qui me pousse à me dévoiler, à me faire découvrir qui je suis. Elle est tout ce que j'ai toujours rêvé d'avoir. Elle m'apporte cette compassion et cet amour que j'avais tant besoin. Mais j'ai ce sentiment irréfutable de gâcher sa vie. D'être la cause de tous ses chagrins, d'être la conséquence d'une situation indélicate auprès de ses proches. J'ai souvent douté de mes choix, de mes intentions. Je n'ai pas toujours eu de bonnes pensées et je n'ai pas souvent fait de bonnes actions. Mon coeur n'est pas pieux mais j'ai cette douceur qui m'enivre quand je suis en sa présence. L'impression qu'elle apaise cette noirceur qui grandit en moi comme si c'était le pansement de mes plaies.

-Lenna est un coeur docile, il suffit d'une présence pour la faire vaciller. Pourtant dieu sait qu'elle n'est pas facile à vivre, elle est solitaire. Elle fuit le bonheur dès que celui-ci se présente à elle. Elle s'est en quelque sorte habituée aux mauvaises nouvelles et elle s'est construite un " Bunkoeur ".

Je marque un temps d'arrêt avant de réaliser la comparaison qu'il vient de donner.

-Il m'aura fallu plusieurs mois avant de comprendre que ton son ne lui était pas destiné à elle mais t'étais dédiée. Tu as écrit son histoire sous la métaphore de ton personnage. Tu n'as jamais caché tes sentiments envers elle, c'est elle qui te repoussait par peur de s'adonner à une personne. Je te cache pas que j'ai ce remord permanent de ne pas avoir été assez présent pour elle. Encore aujourd'hui, j'ai du mal à accepter que ma propre sœur ait été un monstre avec ses propres enfants. Je n'ai pas souvent donné la chance à Lenna de se confier à moi, j'étais trop con pour le vouloir. Mais je suis forcé de constater qu'elle a su trouvé la bonne personne et que finalement ce rôle t'était peut-être destiné. J'ai très souvent douté de la dureté de votre relation à cause de son instabilité à se laisser aller. Je dois admettre que ça n'a pas dû être facile tous les jours d'aimer une personne qui passait le plus clair de son temps à te repousser. Et juste pour ça, j'ai de l'admiration pour toi. T'as jamais abandonné même après vos disputes, les quiproquos et tous vos aléas professionnels. T'es un bon mec, Mathieu. Je n'ai pas le rôle propre pour le dire mais sache que tu as ma bénédiction.

Mon bras flanche faisant tomber ma cigarette au sol. Il me faut quelques secondes pour assimiler la nouvelle.

-Ken m'en a vaguement parlé l'autre soir. Je t'avouerai qu'au début j'étais sceptique mais à quoi bon gâcher son temps loin d'une personne qui nous est chère. Et même si vous me semblez jeune, les derniers événements nous ont prouvé que la vie ne tient qu'à un fil. Si tu l'aimes vraiment alors fonce. Ne passe pas à côté de cette belle histoire.