Le bien-être provoqué par le lac ne tarde pas à s’estomper au cours des deux jours qui suivent. La forêt inhospitalière me paraît sans fin. Je me sens de plus en plus faible et nous devons faire des pauses très fréquentes pour que je puisse reprendre mon souffle. Adrien ne cesse de me répéter que nous n’allons pas tarder à arriver mais je finis par ne plus le croire. Je n’ai plus envie de penser à rien. Je me contente de mettre un pied devant l’autre tant que j’en ai la force. Bientôt, je ne serais plus bon qu’à m’allonger sur le sol dur pour attendre la mort.
— Tu exagères, m’assure Adrien en roulant des yeux lorsque je lui fais part de cette dernière réflexion. Puis que je t’ai dit que nous y étions presque ! Arrête donc de jouer au moribond !
Vexé, je fais la moue et garde pour moi mes autres pensées. Mon Conjoint peut raconter ce qu’il veut, il serait bien embêté et triste s’il se retrouvait avec mon cadavre sur les bras !
Je m’efforce pendant de retrouver un peu de courage et continue à suivre Adrien.
Nous tombons sur le premier bâtiment moins d’une heure après. C’est un simple cube en béton, muni de trous en guise de fenêtre. Des arbres ont poussé à l’intérieur et sortent d’un peu partout. Il s’agit cependant de la toute première construction que nous voyons depuis le début de notre périple et sa vision a quelque chose de réconfortant.
Mon Conjoint me presse la main, excité.— Nous approchons, murmure-t-il, comme s’il craignait de troubler la tranquillité des lieux.
Lentement, nous contournons le cube. Adrien consulte rapidement sa boussole et nous fait pivoter vers la droite. Nous atteignons un deuxième bâtiment à moitié écroulé, puis un troisième un peu plus loin. Et, soudain, alors que nous atteignons le sommet d’une petite colline, une ville entière s’étend devant nos yeux. Du moins, c’est ainsi que j’interprète cet immense amoncellement de tours coagulées toutes plus hautes les unes que les autres. On ne pourrait imaginer un endroit plus différent que les cités de la Décapole, composées presque exclusivement de jolies petites maisonnettes entrecoupées de rues bien propres et droites. Ici, tout est conçu en verticalité et je serais bien en peine de discerner un quelconque ordonnancement dans cette anarchie apparente.
Nous commençons à descendre vers les premiers immeubles. Je commence alors à me rendre compte à quel point cet endroit est délabré. Cette cité si impressionnante n’est plus qu’une vaste ruine. Les anciennes rues sont recouvertes de grabats et pas une seule tour ne semble intacte. La forêt a repris progressivement ses droits. Des arbustes s’élèvent sur la chaussée défoncée et les façades sont recouvertes de mousse. Des animaux se sont emparés des lieux et un sanglier traverse la route à une dizaine de mètres de nous. Un jour, cette ancienne cité sera probablement entièrement recouverte d’arbres et achèvera de disparaître.
— Pourquoi les Anti-civiques habitent-ils les uns sur les autres ? je m’étonne en levant la tête pour essayer de discerner le sommet de l’une de ces tours. Cette dernière est cependant si haute qu’elle se fond dans les nuages.
Adrien se met à rire.
— Ces immeubles n’ont pas été construits par les Anti-Civiques, voyons ! Mais par la civilisation qui peuplait ces terres avant la mise en place de la Décapole. Les êtres humains, nos lointains ancêtres, étaient alors beaucoup plus nombreux et disposaient de moins de place pour s’établir.
— Oh…
J’essaie d’imaginer une multitude de Citoyens serrés les uns contre les autres et frissonne. Heureusement que le Système est là pour stabiliser l’accroissement de la population !
Nous continuons à déambuler sur la route remplie de trous, évitant les pierres et bouts de ferraille éparpillés un peu partout. Le revêtement noire est étrange. Je n’avais encore jamais vu un tel matériau. Des carcasses rouillées de ce devaient un jour être des véhicules sont abandonnées un peu partout.
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Le Conjoint (bxb) [terminée]
RomanceDans un futur lointain, les êtres humains vivent sous le contrôle du Système qui dirige tous les éléments de leur vie. L'année de ses dix-huit ans, chaque citoyen est accouplé à une citoyenne. Le jour où vient son tour, Maxence se retrouve cependant...