40. Nouvelle vie

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Les jours passent. Je commence mon travail de surveillant des enfants avec une certaine appréhension, avant de prendre davantage confiance en moi. Je finis vite par me plaire dans ce rôle. Les petits Anti-Civiques sont certes plus agités que les jeunes Citoyens, mais ils ont quelque chose de vivant et d’attachant. Je ne m’occupe que des enfants trop jeunes pour aller à l’école ou jouer tout seuls. Le soir, lorsque tous les enfants ont été récupérés par leurs parents, je rentre dans notre logement. Comme dans la dixième Cité, Adrien revient presque toujours après moi. J’ignore ce qu’il fait exactement de ses journées car il ne m’en parle quasiment jamais. Je sais qu’il se rend souvent dans l’étrange bâtiment qu’occupent les élus. Je crois que je préfère ne pas savoir ce qu’il y fait. 

— C’est vrai que tu es un robot, Max ? me demande un jour en fin d’après-midi un petit garçon d’un ton grave. 

Il me fixe avec de grands yeux sérieux. Je vois les autres adultes en charge des enfants se tendrent et je fais très attention à ce que je vais répondre. Mes nouveaux collègues se méfient de moi et ne cessent de me tourner autour pour me surveiller. Quoi qu’en dise Adrien, je n’ai pas trouvé ma place parmi eux. Pas encore, du moins. 

— Je n’en suis plus un, maintenant, je réponds donc avec prudence. 

Un silence sceptique s’installe. 

— Et c’est vrai que le Système vous enlève votre cerveau pour mieux vous contrôler ? me questionne à son tour une fillette. 

Je sursaute, indigné

— Quoi ? Non ! Bien sûr que non ! 

— Alors tu as toujours ton cerveau ? insiste la petite fille. 

— Oui ! j’assure fermement. 

La petite observe mon crâne avec attention, comme si elle espérait pouvoir discerner l’intérieur par transparence et je dois me retenir pour ne pas cacher mon front de mes mains. Elle n’est visiblement pas la seule des enfants à avoir des doutes et je grogne en levant les yeux au ciel. Mais enfin, qu’est-ce que les Anti-Civiques s’imaginent à propos des Citoyens ! Enlever notre cerveau… Et puis quoi encore ? 

— Je suis comme vous, je reprends en essayant de sourire. Vous voyez ? 

Je leur désigne mes bras et mes jambes. Les petits viennent les observer avec une certaine méfiance. Pensent-ils que je vais soudain me transformer en une créature de métal ? 

— Allons les enfants, laissez Maxence tranquille, finit par intervenir une autre surveillante. Qui veut du goûter ? 

Les petits bondissent d’un même mouvement sur leurs pieds pour aller s’emparer d’un gâteau sec et je soupire. J’entreprends de ranger quelques jouets qui traînent un peu partout. Dans la Décapole, on nous apprend depuis notre plus jeune âge à prendre soin de nos affaires, mais cela ne semble pas être le cas ici… 

Ma journée de travail est presque finie et j’en suis soulagé. S’occuper des enfants n’est pas désagréable, mais très fatiguant et je me sens épuisé tous les soirs en me couchant. Leurs parents viennent progressivement les récupérer et, bientôt, je n’ai plus qu’un petit groupe qui revient tourner autour de moi. 

— C’est Adrien ! crie soudain une voix aiguë. 

Je lève aussitôt la tête et vois mon Conjoint s’approcher de l’espace dédié aux enfants. Je fais un pas vers lui, ravi. Il ne vient habituellement jamais me chercher et je suis heureux de le voir plus tôt que prévu. 

— Adrien, c’est ton amoureux, non ? chuchote la petite fille de tout à l’heure si fort que tous les enfants restants l’entendent. 

Je me sens bêtement rougir. 

Le Conjoint (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant