Lenna
"Tu sais, pour toujours , c'est un temps très très long. Et le temps a une façon bien à lui de changer les choses..."
Tout est devenu des plus noir autour de moi. Le mur, le plafond, les meubles et même mes pensées. Je n'arrive pas à enlever cette idée de ma tête. Le sol se dérobe sous mes pieds.
J'ai l'impression d'être un virus qui se propage, l'impression d'infecter chaque personne qui me touche le coeur. Une première, une deuxième, une troisième, encore, et encore... Des problèmes d'insomnies, des problèmes de coeur, des problèmes de poumons. J'ai cette sensation de noircir la santé de chaque être qui s'approche de mes sentiments.
L'annonce que viennent de me faire mes grands-parents me déchire de l'intérieur. J'ai le coeur en miette. L'impression de suffoquer et de manquer d'air. Je suis anéantie, comme si le destin avait décidé de s'acharner sur moi.
Elle va me quitter.
-Lenna je ne suis pas éternelle. Nous devons tous un jour ou l'autre s'en aller. J'ai fait mon temps. J'ai épousée l'homme que j'aimais, ensemble nous avons eu de merveilleux enfants, qui par la suite m'ont confié nos merveilleux petits-enfants. J'ai pu transmettre tout mon savoir vivre et toute ma richesse à travers vous. J'ai connu des jours heureux, j'ai menée une belle vie aux côtés de ton grand-père. Soixante ans de ma vie aux côtés de l'homme que j'aime, soixante merveilleuses années où j'ai appris à vivre et à savourer chaque instants que la vie avait à me donner. Je ne suis plus toute jeune, il est temps pour moi de m'en aller. Je vais sur ma soixante dix-huitième année.
Ils gardent tous trois le sourire malgré l'annonce qu'ils viennent de me faire ce qui me démoralise davantage. J'aimerais avoir cette force, leur force, avoir le courage de garder le sourire malgré la peine que cela va engendrer. Soixante ans de mariage, des centaines de disputes à leur actifs mais aucune séparation, aucune infidélité, aucune incivilité. Mes grands-parents n'ont jamais été séparés plus d'une journée et voilà que le destin a décidé de les séparer à tout jamais.
Je ne peux émettre aucun mots sur ce que je ressens à cet instant précis.
Je vais perdre la femme de ma vie. La seule femme à m'avoir réellement aimée quand ma propre mère n'en était point capable. La seule à m'avoir transmis les vraies valeurs d'une femme, celle qui m'a écouté quand je n'avais qui d'autre à qui me confier, celle qui m'a permise de grandir et de devenir la jeune femme que je suis.
Celle à qui je vouerais ma vie entière pour la garder à mes côtés. Ma mamie n'est pas vieille, elle vit simplement dans un corps qui a bien vécu. Je ne peux laisser partir cette femme au caractère bien trempé avec un cœur aussi pieux que le sien.
Si elle part, elle va laisser un grand vide. Elle va quitter papy et elle va me laisser. Je suis anéantie.
J'ai l'impression qu'elle n'a pas peur de la suite. Qu'elle est prête à partir. Que mon grand-père est prêt à la laisser partir. Mon père s'y est préparé. Et moi je suis pétrifiée à l'idée de ne plus jamais la revoir.
Peur de ne plus la voir sourire, peur de ne plus l'entendre critiquer les différentes politiques, peur de ne plus entendre ses éclats de rire, peur de ne plus écouter ses folles aventures aux côtés de mon papy, peur de ne plus goûter ses délicieux gâteaux, peur de ne plus recevoir ses soins en cas de besoin, peur de ne plus entendre le timbre de sa voix, peur de plus pouvoir la serrer dans mes bras. J'ai peur d'oublier son visage. Je ne veux pas la voir devenir un ancien souvenir.
Elle emplie mes journées de joies, elle m'aide à aller de l'avant, elle me soutien dans ma prise de poids, elle m'ouvre grand ses bras à chaque fois que j'en ressens l'envie, elle panse mes blessures, elle m'apporte tant d'amour dans ma vie. Que je peine à me faire à l'idée que tout ceci est sur le point de s'arrêter.
J'ai du chagrin, de la peine et beaucoup de colère. C'est un torrent de sentiment tragique qui me submerge. Elle s'éloigne peu à peu de moi, dans un monde où la maladie l'emprisonne. Je me sens perdue et démunie de force.
Pourtant son regard n'a pas changé, elle ne semble guère attristée bien au contraire, elle semble apaisée.
On va nous voler nos plus beaux souvenirs. Elle qui a toujours menée un petit train de vie, loin de la technologique et si proche de la nature, amie des animaux et de faune et de la flore. Elle a qui a toujours menée une vie seine, loin de l'air polluant de la ville. Toujours à aider son prochain. Et voilà comment la vie l'en remercie...
J'en veux à la vie, j'en veux au monde et j'en veux à cette foutue maladie. Elle ne mérite pas de partir ainsi. Elle qui a vouée toute sa vie à aider les autres, elle qui ne s'est jamais plainte. Elle va partir avec souffrance.
J'avais déjà un pied dans le vide en apprenant que mon frère était entre la vie et la mort, je suis désormais plongée dans le plus grand vide en apprenant que ma grand-mère est condamnée à une mort certaine.
-Mais...il existe des traitements, tu peux faire de la chimiothérapie...tu ne peux pas lâcher les bras aussi vite.
-Lenna tu sais ce que j'en pense de tous ces foutus médicaments. Je ne veux pas d'acharnement thérapeutique, je veux pouvoir profiter de mes derniers instants auprès de mon mari, de mes enfants et auprès de mes petits-enfants. Je ne veux pas passer les derniers mois qui me reste à vivre, confinée dans un hôpital. La chimiothérapie n'aura aucun effet sur moi, ou du moins ça ne fera que prolonger de quelques semaines mon départ mais ça sera dans d'atroces souffrances. Je veux pouvoir profiter de mes derniers jours dans le bonheur et la joie.
-Nous avons réfléchi à toutes les possibilités nana, le mieux pour ta grand-mère est de l'éloigner du service hospitalier et de la laisser vivre pleinement ses derniers jours. Me fait part mon père qui est aussi touché que moi.
-Alors quoi, tu préfères baisser les bras ? Tu ne préfères pas tenter le tout pour le tout ? Tu préfères partir et nous laisser plutôt que d'essayer de te battre ? Tu vas me laisser, abandonner ton mari et tes enfants. Tu vas nous priver de ta présence. Tu vas me priver de la seule femme en qui j'ai le plus confiance.
Ma voix se brise au fur et à mesure que j'énumère tous mes reproches. Alors je préfère couper court à la discussion et quitter les lieux plutôt que d'exploser en sanglots devant eux. Je ne supporterais pas une seule parole de plus. J'ai le coeur beaucoup trop endolori.
Je pars me réfugier dans le seul endroit qui a toujours su me réconforter. Le seul endroit où je me suis toujours sentie en paix.
"Si vous avez de la peine, si la vie est méchante avec vous, réfugiez-vous au coeur de la forêt, elle ne vous décevra jamais. Chaque plante, chaque fleur, chaque arbre, chaque animal sont la preuve vivante de la toute puissance de Dieu et la forêt vous redonnera courage."
Mais ce soir-là, la forêt n'a pas su apaiser ma peine. Elle n'a pas su gérer mes pleurs. Elle n'a pas su me consoler ni apporter le soutien dont j'avais tant besoin car j'ai réalisé que tout ce dont j'avais réellement besoin c'était sa présence à lui...
Alors j'ai fait ce dont j'espérais le mieux. J'ai composé son numéro et j'ai déversé toutes mes larmes à l'entente de sa voix.
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All i ever need / PLK
FanfictionÀ c'qu'il paraît, j'ai des yeux que pour toi, chacun d'mes textes, chacun d'mes regards, tout c'que j'fais, c'est pour toi. J't'avoue, j'ai toujours eu du mal à faire confiance depuis l'enfance, m'attacher à quelqu'un, c'était pas dans mes plans, c'...