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Mathieu

Vingt-sixième année de mon frelon, huitième mois de grossesse pour sa copine, quatre-vingt quatorzième jour de l'année. Ça devrait être un jour fabuleux, où se mêle un temps merveilleux avec nos rires enjoués mais à la place de cela, un silence d'aplomb enivre l'appartement.

Deux semaines viennent de s'écouler depuis le départ d'Eddy et depuis, le monde semble s'être arrêté. On accumule les galères. Le disque dur a planté, flambant ainsi des mois de travail. Shelby a l'obligation formelle de rester alitée pour ne pas altérer son état de santé ni celui du bébé. Ma sœur a reçu une mise à pied du collège. Je me suis fait hacker mes coordonnées bancaires et tous nos réseaux sociaux ont sautés. Un départ d'incendie au troisième étage de l'immeuble où vis ma grand-mère a faillit mettre en péril son logement. Et puis il y a Lenna...

Renfermée sur elle-même. Elle n'a prononcée aucun mot et cela depuis presque trois semaines.

Elle se lève chaque matin, avec ce même regard, dévasté.

Le départ d'Eddy a laissé un tel vide dans sa vie que j'ai bien peur de ne pouvoir être en mesure de combler ce vide un jour.

Pour honorer la demande d'Eddy, j'ai pris la décision de l'héberger chez moi. De quoi chasser ses idées noires et de lutter contre ses démons. Une façon de l'accompagner dans son deuil tout en gardant un œil sur elle, sait-on jamais.

Bien qu'elle se fasse discrète, elle suit chacun de mes déplacements. N'importe où, où je me trouve, elle m'accompagne.

Avec les gars, nous essayons de l'intégrer au maximum dans nos échanges mais elle reste en retrait. Son visage est dépourvu d'expression et elle semble vidée de toutes émotions.

Les seules échanges qu'elle s'accorde, sont promus à ma grand-mère et à ma sœur.

En ce qui me concerne, notre relation s'améliore de jour en jour. Elle semble moins réticente, et se laisse peu à peu enivrée par notre proximité.

De façon crescendo, notre histoire reprend vie. Peu à peu, nous redevenons NOUS.

Pas de précipitation, pas de faux espoir, ne rien attendre en échange tels étaient les maîtres mots de notre dernier échange avec Eddy.

Peu avant qu'il rende son dernier souffle, lui et moi, avons eu un échange. Je me devais d'avoir cette conversation avec lui tout comme il se devait d'avoir cette conversation avec moi.

Bien que je ne portais pas ce dernier dans mon coeur, il n'en reste pas moins une personne censée. Avec de très belles pensées.

Je lui dois beaucoup.

J'espère au moins que de là où il est, il a su trouvé la paix.

Dans l'espoir que la tempête puisse s'arrêter pour laisser place à la sérénité.

Je sais que le chemin sera long, qu'il sera parsemé d'embûches mais je ne renoncerais pas. C'est elle que je veux après tout. C'est elle et ça l'a toujours été.

La première fois que je l'ai eu, je pensais l'avoir pour acquis, qu'elle allait être à ma merci. Qu'entre elle et moi, ça serait juste passager rien de plus. Désillusion.

La vérité, j'étais jeune et aucune confiance en moi. Quelques kilos en trop, quelques cicatrices d'acnés et le complexe était là.

Mes amis enchaînaient les coups d'un soir, moi je passais mes journées à culpabiliser devant mon miroir.

Se sentiment d'être impuissant face au reflet de son visage dans un miroir, je le connais. Je compatis avec la douleur de Lenna.

Durant longtemps j'ai tenté de camoufler ce sentiment de vulnérabilité, en devenant un monstre misogyne, sans cœur, sans langue de bois. J'ai commencé à enchaîner moi aussi les conquêtes en balançant des sommes astronomiques pour attirer les regards sur moi... Des cœurs ? J'en ai brisé des dizaines sans doute des centaines, mais aucun n'aura eu l'impact de celui de Lenna.

J'ai perdu pieds le jour où elle a mis fin à notre relation. Je pensais qu'elle reviendrait sur sa décision, qu'elle finirait par céder...

Qu'est-ce que j'ai pu être con de la penser aussi naïve. Dans l'histoire, c'est moi le plus grand blessé.

Je me suis moi-même infligé ces douleurs, juste pour frimer. Alors pour me prouver que je pouvais encore plaire, j'ai enchaîné d'autres relations, des coups d'un soir. Jusqu'à cette Cindy ou Sandy, je ne sais même plus son nom.

En revanche j'oublierais jamais celui de Lenna.

J'ai tout fait pour l'éviter et à trop vouloir jouer, j'ai finis par perdre la seule personne que je voulais.

Je l'a voulais et j'ai désiré une liberté qui m'a fortement dévié de ma trajectoire espérée.

J'ai vrillé le jour où l'on m'a rapporté que Lenna fréquentait un autre mec que moi.

Alors par fierté, j'ai voulu faire pareil. Lui prouver que moi aussi, je pouvais passer à autre chose. J'ai perduré une relation avec une fille, sans jamais la désirer. Sans même réaliser que ce que je faisais était loin des valeurs que m'avait inculqué ma grand-mère.

Tout ce mal pour découvrir qu'entre Lenna et Eddy, c'était purement amical.

Son départ nous aura montré que nos vies ne tiennent qu'à un fil. Et que nous donnons trop d'importance à des choses beaucoup trop ufutiles.

Mon seul regret est d'avoir agit avec mon entrejambe et non avec mes neurones.

Aujourd'hui j'en paye encore les conséquences. Si j'avais su me contenir, la fille qui se trouve en face de moi serait dans mes bras et qui sait, elle porterait sans doute mon nom.

J'y prête davantage attention ces derniers temps. Je me projette dans un avenir à ses côtés.

De nouvelles ambitions, de nouveaux schémas se dessinent dans ma tête. Peu à peu, le brouhaha se dissipe pour laisser place à un avenir bien plus prometteur.

J'imagine qu'un jour, j'oserais franchir le cap en lui demandant de poursuivre ses rêves à mes côtés.

Parce que je ne peux me résoudre à la laisser sans aller une énième fois loin de moi.

Quand je la vois, entourée de mes gars, je ne peux me dissuader du contraire. Je sais que c'est elle que je veux.

Et qu'un jour Lenna prendra mon nom.

All i ever need / PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant