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Lenna

-On ne naît pas mère, on le devient. Au fil du temps, on apprend à travailler et à agrémenter ce rôle. On veut toujours le meilleur pour son enfant, le meilleur pour son éducation, le meilleur pour son évolution. On en apprend chaque jour, à travers son développement. Être mère ce n'est pas toujours tout beau tout rose. Ce n'est pas se lever  tous les matins avec un grand sourire et se coucher tous les soirs en pleine forme, c'est aussi ça être parent. Certaines fois on oublie tous les aléas qu'engendre une grossesse comme les vergetures, les nausées matinales, les envies nocturnes, les envies pressantes, les sautes d'humeur, le changement de son corps, la prise de poids, la rétention d'eau, le diabète gestationnel pour certaines. Je ne te cache pas que j'ai détesté chacune de mes grossesses, j'ai détesté le changement de mon corps en commençant par la prise de poids. Bien que je n'ai jamais eu une taille de guêpe, j'ai souvent maudit ce don de la vie. J'ai souvent douté, partagé entre l'idée de mener à bien ses grossesses ou bien d'y mettre un terme. J'avais peur du regard que pouvez porter les gens sur moi vis-à-vis de mon jeune âge et de mon jeanfoutiste. Tomber enceinte inflige à la femme certaines restrictions comme l'interdiction de fumer et de boire de l'alcool, de renoncer à certaines activités physiques, à la restriction de prise de certains médicaments, la diminution de la caféine et de la théine, l'interdiction de consommer certains aliments. J'étais sportive, je buvais des litres de café par jour, je pouvais fumer jusqu'à deux paquets de cigarettes par jour et je m'autorisais un demi verre de rosé à chaque début de repas. Ce changement fut trop drastique pour la jeune adulte que j'étais, à tel point que je n'écoutais qu'à moitié les conseils des médecins. Je n'ai rencontré de problèmes ni à la première ni à la deuxième grossesse en revanche la troisième fut désastreuse. Mes mauvaises habitudes ont eu un énorme impact sur le développement du fœtus. Aujourd'hui encore je m'en veux, je regrette d'avoir agit de cette façon là. Je n'ai pensé qu'à mon plaisir personnel et j'en ai payé le prix fort. Parfois il m'arrive de me demander si ma mauvaise hygiène de vie n'est pas à l'origine de tes troubles alimentaires. J'ai tué mon dernier enfant et j'ai rendue l'avant dernier malade. Le rôle de mère ne m'était pas destiné, alors ne prends pas exemple sur moi. Je sais au fond de moi que tu sauras trouvé la bonne voie. Tu es entourée par de bonnes personnes et tu as toujours eu cet instinct maternel. Il n'y a qu'à voir la relation que tu entretiens avec la petite sœur de Mathieu.

-J'ai peut-être une relation fusionnelle avec elle mais rien ne prouve que je serais une bonne mère. J'ai toujours considéré Naélia comme ma petite sœur et non comme ma fille.

-Tu étais juste trop jeune pour t'en rendre compte. Et tu as ces gestes d'affection qui ne trompe pas, depuis que nous sommes arrivés tu n'as de cesse de regarder ton ventre tout en le caressant.

-C'est uniquement pour calmer mes nausées.

-Et Mathieu, est-ce qu'il se réjouit à l'idée de devenir papa ?

Un silence d'aplomb s'installe.

-Il doit d'ores et déjà en être gaga.

L'inquiétude me fait faux bon pour laisser place à la honte. Et mon silence ne tarde pas à faire réagir ma mère.

-Attends ne me dit pas que tu ne lui as toujours pas dit...Bon sang Lenna mais tu vas rentrer dans ton quatrième mois de grossesse. Ton ventre commence déjà à s'arrondir et tes formes sont nettement plus pulpeuses. Il ne s'est rendu compte de rien ?

-Je camoufle mon ventre en superposant plusieurs couches de vêtements et je m'enferme dans la salle de bain pour prendre ma douche ou pour me changer.

-Et comment arrives-tu à dissimuler les symptômes ?

-Son travail occupe une grande partie de ses journées, il ne se rend compte de rien. J'essaye de minimiser les crises devant lui.

-Mise à part toi, qui d'autre est au courant pour cette grossesse ?

-Uniquement Shelby et son copain Ken.

-Donc tu as prévenu ta cousine mais pas le père de ton enfant ? Lenna...

-C'est elle qui m'a mis le doute. J'ignorais tous les symptômes ou du moins une partie de moi ne voulait pas les voir alors que d'après elle ça se voyait comme le nez au milieu du visage. Elle m'a incité à faire un test de grossesse qui s'est avéré être positif en seulement quelques secondes. Même après la prise de sang, les rendez-vous avec le gynécologue j'y croyais pas. Ça fait tout juste une semaine que je prends conscience que je suis bel et bien enceinte. J'ai si peur que je m'efforce à ne pas dévoiler le secret à Mathieu.

-Mais de quoi as-tu si peur ? Tu es heureuse avec Mathieu ?

-Oui il me rend heureuse mais ce bébé n'est pas un enfant désiré. Je l'ai toujours entendu dire qu'il ne voulait pas d'enfants et encore moins avoir la bague au doigt. Son travail ne lui permet pas de désirer de tels projets. Je ne veux pas être la personne qui gâchera ses rêves et ses ambitions.

-Peut-être bien mais il se doit de connaître la vérité. Il a autant le droit de savoir que toi. Je crois plutôt que tu as peur d'avoir le mauvais rôle et de ne pas être en mesure d'offrir à cet enfant un schéma différent de celui que tu as connu, c'est assez compréhensif en vu de l'environnement bancal dans lequel nous vous avons éduqués votre père et moi. Mais tu ne dois pas prendre exemple sur ton passé ni sur notre relation, tu dois créer ta propre vision de la vie. Au contraire, ton passé devrait te conforter dans l'envie de vouloir mieux faire.

-Quand je vois dans quel monde nous vivons, je me dis que ça serait presque égoïste de mettre au monde un enfant. Je ne me vois pas inculquer à mon enfant des bonnes pensées alors que dehors, ce monde est cruel. Entre les divisions politiciennes, les crises sanitaires, le risque d'attentats, le chao planétaire, l'épuisement des ressources renouvelables, le réchauffement climatique, la déforestation, la famine et la pauvreté dans le monde, les injustices, les inégalités, les violences policières, le taux élevé de meurtre, la montée en flèche du racisme, l'agissement déconcertant de certains individus. Parfois je me dis que ne plus donner naissance permettrait d'éradiquer la pire race au monde, l'être humain. J'ai peur de ne pas être en mesure d'offrir à mon enfant une vie saine.

-Tu n'aurais pas autant peur si tu en avais parlé à Mathieu, ensemble vous auriez sans doute pris les bonnes décisions. Il aurait su te rassurer des les premières semaines de vie de ce fœtus. Alors promets-moi de lui en parler au plus vite car tôt ou tard il finira bien par le savoir.

Je ne sais pas où j'avais la tête ni à quoi je pensais en prenant la décision d'agir ainsi. Mathieu se doit d'apprendre la vérité car d'ici peu, je ne serais plus en mesure de cacher ce secret.

Je me dois de trouver les bons mots même si cela doit me coûter le prix fort.

All i ever need / PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant