11. Le jour de repos

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La semaine passe à toute allure. Je m’habitue vite à mon travail. Le chef du centre me dit que je suis un bon ouvrier. Je m’entends bien avec mes collègues et nous passons ensemble de bons moments. 

Le soir, j’arrive à ne plus fâcher Adrien. Nous échangeons des mots polis et nous couchons sagement. Parfois, sa main effleure la mienne et je me surprends à avoir envie qu’il la saisisse. 

Nous arrivons enfin au jour de repos hebdomadaire. Ce jour-là, nous avons le droit de nous lever une heure plus tard et je trouve très agréable de pouvoir paresser au lit, confortablement installé. 

Les réveils de nos bracelets finissent par sonner. Je me redresse tandis qu’Adrien pousse un juron que je ne répéterai pas et pose son oreiller par-dessus sa tête pour étouffer le bruit. 

Je sors du lit et jette un regard incertain à la forme de mon Conjoint que l’on devine sous les couvertures. Il est l’heure de se lever et je devrais sans doute le secouer. Mais il est toujours si fatigué en semaine que j’estime qu’il devrait se reposer davantage. 

Je quitte donc la pièce sur la pointe des pieds et vais préparer le café. Je soupire en regardant ma tasse fumante. J’espérais m’habituer progressivement au goût, mais j’ai au contraire l’impression de trouver ce breuvage plus dégoûtant chaque jour davantage. 

Je tends la main, résigné, lorsqu’un autre bras s’empare soudain de la tasse avant moi. 

Je lève des yeux indignés vers Adrien qui trempe tranquillement ses lèvres dans mon café. 

— Qu’est-ce que tu fais ? je m’insurge. 

Mon Conjoint sourit. 

— Je nous rends service à tous les deux. 

— C’est à moi de boire ce café ! Le S…

Je m’interromps précipitamment. Je sais qu’Adrien n’aime pas que je cite le Système et je n’ai pas envie de le fâcher pour la première journée que nous allons passer entièrement ensemble. 

Le jeune homme penche la tête pour en attraper jusqu’à la dernière goutte. 

— Tu allais dire le mot interdit, s’amuse-t-il en reposant la tasse. 

Il est assis sur le plan de travail et balance ses jambes dans le vide. Ses yeux gris pétillent d’amusement. 

— Il n’y a que pour toi que ce mot est interdit ! 

Il se lève et me jette un regard de haut. 

— Je suis le chef de cette cellule familiale, Max. C’est donc moi qui détermine les règles. 

Je fais la moue. Et contre attaque. 

— Je m’appelle Maxence. 

— C’est trop long à dire. Je préfère Max. 

J’hausse un sourcil. Le Système interdit les diminutifs pour une bonne raison. 

— Et comment pourrait-on différencier Maxence d’un Maxime ou d’un Maximilien si les trois sont surnommés Max ? 

Il a un geste d’indifférence. 

— Je ne connais ni Maxime ni Maximilien. 

— Mais ce n’est peut-être pas le cas des autres citoyens que nous fréquentons. 

Adrien soupire. 

— Très bien. Je ne t'appellerai Max que lorsque nous sommes juste tous les deux. Cela te convient-il ? 

Je réfléchis. 

— Cela me paraît un bon compromis. Dois-je t’appeler Adri ? 

Il frissonne. 

— Certainement pas ! 

Il prend un air faussement indigné et je ne peux m’empêcher de rire. 

— Que veux-tu faire, aujourd’hui ? me demande mon Conjoint lorsqu’il a fini nos deux tasses. 

Je passe en revue toutes les possibilités que nous offre ce jour de repos. Avec mes parents, nous l’utilisions généralement pour aller faire un tour dans l'un des parcs de la Cité. J’aimais beaucoup cela. 

Je me tourne donc vers Adrien. 

— Allons nous promener, je lui suggère avec enthousiasme. 

Il rit. 

— Tu es si… conventionnel… 

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qu’il veut dire. 

— Tu n’aimes pas les promenades ? 

Il passe une main dans ses cheveux. J’ai remarqué ces derniers jours que c’est un geste qu'il fait lorsqu'il est agacé. Dans le même temps, il se mord la lèvre et me regarde d’un air frustré. Encore une fois, je ne comprends pas ce qu’il attend de moi. 

Sa main se pose sur ma joue. Je sursaute, retiens ma respiration tandis que ses doigts glissent sur ma peau. 

— Tu es mignon comme tout, petit Conjoint. 

Il a prononcé ce compliment d’une voix si basse que j’ai presque cru l’avoir imaginé. 

— M...merci. 

Son autre bras s’enroule autour de ma taille. Il m’attire contre lui. Nos deux corps se frôlent. Mon cœur bat la chamade. Le moindre mouvement de mon Conjoint m’électrise. Je manque défaillir lorsque ses lèvres se posent sur les miennes. Le baiser est à la fois doux et possessif. Il ne doit s’étendre que sur quelques secondes, et pourtant j’ai la sensation qu’il a duré plusieurs heures lorsqu’Adrien me relâche. 

Avons-nous seulement le droit de faire cela ? Cela me semble trop bon pour être permis. 

Il me sourit. Les traits de son visage rayonnent, le rendant plus beau que jamais. 

— Je t’ai désiré la première fois que je t’ai vu, me murmure-t-il en me regardant droit dans les yeux. 

Je me dandine, embarrassé. Mon Conjoint mentionne cette fameuse rencontre dont j’ai presque tout oublié. Pour moi, il n’était qu’un jeune citoyen parmi d'autres. Je comprends mieux pourquoi mon manque de souvenir l’avait contrarié. 

— Est-ce que… est-ce que tu peux m’embrasser à nouveau ? je lui demande en rougissant. 

Il sourit et s’exécute. Cette fois-ci, il prend tout son temps. Ses lèvres titillent les miennes, m’arrachant un gémissement. Je sens sa langue se frayer un passage et entrouve la bouche pour le laisser entrer. Il m’attire à nouveau et me serre contre lui comme s’il n’allait jamais me lâcher. Personne ne m’avait jamais touché comme il le fait à présent. Je me laisse aller dans ses bras, les yeux fermés. 

— Je pourrais passer la journée entière à t’embrasser, me murmure-t-il en mettant fin au baiser. Mais tu voulais prendre l’air. 

Je penche la tête sur le côté, indécis. Mais il ne serait pas sain de rester enfermés. Après tout, nous aurons le reste de notre vie pour nous câliner. Cette simple idée me procure une bouffée de bonheur et je me sens rougir. 

Adrien me sourit, m’embrasse sur la joue et me relâche. 

— Où voudrais-tu aller te promener ? 

Je réfléchis. Je ne connais pas encore la dixième cité. Avec mes parents, nous serions allés au parc central. 

— Quelque part où il y a de la végétation, je propose donc. J’aime la nature, les arbres et tout ça. 

Adrien sourit. 

— Tu es adorable. Je connais un endroit qui devrait te plaire. 

Le Conjoint (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant