Le lendemain, Adrien ne m'adresse pas la parole pendant le café. Il est tout aussi silencieux sur le chemin du travail. Je glisse timidement ma main dans la sienne. Il la prend machinalement, sans tendresse. Au moins il ne m'a pas repoussé. Au moment de nous séparer, il se détourne sans m'embrasser et répond par un grognement à mon timide salut. Je n'ai même pas eu l'occasion de lui parler de l'invitation de mon chef.
Je me rends au centre sans entrain. Je travaille avec la même application que d'habitude. Je me sens cependant déprimé et, plusieurs fois, je suis sur le point de fondre en larmes.
Caché parmi les longues rangées d'étagères, je secoue fermement la tête. Je dois penser en citoyen et non caler mon humeur sur celle de mon Conjoint. Peu importe que ce dernier soit parfois grognon ou bourru. Son mauvais caractère est son problème, pas le mien.
Mon regard tombe sur la réserve de tablette de chocolat. Il y en a des milliers et des milliers. Personne ne remarquera la disparition de l'une d'entre elles...
Je secoue à nouveau la tête. Non. Je ne peux pas en dérober une. Pas même pour faire plaisir à Adrien. C'est... c'est illégal.
J'observe à nouveau les étagères pleines à craquer. Je souhaiterais faire plaisir à mon Conjoint. Je voudrais voir son visage s'éclairer lorsque je lui tendrais le chocolat.
Mais je ne peux pas. Je suis un bon citoyen. Comment pourrais-je désobéir à ce point au Système ? Si tout le monde se mettait à voler de la nourriture dans les entrepôts, nous finirions par mourir de faim.
Le soir, lorsque je rentre à la maison, Adrien n'est pas là. Je me rends dans le salon. J'essaie de m'asseoir et de lire les quelques ouvrages qui se trouvent dans notre cellule familiale, mais suis incapable de me concentrer sur plus de quelques lignes. Je vais dans la chambre, tire sur la couverture pour essayer de la mettre un peu plus droite. Je me mets ensuite à tourner en rond dans l'entrée. Je suis angoissé. Je me demande comment mon Conjoint va se comporter envers moi. Est-il toujours fâché ?
Lorsque j'entends la porte s'ouvrir, je fais un bond en l'air. Je regarde Adrien entrer et retirer ses chaussures. Il lève les yeux vers moi et grogne.
— Et bien, quoi ? Qu'est-ce que tu as à rester planté là ?
Mes lèvres se mettent à trembler. Je cherche à lui répondre mais ma gorge est soudain trop nouée pour cela. Je sens quelque chose d'humide couler sur mes joues et comprends que je me suis mis à pleurer. Ma vision se trouble. Je discerne la silhouette de mon Conjoint en train de se rapprocher de moi. Sa voix se fait soudain plus douce.
— Max... Que se passe-t-il ?
Il me prend dans ses bras. Je sanglote encore plus fort et m'accroche désespérément à lui. Mes doigts s'agrippent au tissu de sa chemise comme s'ils n'allaient plus jamais le lâcher.
— Je... Je ne peux pas...v... voler du chocolat... Je... J'ai essayé... Mais...
Je l'entends soupirer. Sa main caresse ma joue pour essuyer mes larmes. L'autre est toujours accrochée à ma hanche.
— Ce n'est pas grave. Je ne t'en veux pas, petit Conjoint.
— Mais... Hier et ce matin... Tu étais furieux... Et...
— Je ne le suis plus. Pardonne-moi, Maxence. J'ai un sale caractère. Je vais peut-être trop vite avec toi.
Il m'embrasse la joue, le front, puis enfin les lèvres. Je le laisse faire. Mon chagrin et ma peur sont remplacés par un intense soulagement et mes sanglots s'estompent. Je ne comprends pas très bien ce qu'il veut dire par "aller trop vite" avec moi, mais ne lui pose pas de question. Je suis trop heureux de le voir se comporter à nouveau avec douceur.
Je pousse un petit cri lorsqu'il me soulève soudain sous les cuisses pour me prendre dans ses bras.
— Que... qu'est-ce que tu fais ?
Au lieu de le voir entrer dans le salon, j'ai la surprise de le voir tourner en direction de la chambre.
Il me sourit.
— Je vais te remonter le moral.
Il me dépose sur le lit.
— Ce n'est pas l'heure de dormir, je proteste.
Son sourire s'agrandit.
— On peut faire autre chose que dormir, sur un lit.
Il prononce cette dernière phrase sur un tel ton que je ne peux m'empêcher de rougir.
Je suis là, allongé de tout mon long, lorsqu'Adrien grimpe à son tour sur le lit. Il y a quelque chose dans ses yeux qui lui donne un côté bestial.
Je ferme les paupières lorsqu'il m'embrasse. Le goût de ses lèvres est à mon sens l'une des plus belles choses au monde. Mais, cette fois-ci, mon Conjoint ne s'arrête pas à cela et entreprend de me caresser les cuisses. J'aime cette sensation. Elle est agréable et me remplit de chaleur.
— A... Adrien, je soupire lorsqu'il libère mes lèvres.
— Mon chéri.
Je me sens rougir encore davantage à ces mots.
— On dirait que nous sommes un vrai couple lorsque tu emplois ces mots.
Cette idée me donne des papillons dans le ventre.
Adrien hausse un sourcil.
— Nous sommes un vrai couple.
Le jeune homme grogne et passe ses mains sur le haut de mon pantalon qu'il tire vers lui dans le but manifeste de le retirer.
Je rouvre les yeux, effrayé.
— Que... qu'est-ce que tu fais ?
Il grogne.
— À ton avis ?
Je replie précipitamment mes jambes vers moi.
— Non !
Adrien fait la moue.
— Et pourquoi pas ?
— Tu crois que le Système approuverait ce... ce genre de pratique, je demande timidement, toujours recroquevillé. L'acte sexuel doit servir à procréer et, dans notre cas...
Adrien m'arrête d'un geste. Je constate avec tristesse que je l'ai à nouveau fâché.
— Le Système nous a désignés comme conjoints, non ? J'estime que cela veut dire que nous sommes parfaitement en droit de nous comporter comme tels. Et je ne veux pas avoir avec toi un "acte sexuel". Je veux te faire l'amour.Cette simple phrase me fait rougir de plus belle. Je n'avais jamais entendu cette expression. Elle me plaît bien. Cette fois-ci, je m'oblige à garder le regard levé et me perds dans le gris des yeux d'Adrien. Je comprends qu'il n'est pas réellement fâché. Il semble plutôt frustré, comme lorsqu'il estime ne pas avoir eu assez de dessert.
Je me mets à quatre pattes et me rapproche prudemment de lui. Il me fait monter sur ses genoux et m'embrasse chastement.
— Je... je voudrais que nous attendions encore un peu avant de... de... de faire l'amour.
Mes joues chauffent encore davantage et je détourne le regard, très embarrassé.
— D'accord.
Et il me sourit avec tendresse.
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Le Conjoint (bxb) [terminée]
RomanceDans un futur lointain, les êtres humains vivent sous le contrôle du Système qui dirige tous les éléments de leur vie. L'année de ses dix-huit ans, chaque citoyen est accouplé à une citoyenne. Le jour où vient son tour, Maxence se retrouve cependant...